Un chimiste musicien
Roger Accart (1920-2007) était chimiste de formation et de métier. Mais sa vie – qu’il avait menée en voiture à une allure déraisonnable ! – était aussi vouée à l’art. Interprète passionné du lied romantique et de la mélodie française, il avait compris que les œuvres contemporaines ne pouvaient vivre que par diffusion volontariste. D’abord conférencier pour les J.M.F., critique musical, il avait fondé et dirigé le groupe Musique du Temps, actif de 1960 à 1972 et financièrement aidé par un mécénat…tout personnel. Ainsi les Lyonnais purent-ils rencontrer Messiaen, Jolivet, Stockhausen, Dallapiccola ou Luis de Pablo venus présenter leurs œuvres, écouter les frères Kontarsky, Jeanne et Yvonne Loriod, les Percussions de Strasbourg, les Quatuors Parrenin et Margand, Claude Helffer, M.F. Bucquet, J.François… Partant de l’Ecole de Vienne et de Varèse, les programmes incluaient Berio, Xenakis, Cage, Zimmermann, Boucourechliev, Dutilleux, Amy, Boulez, – à qui R.Accart vouait un culte -, mais durent renoncer pour diverses raisons aux premières œuvres de H.Dufourt. D’autres, que R.Accart accompagnait de son ardeur militante, prolongèrent son action : Opéra Nouveau (Louis Erlo), Musique Nouvelle, Ensemble Forum (Mark Foster), Temps Modernes, tous lui doivent une impulsion infatigable.
Contre les Philistins
Son amour de l’Italie et de l’Autriche était ardent, comme celui de la Hongrie, via Liszt et Bartok, et il joua jusqu’à ses dernières années un rôle déterminant à l’association France-Hongrie. Voyageur aux horaires et itinéraires extravagants – fût-ce pour aller écouter, toutes affaires cessantes, une seule œuvre en création -, il était avec élégance et fantaisie un Européen de la culture. Ses « lettres et téléphones d’insulte » aux tièdes et aux endormis, faisaient la joie de ses amis, qui en étaient parfois les destinataires amusés. Dans une ville portée à l’hibernation et aux valeurs reconnues, ce non-conformiste, fidèle sans affectation à son idéal, aura mené sans trêve, pour citer Schumann qu’il aimait tant, le combat « des compagnons de David contre les Philistins ».