lundi 5 mai 2025

Mahler: 6ème Symphonie (Salonen, 2009)1 cd Signum classics

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cd critique
Mahler: 6ème Symphonie
(Salonen, 2009)


Voici une excellente surprise qui souligne combien Salonen reste encore en 2009, un chef élégantissime mais aussi furieusement nuancé
; habile malhérien, sachant s’immerger dans cette opus n°6 au coeur de la bataille personnelle d’un Gustav Mahler plein de feu, de tendresse, de doute aussi… D’emblée, l’énergie désespérée de l’Allegro primaire avec ses vertiges impressionnants, fracas d’une machine de guerre qui emporte littéralement et foudroie le destin du héros maudit…, où perce aussi l’évocation tendre de l’air des montagne (ranz des vaches avec leurs cloches)… impose ici une lecture pleine de certitude et d’intelligence. Salonen déploie un bel hédonisme de départ, agissant tel un adoucissant rêveur qui gomme les aspérités d’une partition à la sauvagerie inouïe… Saluons ensuite la belle évocation des cimes rustiques et pastorales évoqué tel un paradis accessible… puis la très belle reprise de la marche guerrière, enfin les vagues lyriques plus tendres comme désespérées, qui disent cet aveu d’une impuissance à renoncer; d’où l’emballement final, une chamade d’une sincérité soudainement libérée. Vraie réussite de ce final très autobiographique.


Salonen, si subtil Mahlérien

Puis c’est le Scherzo: retour au martèlement fatal, plus à fleur de peau, retour à l’idée d’une marche au supplice, entre angoisse et terreur à peine canalisée… et toujours une multitude de sentiments mêlés qui peuvent fonder parfois la perte de tout équilibre et de toute sérénité; cette versatilité souvent panique, hypersensible est au coeur de la 6è: symphonie du destin, symphonie bavarde et autobiographique, diront toujours les critiques, reste la plus intime du compositeur: elle dévoile un coeur exalté et ardent, sincère jusque dans ses propres troubles et contradictions: le scherzo nous dit tout cela, et de bien magistrale façon par un Salonen là encore très articulé, capable de caractérisé chaque registre émotionnel malgré leur imbrication dans le tissu orchestral. Le chef sait même instiller une dose de délicatesse badine vite rattrapée par la pointe des cuivres sardoniques et acerbes.
Maître des contrastes, Salonen nous surprend tout autant dans la rêverie suspendue de l’andante, pause si régénératrice dans le torrent exprimé précédemment. C’est assurément dans ce mouvement que les musiciens du Philharmonia Orchestra donnent toute leur mesure évocatrice: bois et cordes enchantent totalement en un acte surprenant par son innocente candeur. Les dons de Salonen, capable d’une ferveur sereine et même enfantine s’avèrent ici prodigieux (cor porteur de ce secret récurrent dans son oeuvre).
De presque 30 minutes développé, l’ultime mouvement , Finale, allegro moderato, allegro energico-, impose une conclusion grandiose et rutilante mais jamais artificielle. Mahler repousse les limites de sa propre écriture orchestrale, exprimant avec radicalité et tension, amertume, âpreté aiguë d’une vie longue et douloureuse dont témoigne son opus symphonique décidément très autobiographique. Salonen semble lire et découvrir avec une tension active chaque mesure au moment de l’écoute/exécution: il en découle une direction vivante, enflammée, souvent incandescente (tutti fracassants), absolument convaincante tant elle frappe par ses flamboiements extrêmes, dévoilant un orchestre d’une superbe implication (les cuivres sont fabuleux). Ce dernier mouvement est une récapitulation rétrospective où tous les thèmes précédemment évoqués sont sublimés par le filtre d’une sensibilité enivrée, hypersensible, versatile… Face à un tel volcan instrumental, aux dimensions colossales dont le chef restitue l’excroissance progressive peu à peu jusqu’à la fin, l’écoute n’est jamais ennuyée. Le dernier tutti est plein de ce sentiment de catastrophe voire d’hyperconscience et tout est dit avec nervosité et opulence. Salonen est un grand chef nous le savions. Mahlérien insoupçonné, le finnois nous séduit au-delà de nos espérances.

Gustav Mahler: Symphonie n°6. Philharmonia Orchestra. Esa-Pekka Salonen, direction. Enregistré à Londres, Southbank Centre’s Royal Festival Hall, le 28 mai 2009. 1 cd Signum classic. Ref SIGCD 275. 6 35212 02752 3.

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