Les Fées des forêts de Saint-Germain, 1625
un ballet royal de » bouffonesque humeur »
Le ballet de cour est dès le règne de Louis XIII une totalité complexe, associant poésie (moraliste, satirique, parodique, politique), danse, musique et chant… L’on se tromperait à n’en faire qu’un divertissement dédié à la seule gloire royale.
Sommet du genre » burlesque « , le Ballet des fées atteste de l’essor d’une veine délirante, propice au développement de la performance spectaculaire et poétique. C’est avec le très politique et plus sérieux Ballet de la délivrance de Renaud (1617), un fleuron décisif de l’art baroque français au XVIIè: le premier qui nous occupe serait un sommet burlesque et fantaisiste; le second, un accomplissement dans le genre dramatique, plus noble et mieux unifié.
Burlesque chorégraphique et musical
Créé pendant le carnaval au Louvre en 1625, le ballet est emblématique du goût français pour la représentation esthétique et réglée du pouvoir: l’album de Daniel Rabel du Musée du Louvre rassemble un corpus iconographique exceptionnellement complet pour se faire l’idée juste de ce à quoi ont pu ressembler ses 5 entrées successives: costumes » grotesques « , références, symboles y sont consignés avec un luxe de détails uniques (les dessins sont abondamment reproduits dans le livre et composent ainsi la source du commentaire et de l’analyse).
Le présent ouvrage en analyse tout le contenu, rétablit même l’ordre des planches afin de restituer la chronologie et le déroulement du Ballet du Roi. Les articles précisent le contexte sociopolitique (à l’aube de la guerre de Trente Ans, la France menacée par les Habsbourg brosse alors un mordant portrait de l’Espagnol, ennemi de ses intérêts); proposent une scénographie du ballet telle qu’à son époque lors de sa création » en obligeante humeur « , dans la grande salle du Louvre; s’interrogent sur la place de la danse du ballet tenue par les seigneurs courtisans, sur celle de la musique et de la poésie déclamée alors…
En fin d’ouvrage pour une restitution musicale du ballet, les 5 entrées sont restituées avec l’orchestration des parties intermédiaires respectant selon l’usage musical de l’époque, la fameuse sonorité de l’orchestre des 24 violons du roi comprenant les 3 parties de violon intermédiaires ainsi réécrites (haute-contre, taille, quinte). Lecture incontournable pour qui veut comprendre les enjeux du ballet royal sous Louis XIII; l’accès aux planches du recueil Rabel que permet la publication offre un aperçu précieux de cet imaginaire délirant dont furent capables les créateurs et artistes de la cour de Louis XIII… (voyez entre autres les figures » burlesques » ainsi identifiées et dévoilées: Guillemine la quinteuse (et sa suivante grenouille), Perrette la hazardeuse et son chat tacheté; Jacqueline l’entendue et son hibou, sans omettre, parmi les entrées les plus fantasques: les musiciens de campagne, les espagnols joueurs de guitare, les laquais et leurs singes; les esprits grimés de noir, les demi fous et les esperlucattes…
Les Fées des forêts de Saint-Germain, 1625, un ballet royal de » bouffonesque humeur « . Edité par Thomas Leconte (Brepols). 430 pages. Centre d’études supérieures de la Renaissance – Collection » Epitome musical « , Centre de musique baroque de Versailles.
