Après Marseille et avant Toulouse et Paris, c’est Montpellier qui a décidé de rejouer le bijou de l’opéra français.
Disons-le sans détour : ce sont les Français qui sauvent le concert du naufrage.
En effet, dans les deux rôles principaux, l’élégance du style français n’est plus qu’un lointain souvenir.
Sans Samson ni Dalila
Le ténor géorgien Badri Maisuradze, bien connu pour la vaillance de son Radamès et de son Otello, semble perdu dans Samson, dont il n’a ni la couleur, ni la ligne, ni l’éclat, et encore moins l’élocution. Il semble ne savoir chanter que forte, tout en force et en muscles, et lorsqu’il tente un aigu piano dans l’air de Dalila, sur « Dalila, je t’aime », c’est au prix d’un serrage laryngé sur lequel il manque de s’étranger. Sa diction française, en outre, est catastrophique, on n’en comprend pas un mot.
Sa Dalila, la mezzo israélienne Hadar Halevi, n’est guère mieux lotie, à ceci près qu’elle semble davantage rompue à la prononciation française. Grossissant souvent sa voix, appuyant lourdement ses graves, hachant la ligne, elle chante ses airs toutes voiles dehors, lançant ses aigus comme des javelots, là où la musique – à travers l’orchestre – suggère un chant lumineux, retenu, presque intime, legato en archet à la corde.
En Abimelech, David Bizic fait valoir la solidité sombre de son instrument, mais là aussi le style français semble lui échapper.
Grand-Prêtre imposant, Marc Barrard donne à tous, dès ses premiers mots, une leçon de chant français. Si le rôle, il faut l’admettre, sonne trop large pour sa voix de baryton lyrique, l’interprète en impose par la franchise de son émission, claire et parfaitement placée, percutante et sonore. La diction française est celle de la grande tradition, chaque mot sonnant parfaitement accentué et d’une limpidité rare. Un très grand chanteur français, trop peu connu du grand public.
Dans les répliques du Vieillard hébreu, Nicolas Cavallier fait valoir une fois encore la solidité de son médium et la noblesse de son élocution.
Saluons tout particulièrement la performance des chœurs, ceux de l’Opéra de Montpellier ainsi que ceux d’Angers-Nantes Opéra, d’une pâte sonore somptueuse, brillants et sonores, et eux aussi totalement compréhensibles.
Directeur musical de l’Orchestre et de l’Opéra de Montpellier, Lawrence Foster conduit ses troupes avec fougue et passion, cultivant une grande élégance dans la sonorité des instrumentistes, sans jamais tomber dans un pompiérisme facile.
Une soirée inégale, qui a cependant prouvé avec éclat l’importance, pour une telle œuvre, du vrai style français.
Montpellier. Opéra Berlioz-Le Corum, 21 janvier 2011. Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila. Livret de Ferdinand Lemaire. Avec Samson : Badri Maisuradze ; Dalila : Hadar Halevi ; Le Grand-Prêtre : Marc Barrard ; Abimelech : David Bizic ; Le Vieillard hébreu : Nicolas Cavallier ; Le messager : Franck Bard ; Premier philistin : Nikola Todorovitch ; Deuxième philistin : Laurent Serou. Chœurs et Chœurs supplémentaires de l’Opéra National de Montpellier Languedoc-Roussillon ; Chœurs d’Angers-Nantes Opéra. Chef des chœurs : Noëlle Geny. Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon. Lawrence Foster, direction musicale