La dernière représentation de Il Postino à l’Opéra de Los Angeles, samedi 16 octobre, s’est déroulée, comme toutes les précédentes, à guichets fermés. Signe révélateur : des dizaines de spectateurs sans billet espérant un miracle faisaient le pied de grue devant la salle.
On peut véritablement parler d’un phénomène Il Postino à Los Angeles : c’est désormais le plus grand succès de l’histoire du L.A Opera. En 25 ans d’existence, jamais création contemporaine n’avait suscité un tel engouement de la part du public et de la critique. Les raisons de ce triomphe sont multiples : l’opéra est basé sur un film populaire, le rôle principal est tenu par le plus grand ténor vivant – Placido Domingo (qui est aussi le directeur du Théâtre), enfin, Daniel Catan a composé une musique accessible.
Il Postino: création triomphale
Basé sur le film du même nom sorti en 1994 – lui-même inspiré d’une nouvelle d’Antonio Skármeta, « Ardiente Paciencia », publiée en 1985 – l’opéra raconte l’histoire d’un jeune homme timide, facteur dans un petit village de pêcheurs en Italie, qui trouve le courage de poursuivre ses rêves dans ses livraisons quotidiennes de courrier au célèbre poète Pablo Neruda. Il Postino, dont l’action se situe dans l’Italie du débuts des années 50, est chanté en espagnol, la langue maternelle du compositeur et du poète.
Cette production est un sans faute : direction, distribution, décors, costumes et projections, tout a été fait avec grande intelligence.
Domingo incarne un Neruda plus vrai que nature, composant un personnage chaleureux, sensuel et emprunt de sagesse. Ce rôle semble avoir été fait sur mesure pour lui ; de l’avis de tous, il restera l’une de ses plus belles compositions à la scène.
Charles Castronovo, quant à lui, a fait forte impression dans le rôle de Mario, le jeune facteur provincial.
Sur scène comme dans la fosse, dirigée par Grant Gershon, tout le monde semble parfaitement à sa place. Mention particulière pour Jennifer Tipton, qui a mis au point des lumières d’une grande subtilité, recréant l’ambiance agréable d’une île italienne.
Daniel Catan, qui vit en Californie depuis de nombreuses années, inclut dans sa partition des éléments de la musique populaire latino-américaine – un chanteur de flamenco et un joueur d’accordéon interviennent dans la scène du mariage qui termine le deuxième acte -, mais globalement son style de composition est italianisant (on pense à Puccini) – après tout, l’histoire se passe sur une île italienne. Les arias sont transcendés par de grandes lignes empruntées directement à la poésie de Neruda. Le livret raconte bien son histoire, dressant un portrait idéalisé du poète bien-aimé – et quelque peu aseptisé, on a mis de côté ce qui fâche : le contexte politique troublé du Chili de l’époque et l’admiration sans faille de Neruda pour Staline, même après les révélations des massacres et assassinats perpétrés par le dictateur russe.
Ce soir-là, la culture Latino était en état de grâce : sur le plateau du LA Opera se donnait un ouvrage en espagnol écrit par un compositeur mexicain au sujet d’un poète chilien, alors que les télévisions annonçaient le prix Nobel de littérature au péruvien Mario Vargas Llosa, et montraient la fabuleuse victoire des mineurs chiliens. Concordance exaltante.
Il Postino sera présenté à Paris Théâtre du Châtelet (en création française) en juin 2011, sous la direction de Jean-Yves Ossonce (Il Postino. Du 20 au 30 juin, Théâtre du Châtelet, Paris).