samedi 3 mai 2025

Lyon. Le 9 novembre 2007. Concert Les Temps Modernes. Œuvres de George Crumb, Gerald Levinson, W.A.Mozart, Mantovani

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Lyon. Le 9 novembre 2007. Concert Les Temps Modernes
Œuvres de George Crumb, Gerald Levinson, W.A.Mozart, Mantovani
Le groupe lyonnais des Temps Modernes – des instrumentistes de haut niveau qui sont aussi enseignants – poursuit son si utile effort de création (avec Tristan Murail ou Ton-That-Thiêt) et de diffusion, ici avec deux compositeurs américains (Crumb, Levinson) et un « jeune » français (B.Mantovani). En pleine diversité des langages et des intentions….

Bonbons, zestes et verres

Un zeste d’aujourd’hui dans un grand verre d’hier ? Un bonbon d’hier dans un brouet d’aujourd’hui ? On sait que la question n’a jamais de réponse vraiment satisfaisante en matière de concerts où les concepteurs de programmes cherchent a habituer le public à l’art actuel. Le groupe lyonnais des Temps Modernes, de petite géométrie variable, a depuis l’origine opté pour une formulation rigoureuse, néanmoins sans rigidité ni obstination. On en avait encore un exemple salle Molière avec un Mozart qu’encadraient deux partitions américaines et une française contemporaines. Donc d’abord un Américain à… Lyon, et puis un autre : mais on ne risquait évidemment pas le sirop de l’école-john-adams et de ses complaisants clones. Car il s’agissait d’abord de George Crumb né en 1929) et de ses Onze échos de l’automne, émouvante et subtilissime façon de défroisser le silence. Glas funèbre en leitmotiv, comme l’indique le prière d’insérer ? En tout cas, rien de précis sur la mort, à plus forte raison d’être cher ou simplement connu. Davantage un voile tendu qui étouffe ce qui dépasserait le mzp, c’est une sourdine sur la création, sauf pour le déchirement « féroce » du 8e Echo, et une ode endeuillée à la Nature déclinante. Ces aventures et nouvelles aventures d’une partition s’exercent surtout dans la raréfaction , la mise en parcelles des unités, tout comme ce qui sort d’un piano préparé –( mais pas selon l’idée cagienne, bien sûr) ou la parole chuchotée par les instrumentistes des mots de Lorca sur « les arcs brisés où le temps souffre ». Et quel automne ? Celui de cette année 2007, à la lumière si parcimonieuse et souvent décolorée ? On cherche à savoir l’essence, la raison de cette distance probablement désolée : peut-être le lointain, l’écho d’un romantisme inguérissable, et ce que sous l’aile-abri du piano vont confier d’éolien la flûte et la clarinette…

Un autre Américain, Mozart et un Français d’avenir
Le 2nd Américain, Gerald Levinson, la cinquantaine et demi, et justement l’enseignement de George Crumb, est aussi sous influence de son maître français Messiaen. Cela s’entend à certains passages d’un piano du genre « XX Regards », dans des ardeurs d’ostinato à la clarinette ou au clavier, des mélodies graves du violoncelle. La « suite de rêves » qui constitue le 2e temps du Trio est d’une écriture raffinée, d’une confidence émouvante – la clarinette qui va « se réfugier » dans les harmoniques du piano -, d’une immobilisation progressive en songe qui s’effiloche. Et ensuite, un bonbon mozartien, sous la forme du Quatuor avec flûte K.285 : le bercement de l’adagio évoque, en carte postale de vacances, le sublime «soave si’al vento » de Cosi fan tutte, une risée inquiète passe sur les eaux de l’allegro initial, et c’est assez délicieuse respiration avant Les Danses Interrompues de Bruno Mantovani, l’auteur de 33ans à l’irrésistible ascension médiatico-spécialiste. Pour cette partition française, on pourrait paraphraser Mallarmé : « rêches blocs ici-bas chus d’un désastre obscur »… Sauf que le déroulement de ces Danses traduit une esthétique mouvante et une dramaturgie souvent frénétique, en rupture(s) dont le piano à coulées avalancheuses fort impressionnantes (étonnant Wilhem Latchoumia) souligne les obsessions rythmiques. Le désir de réécouter « à tête reposée » (mais est-ce possible ?) une œuvre aussi dense, volontaire et qui traque l’intimité réflexive du spectateur souligne en tout cas la nécessité des interventions de « Temps Modernes », si généreusement voué à faire écouter des écritures fort diverses. Car il n’y a pas d’attitude soliste en cet ensemble, dont les participants témoignent d’une parfaite précision et d’une belle inventivité sonore : pour ce concert ; Michel Lavignolle à la flûte (donc Papageno chez Mozart), Claire Bernard au violon, Anne-Marie Hovasse à l’alto, Luc Dedreuil au violoncelle, le fondateur et clarinettiste Jean-Louis Bergerard, Wilhem Latchoumia au piano, et pour Mantovani, Fabrice Pierre à la direction, incisive et engagée. Nécessaire, oui : qu’on veuille bien, en attendant leurs prochains concerts (à Avignon, 25 novembre ; à Lyon, 16 décembre 2007, puis février et mars 2008), se reporter aux disques, exemplaires : Murail (Winter-Fragments, Universal, en version DVD avec images de H.Bailly-Basin), Ton-That-Thiêt (Jardins d’autre monde, Hortus), bientôt participation pour E.Canat de Chizy (Livre d’heures, Hortus). Dans le paysage contemporain un peu désolé d’entre Rhône et Saône (hormis la Salle Varèse, et cette si kitsch Salle Molière qui n’a pas trop l’habitude contemporaine, mais sert de façon acoustiquement idéale tous répertoires), on voudra bien aussi se reporter à ce que nous écrivions sur la disparition de Roger Accart et au devoir de transmission des arts à naître et connaître.

Lyon. Salle Molière, vendredi 9 novembre 2007. Concert Les Temps Modernes. W.A.Mozart (1756-1791): Quatuor avec flûte K.285. George Crumb (né en 1929): Eleven Echoes of automn. Gerald Levinson (né en 1951): Trio. Bruno Mantovani (né en 1974): Danses interrompues. Ensemble Les Temps Modernes.

Crédit photographique: George Crumb (DR)

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