Luigi Cherubini [1760-1842]
Médée, 1797
Bruxelles, La Monnaie
Du 12 avril au 2 mai 2008
Christophe Rousset, direction
Krzysztof Warlikowski, mise en scène
Nouvelle prodution
Un opéra français avec dialogues parlés
C’est assurément la production la plus attendue de la saison en cours de La Monnaie de Bruxelles qui voit pour la première fois, et le chef Cristophe Rousset (et son orchestre Les Talens Lyriques), et le metteur en scène polonais, Krzysztof Warlikowski (né en 1962) dont le travail sur Gluck et dernièrement le Parsifal de Wagner, à l’Opéra de Paris, a suscité les plus vives controverses; remuant public et critique.
Tragédie de Cherubini, compositeur étoilé et reconnu de son vivant que portraitura Ingres dans une toile célèbre conservée au Musée du Louvre de Paris, Médée dès sa première en 1797 fut froidement applaudie et écartée de la scène très vite. La figure de Médée est bien connue: épouse délaissée par son mari (Jason) qui lui préfère une jeune femme, l’héroïne abandonnée à sa souffrance et son humiliation décide dans un monde déloyal, trop inhumain, de tuer ses deux enfants et d’assassiner sa rivale. Le personnage offre deux visages: l’infanticide barbare et cruelle, mère indigne, capable de commettre l’innommable, mais aussi la femme trahie, souffrante, désespérée: c’est à dire le bourreau et la victime.
Retour à l’original
En revenant à la version originale, Rousset entend montrer la qualité de l’écriture orchestrale, ses coloris soignés, surtout une forme serrée et dense de l’action qui d’emblée indique la volonté de Cherubini de suivre la tradition purement française du drame lyrique, dans la veine de Gluck. Un équilibre, chant/action, idéalement préservé, loin de tout italianisme, c’est à dire de toute virtuosité gratuite. Avec Démophon (1788), le public reproche à Cherubini de ne pas maîtriser les subtilités du récitatif national, hérité de Lully et de Rameau. Voilà pourquoi, le compositeur opte dans Médée pour des dialogues parlés (!)… que Franz Paul Lachner révise en récitatifs allemands (1854), lequels seront traduits en italien, en 1909. Créé pour la scène du Théâtre Feydeau, qui était alors spécialisé dans le genre de l’opéra-comique, Médée offre peu de ballets et de pantomimes (emblématique de la tragédie lyrique française). Pour Christophe Rousset, la modernité de Médée reste intacte, en correspondance avec notre société: « Médée est une émigrée, une femme qui vit en exil et qui sera victime d’un mariage mixte« . Si Jason la délaisse, c’est pour s’unir à une femme de sa race, union plus profitable. En plus de la trahison amoureuse, point aussi le racisme. Sur la scène bruxelloise, Krzysztof Warlikowski a réécrit les dialogues qui seront traduits en français pour cette reprise particulièrement attendue.
Illustration: Luigi Cherubini (DR)