Matinas do Natal
(Turicum, 2009)
Clarinette enjouée, choeurs pompeux sans épaisseur, un rien encanaillés, orchestre remonté et électrique, de surcroît dans une prise de son remarquablement bien définie, chanteurs à la verve facétieuse et fervente, font les délices de ce programme enregistré en « première mondiale », idéal pour les fêtes de Noël.
Outre la valeur de l’oeuvre très accessible bien que pour un effectif impressionnant, le double cd souligne non sans raison l’écriture du compositeur Marcos Portugal (1762-1830) que la chronologie place d’emblée à la charnière de deux siècles, c’est à dire en pleine période transitoire, entre le 18è et le 19è, soit au coeur des années qui ont vu l’éclosion de l’esthétique romantique.
Cette célébration fervente (Matines de Noël à Rio de Janeiro), en un cycle de 8 Responsorios, subtilement caractérisés (chacun distribué par une voix propre et un effectif particularisé) révèle le génie astucieux d’un compositeur dont la renommée dépasse le Portugal, jusqu’à l’Italie (comme compositeur d’opéras), et jusqu’au Nouveau Monde, au Brésil où il a diffusé le modèle européen avec une grâce peu commune.
Il n’est qu’à entendre la délicatesse de l’instrumentarium requis et le choix de tessitures vocales, qui ténor (superbe et lumineux Frédéric Gindraux) ou baryton (bel abattage musical de Marcus Nierdermeyer, le bien nommé) et même duo de contre-ténors (plage 4, Responsorio 2): l’euphorie des effectifs, capable aussi d’une profonde ferveur, chante dans l’allégresse collective la joie de la Nativité, avec un aplomb souvent proche de la verve lyrique: chanteurs et instrumentistes s’en donnent à coeur joie dans une série d’évocations en stile concertato (alternance des interventions pour chanteurs et choeurs), proches du Haydn admiratif et émerveillé (de La Création), et tout autant du jeune Rossini, génie des astuces et de la légèreté. On pense continûment au voyage de cette joyeuse équipée, déjà ivre et curieuse de l’Enfant à naître. C’est une galerie d’individualités et de choeurs savoureux, saisis durant leur épopée jusqu’à l’étable de Beethléem…
Crèche palpitante brésilienne
Dénué de violons et d’altos, l’orchestre sur instruments d’époque accuse une couleur résolument pastorale (solos de clarinette), naïve et même innocente (accompagnement sautillant de l’orgue); relevant le défi d’une partition liturgique qui se déroule sur une durée étendue (jusqu’à 4 heures), qui fonctionne la veille de Noël, Portugal s’ingénie à varier, osant des mélodies virtuoses (aux voix comme pour les clarinettes)… Aucun ennui ni relâchement dans cette lecture captivante de bout en bout: chaque protagoniste occupe et défend sa partie avec un panache malicieux, un sens du texte non dénué d’un vrai bonheur de jouer.
Célébration d’une constante inventivité voire facétie, la partition éblouit par son intelligence. C’est un tableau d’une naïveté désarmante, à la saveur populaire irrésistible, fruit des métissages les plus improbables. C’est une crèche recomposée, qui vit avec intensité l’effusion tendre qui vénère l’Enfant et le Sauveur du monde, dans un mouvement collectif nourri d’impatience, de jubilation et d’espérance, mais ici « brésilienne » qui se souvient des foisonnantes figurines peintes de Naples ou de Lecce, (Puglia) pimentées de saveurs tropicales, acclimatées aux températures plus ardentes extra européennes : elle révèle l’immense talent d’un compositeur encore méconnu qui proche de la cinquantaine nous livre ici une oeuvre totalement atypique. Saluons le label Paraty de nous le présenter en pleine lumière, sous le feu pétillant de cette version habitée, fine, active, avec ses petites limites parfois (voix des sopranos incertaines et vibrées, contre ténors aigres…) et ses audaces palpitantes qui expriment la sincérité du geste, autant individuelle que collective. Révélation et découverte garanties.
Marcos Portugal (1762-1830): Matinas do Natal (1811). Ensemble Turicum. Luiz Alvees da Silva et Mathias Weibel, direction.
”Mattinas do Santissimo Natal de Nosso Senhor Jesus Christo. A 4 e mais vozes. Com obrigação de Clarinettes, Trompas, Violettas, Fagottes, Violoncellos, Contrabachos e Orgão. Composto para a Capella Real do Rio de Janeiro, por ordem de S.A.R. o Príncipe Regente nosso Senhor. Por Marcos Portugal.”
Responsório 1 Hodie nobis caelorum Rex Responsório 2 Hodie nobis de caelo
Responsório 3 Quem vidistis pastores? Responsório 4 O magnum mysterium
Responsório 5 Beata Dei Genitrix Responsório 6 Sancta et immaculata
Responsório 7 Beata viscera Mariae virginis Responsório 8 Verbum caro factum est
Ensemble Turicum, instruments historiques
Direction: Luiz Alves da Silva et Mathias Weibel
Soprano Martina Fausch, Vera Ehrensperger, Susana Gaspar Alto Elizabeth McQueen Contre-ténor Javier Robledano, Jan Thomer Ténor Reto Hofstetter, Ralf Oberndorfer, Philipp Motelli Bariton Marcus Niedermayr, Basse Michael Leibundgut, Dennis Kovalenko
Clarinette Etele Dosa, Tomoko Ferraino Hautbois Rogério Gonçalves, Miho Fukui Cors David Acklin, Patrik Gasser Violon alto Mathias Weibel, Sylvia Gmür, Laura Chmelevsky, Mario Huter Violoncelle Anderson Fiorelli, Marlise Goidanich Violone Matthias B. Frey Orgue Bruno Procópio Timbales Mario Marchisella. Sortie annoncée le 9 novembre 2009.