vendredi 19 avril 2024

PARIS. Les Contes d’Hoffmann de Carsen à Bastille

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offenbach_jacques classiquenews 2016 portrait de jacques offenbachPARIS, Bastille. Offenbach: Les Contes d’Hofmann : jusqu’au 27 novembre 2016. Philippe Jordan dirige les effectifs de la Maison parisienne dans la production scénographie réalisée par Robert Carsen et avec une distribution qui, malgré la défection du ténor assoluto, Jonas Kaufmann, arrêté pour raison de santé (LIRE notre dépêche JONAS KAUFMANN, bilan de santé, suspendu de scène), réunit sur la scène de l’Opéra Bastille, une distribution très prometteuse : entre autres arguments, la Giulietta de Kate Aldrich, l’Antonio de la soprano Ermonela Jaho (particulièrement applaudie à orange cet été dans La Traviata), et dans le rôle central d’Hofffmann, le poète maudit, malheureux en amour, Ramon Vargas (jusqu’au 18 novembre inclus), puis Stefano Secco (les 21, 24 et 27 novembre suivants). A noter qu’aucun des seconds rôles n’est à la traîne, défendu pour chacun par un tempérament lui aussi convaincant (Stéphanie d’Oustrac dans le rôle de La Muse / Niklausse ; François Lis en Schlemil; sans omettre le Frantz de Yann Beuron…)… et dans le rôle démoniaque, obsessionnel d’acte en acte, de Lindorf, Coppélius, Dapertutto et Miracle : Roberto Tagliavini)… Que du beau monde donc pour une reprise attendue et d’autant réussie.

Le manuscrit des Contes d’Hoffmann est laissé inachevé par Offenbach qui s’éteint lors des répétitions en octobre 1880. Fidèle à ce qu’il sait faire, Offenbach collectionne les styles et les manières pour les associer et les recycler en un tout, régénéré. Ainsi ses Contes d’Hoffmann relèvent à la fois du grand opéra, de l’opéra-bouffe, de l’opéra romantique… A travers la poupée délirante déjantée, plus vrai que nature (Olympia), la fille chanteuse qui meurt de trop chanter (Antonia) et la vénitienne et plantureuse Giulietta… se précise dans l’esprit du pauvre héros, amoureux empêché, le visage de l’immortelle bien-aimée, de la femme inaccessible que de Berlioz à Beethoven, n’a cessé de hanter les opéras comme inspirer les poètes compositeurs. Offenbach ne fait pas exception à cette brillante généalogie : son inspiration redouble de génie dans la veine tragique.

Les Contes d’Hoffmann à l’Opéra Bastille
Philippe Jordan, direction / Robert Carsen, mise en scène
Du 31 octobre au 27 novembre 2016
Les 31 octobre, puis 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21, 24, 27 novembre 2016
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offenbach-jacques-portrait-582-390HOFFMANN, LE POETE INTERDIT D’AMOUR… Librettistes de Gounod pour son Faust (1859), Barbier et Carré rédigent le livret des Contes d’Hoffmann à partir de la pièce de théâtre qu’ils avaient eux-mêmes conçus à partir des textes de l’écrivain E.T.A. Hoffmann. Au travers d’épisodes distincts, est traité un même personnage, Hoffmann qui narrateur et témoin malheureux de l’intrigue, évoque trois femmes (Olympia, Antonia, Giuletta), toutes héroïnes malheureuses et tragiques, incarnations de ses échecs amoureux. Elles sont des figures évanescentes dont l’apparition est mise à mal par une force de l’ombre, machiavélique et pernicieuse, incarnée par un personnage diabolique, lequel revêt une apparence différente pour chacun des trois tableaux: Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto. 3 femmes vénéneuses ou angéliques, 3 diables obsessionnels… Offenbach mêle romantisme, onirisme, fantastique.

Frappé par la pièce de Barbier et Carré dès 1851, le compositeur décide de l’adapter en opéra, en 1876. Il meurt avant d’avoir mis au clair un ensemble disparate de partitions. L’opéra que nous connaissons est le fruit d’un montage posthume, variant pour des raisons diverses entre la version de Choudens et la version Oeser
qui en général est réputée plus “complète” et respectueuse des dernières intentions de l’auteur. L’oeuvre est créée à l’Opéra-Comique, après la mort du compositeur, le 10 février 1881. La séduction des mélodies, la force des évocations fantastiques (la poupée Olympia plus vraie que nature ; Antonia qui meurt d’avoir trop chanter face au fantôme de sa mère paraissant dans une scène sur la scène de l’opéra… tout révèle l’inspiration magique et surnaturelle d’un Offenbach qui réussit enfin dans le genre du grand opéra, lui qui fit surtout les délices du boulevard par ses parodies mythologiques enjouées, délirantes.
Offenbach, subjugué par la veine fantastique

Le compositeur est contemporain de la création à l’Odéon, de la pièce de Barbier et Carré, “Les Contes d’Hoffmann”, en mars 1851. Le fantastique et le caractère tragique le bouleversent certainement car ils correspondent à ce qui lui est cher. D’ailleurs, absorbé par la création de son propre théâtre, Les Bouffes-Parisiens, passage Choiseul, il monte en 1857, “Les Trois baisers du diable”, opérette fantastique d’après le Freischütz et Robert le Diable. En composant la musique, Offenbach se rapproche de ce qu’il réalisera pleinement dans Hoffmann: le fantastique.
Après le succès d’Orfée aux enfers (1858), son rêve est d’accéder à la scène de l’Opéra-Comique. “Barkouf”, écrit avec Eugène Scribe (librettiste adulé de La Dame Blanche et de Fra Diavolo), est emporté dans une cabale retentissante qui veut effacer le triomphe d’Orphée. Fort à propos, l’Opéra Impérial de Vienne lui commande “Die Rheinnixen”, les Filles du Rhin, qui se déroule au XVI ème siècle, et dans lequel les sombres lueurs du fantastiques ne sont pas absentes. Créé en 1864, l’ouvrage ne comporte pas, a contrario des oeuvres comiques du maître, de scènes parlées, comme Hoffmann. Mais hélas, la partition ne convainc pas mais le thème de son ouverture qui évoque le choeur des esprits du Rhin sera réutilisé pour la Barcarolle des Contes d’Hoffmann. A Paris, Offenbach semble néanmoins s’affirmer grâce à l’accueil réservé à son “Robinson Crusoé” (1867), et à Vert-Vert (1869).
Hoffmann, l’oeuvre d’un mourant

 

 

offenbach jacques portrait opera operette 1704981-vive-offenbachAvec la chute du Second Empire et le trouble politique qui suit, enfin l’avènement de la III ème République, Offenbach se maintient artistiquement mais le milieu parisien ne l’entend pas ainsi qui veut lui faire payer le succès du “Bouffon Impérial”. Ainsi quand il propose en 1872, “Fantasio” d’après Musset, une nouvelle cabale emporte son chef-d’oeuvre. Dégoûté, le compositeur s’éloigne de l’Opéra-Comique: il lui semble revivre l’échec et l’amertume de “Barkouf” dix années auparavant.
Pourtant les années qui suivent se montrent plus clémentes. D’après un texte de Victorien Sardou qui s’inspire d’E.T.A. Hoffmann, Le Roi Carotte triomphe à la Gaîté Lyrique dont Offenbach devient directeur en juin 1873. Il le restera deux années pendant lesquelles il fait représenter Jeanne d’Arc de Gounod sur un livret de Barbier. Ce dernier est alors sollicité par le compositeur d’Orphée aux Enfers pour reprendre l’idée d’adapter à l’opéra, Les Contes d’Hoffmann. Mais Offenbach qui a dû quitter ses fonctions à la Gaîté a convaincu Albert Vizentini, son successeur de l’intérêt de l’ouvrage. L’opéra est à l’affiche de la saison 1877-1878, et le compositeur s’engage à rendre sa copie.

 

 

 

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