Magnifiée sur le gigantesque plateau du Théâtre Antique d’Orange, la superbe production de Norma imaginée par Charles Roubaud prend possession, dans sa version plus intime, de la scène de l’Opéra de Massy. Traditionnelle, fidèle au livret, cette scénographie se révèle d’une grande efficacité, dépouillée et resserrant le drame autour des personnages. Elle réserve des moments d’une singulière beauté, comme la prière de Norma, toute de blanc vêtue, entourée par ses fidèles et éclairée par la lumière argentée de la lune. Les costumes de Norma sont particulièrement soignés, notamment celui qu’elle porte au second acte, drapée dans des voiles rouges, à la fois souveraine et prêtresse.
Saluons la distribution réunie par l’Opéra de Massy, des grandes voix comme on aimerait en entendre plus souvent.
Aux côtés d’un Flavio efficace et d’une Clotilde d’une tendresse touchante, l’Oroveso de la basse italienne Federico Sacchi en impose par l’impact de sa voix sombre et bien timbrée, et force le respect par la solidité de son incarnation scénique. On ne peut passer sous silence la totale inertie physique et dramatique du Pollione de Jeong Won Lee, visiblement peu concerné par son personnage et n’exprimant jamais aucun sentiment, mais, malgré tout, quelle voix ! Le timbre est beau et corsé, la puissance sonore impressionnante, et il semble se promener sur la tessiture meurtrière de son rôle avec une facilité déconcertante, sans jamais montrer le moindre signe d’effort ou de fatigue. Simplement stupéfiant d’aisance et de facilité.
Dans le doux personnage d’Adalgisa, Mzia Nioradze fait valoir le velours sombre de son mezzo capiteux et moelleux, conduisant un beau legato, dans un chant nuancé et élégant.
Mais la révélation de la soirée reste incontestablement la somptueuse Norma de la soprano italienne Maria-Pia Piscitelli. Rompue à la technique belcantiste, elle triomphe avec maestria de tous les pièges techniques parsemant sa partie. Piani aériens, vocalises parfaitement sur le souffle, tout est parfaitement maîtrisé. S’ajoutent à ces armes un grave sonore, un médium charnu et un aigu ample, d’une couleur délicieusement argentée. Elle prend littéralement possession de son rôle, avec un jeu sobre mais toujours juste et poignant, sans jamais se départir d’une grande noblesse et d’un port de reine. Une grande Norma, pas moins.
Tout entier dans l’énergie, le chœur de l’Opéra de Tours accomplit une prestation remarquable d’homogénéité et de force dramatique.
En bon chef d’opéra qu’il est, Dominique Rouits, fidèle à son habitude, équilibre les forces, ménage les chanteurs, les suit et les conduit, galvanisant un Orchestre de l’Opéra de Massy en belle forme, cordes soyeuses, vents délicats et cuivres brillants. Un public conquis a chaleureusement applaudi cette superbe Norma, preuve que l’ouvrage se monte aisément lorsqu’on a les voix pour le servir.
Massy. Opéra, 9 mai 2010. Vincenzo Bellini : Norma. Livret de Felice Romani d’après Norma ou l’Infanticide de L. A. Soumet. Avec Norma : Maria Pia Piscitelli ; Adalgisa : Mzia Nioradze ; Pollione : Jeong Won Lee ; Oroveso : Federico Sacchi ; Clotilda : Isabelle Guillaume ; Flavio : Marc Larcher. Choeur de l’Opéra de Tours. Orchestre de l’Opéra de Massy. Dominique Rouits, direction ; Mise en scène : Charles Roubaud. Assistant à la mise en scène : Bernard Monforte ; Décors : Isabelle Partiot ; Costumes : Katia Duflot ; Lumières : Marc Delamézière ; Chef de chœur : Emmanuel Trenque ; Chef de chant : Hélène Blanic
