1001 « références »
Du XIIème à 2004…
Sélectif (forcément: comment concentrer le meilleur de la musique classique en seulement 1001 « références »?) et surtout chronologique: car là est la pertinence d’un ouvrage qui se veut « grand public » et aussi récapitulatif, offrant de façon synthétique donc subjective, un florilège de partitions « capitales », présentées (avec quelle pertinence) selon la date de composition o la période de genèse. L’auditeur néophyte recomposera ainsi un tableau imaginaire des oeuvres importantes au fur et à mesure des époques et des courants esthétiques; l’amateur plus cultivé voire le connaisseur pourront confirmer certains rapprochements d’oeuvres qui sont passés inaperçus et pourtant ô combien bénéfiques pour la compréhension de l’évolution du goût et la progression des écritures et des sensibilités musicales. Quelques exemples? Des compositeurs du XIIèe (anonymes) inspirés par les recueils de poèmes Carmina Burana, à Julian Anderson (Book of hours, 2004), le spectre musical est chronologique : il permet de nombreuses « contemporanéités », riches en enseignements sur les filiations artistiques, les parallèles éloquents, surprenants, emblématiques de la combinaison inextricables des sensibilités et des écritures. Nous avons trop tendance à découper, segmenter: les oeuvres capitales, porteuses d’un courant particulier sont souvent proches, effaçant le cloisonnement de la pensée et de la compréhension des grands mouvements de la musique occidentale. A chaque oeuvre ainsi distinguée correspond dans la fiche-texte, une courte présentation et surtout un disque de « référence ». De quoi se constituer sa discothèque en couvrant toute les familles de style, de pays, de genre, tout en s’appuyant sur l’écoute d’interprétations décisives. La sélection est celle de l’anglosaxon Matthew Rye, critique musical pour le quotidien britannique, Daily Telegraph.
Révéler les sensiblités mêlées…
Dans la tranche XII-XVIIème: on comprend mieux la simultanéité des madrigaux des italiens Monteverdi, Gesualdo, mis en regard avec les oeuvres de leurs contemporains anglais, Byrd, Dowland ou Wilbye… Les premières années du XVIIème, mettent d’ailleurs en avant la diversité des éloquences italiennes et anglaises: Tomkins, Monteverdi, Jenkins, Lawes, Schütz. Evidemment, patriotisme oblige ou protectionisme artistique, les interprètes anglo-saxons sont favorisés: Harry Christophers, Peter Philips, Richard Hickox, Paul McCreesh… et plus loin, Christopher Hogwood, John Eliot Gardiner… La valeur des références discographiques se mesure à cette « limitation » éditoriale de départ. De la même façon, les compositeurs français sont peu présents, Lully n’apparaissant pour sa part, qu’avec Armide (1686), quand sa première tragédie en musique remonte à 1673.
Dans la tranche « baroque tardif » (1700-1760): Bach, Haendel sont favorisés, avec un parallèle éloquent entre la dernière manière du Cantor et celle du grand faiseur d’oratorios: ainsi la simultanéité de La Messe en si et des Feux d’artifices royaux (1749), de L’Art de la fugue et de Theodora (1750)…
Dans la tranche dite « Epoque des Lumières » (1760-1800), celle du classicisme, évidemment les Viennois sont mis en avant: le premier Beethoven, mais surtout Haydn et Mozart dont Les Sept paroles du Christ en Croix (1787) sont contemporaines de Don Giovanni ! Voilà, un apport chronologique édifiant qui reste le véritable apport de la publication. Les autres époques sont ainsi traversées avec leur lot de subjectivité et de pertinence. A chacun de faire son tri et surtout de collecter des oeuvres oubliées, méconnues dans des interprétations forcément révélatrices. 1801-1850, 1851-1900, 1901-1950 (tranche la plus importante: preuve que le XXème siècle pourrait vous réserver d’innombrables découvertes), enfin, 1951 à nos jours (2004)…
Grands absents entre autres: les opéras vivaldiens « nés » grâce à l’édition Naïve, les Gluck de Minkowski, les Haydn de Thomas Fey, … ou à notre époque, Rautavaara! Même malgré ses lacunes, ce pavé demeure incontournables car il ouvre des perspectives passionnantes… par ses confrontations, ses omissions, ses rapprochements. Lecture oxygénante qui peut être le point de départ de nouvelles conquêtes musicales.
Les 1001 oeuvres classiques qu’il faut avoir écoutées dans sa vie
. 960 pages. Edition Flammarion. Préface de Eve Ruggieri. Parution: septembre 2008.
Illustration: Hugo Alfven (1872-1960) est l’un des compositeurs méconnus mis à l’honneur dans ce guide de sensibilité majoritairement anglo-saxonne: il est vrai que les spectatuers anglais ont « fait » la réputation des auteurs du nord, finlandais comme Sibelius ou suédois comme Grieg ou Alfven.