Juillet et août 2010
C’est l’été… la plage, le doux murmure des vagues
océanes, ou le chant caressant des arbres dans le vent… ce pourrait
être aussi le miroir étoilé de la voûte nocturne, autant d’indices
recherchés qui désignent l’été triomphant. Mais un été sans ses pages
musicales ne serait pas magique: voici notre sélection des livres de
l’été 2010. Biographies scrupuleuses, essais, biographies romancées, analyses,
témoignages, beaux-livres… Découvrez ici-après nos coups de coeur parmi les livres
récemment parus depuis l’hiver 2009, à savourer sans limites, à lire et à
relire, avant ou après un concert… (jamais pendant, évidemment).

les éditions Symétrie éditent un nouvel apport décisif dévoilant un
tempérament oublié du romantisme musical français, l’auvergnat d’origine
anglaise, George Onslow (1784-1853). Résurrection capitale. Voici un compositeur taillé pour obtenir
sur Arte, un portrait dédié
(comme Gouvy en vérité, Onslow compose entre France et Allemagne).
Pourtant les surprises quant à ses origines et son écriture multiplient
encore les pistes… Anglais par son père (d’où son prénom George sans le
« s » final), français et même auvergnat par sa mère, Onslow
(1784-1853), le « Beethoven français » fut de son vivant célébré
comme
une personnalité nationale par les… Allemands. Etonnante figure musicale
qui bien que génie du romantisme musical français demeure méconnu,
oublié, mésestimé en France.
Le
Dictionnaire Wagner 2010
Actes Sud crée l’événement
en publiant
ce dictionnaire encyclopédique Wagner, d’autant plus
utile au moment où
l’Opéra national de Paris propose une nouvelle intégrale du Ring (L’Or
du
Rhin
jusqu’au 28 mars 2010 puis La Walkyrie en mai
prochain, avant
Siegfried et Le Crépuscule des dieux pour la saison
2010-2011). 2.496 pages sont
nécessaires pour exprimer la diversité des facettes de la « totalité »
wagnérienne. Le Wagnérisme a immédiatement exercé dans l’histoire de la
musique et au sein des esthétiques contemporaines puis postérieures à
Wagner, son parfum entêtant, ses haines et ses passions… ses discours,
analyses, débats souvent captivants et partisans sur la question
théâtrale, politique, musicale… Lecture majeure (Editions Actes Sud)
L’Invention des genres lyriques français et leur redécouverte au XIXème siècle. A l’heure où en ce début du XXIè
siècle, le Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française à
Venise ressuscite les perles oubliées du romantisme français, voici les
premiers actes de colloque réalisés par le Centre vénitien et
l’Opéra-Comique, sur une autre perspective d’un siècle à l’autre: l’invention
de l’opéra français, tragédie lyrique et opéra comique, et leurs
réceptions voire relecture et compréhension, au XIXème siècle. Les deux genres sont proches: « le second se nourrissant fortement de
la caricature du premier, du moins au début de son existence« ,
comme le souligne le texte de l’introduction. Mais la tragédie sait
aussi intégrer des éléments propres à l’art comique, au point de
fusionner les deux styles comme dans Les Amours de Ragonde de
Mouret et Platée de Rameau. Le regard du XIXè sur le formes classiques et inventives des siècles précédents suscite un regain de créativité à l’époque de Bizet, Gounod, Thomas…. Editions Symétrie, avec le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française
The Rest is noise:
(comprenez « le reste n’est que bruit »). Voici un texte lumineux
et récapitulatif où l’histoire est musique. D’autant que le style de
l’auteur démontre une facilité à tisser correspondances, points de
convergence ou d’opposition, simultanéités significatives… portée par
un remarquable sens de la compréhension puis de la diffusion. Aucun
doute ce livre rédigé par le critique au New Yorker Alex Ross,
est un événement: il est paru aux Etats Unis en 2008 et offre une
vision synthétique particulièrement pertinente de l’évolution des
courants musicaux au XXè.
Editions Actes Sud
La Chapelle Royale de Versailles sous Louis XIV. Louis XIV était pieux:
autant cavaleur à ses débuts que recueilli et même dévot sous le
« contrôle » moral de sa seconde épouse Madame de Maintenon… Les
diverses chapelles royales à Versailles sont multiples avant que le
chantier, ultime, de l’actuelle Chapelle ne soit mené à terme au début
du XVIIIè, (1710) dernière manifestation du style de Louis XIV à son
terme: grandeur classique « palladienne », foisonnement des décors sous
les voûtes où triomphent les néo vénitiens, parmi les plus grands
peintres de l’heure. Fruit de longues recherches et complément de l’exposition à Versailles
(célébrant le tricentenaire de la Chapelle versaillaise en son dernier
état, 1710-2010), le livre publié par Mardaga convainc par son érudition
précise et accessible, la richesse de son iconographie qui permet de
reconstituer les figures de la dévotion royale à Versailles… Editions Mardaga
Gluck Alceste. Réalisé sous la direction de Michel Noiray, ce nouvel
opus d’Avant-Scène Opéra, met l’accent sur la cohérence
dramatique et la portée réformatrice de l’oeuvre de Gluck,
Alceste, jalon majeur de sa révolution lyrique opérée à Paris
dans les années 1770. L’opéra est l’événement du festival d’Aix en
Provence 2010 (avec Véronique Gens dans le rôle-titre, Joseph Kaiser en
Admète, du 2 au 13 juillet 2010. Freiburger Barockorchester. Ivor
Bolton, direction. Christof Loy, mise en scène).
Voici le modèle tragique par excellence où le sacrifice
des héros réalise la grandeur morale du propos. L’aimante et loyale
Alceste prouve dans l’action suicidaire qu’elle aime son époux Admète,
prisonnier des enfers. L’horreur de leur situation montre la cruauté
barbare et inhumaine des Dieux, de plus en plus inflexibles. Editions Avant Scène Opéra n°256
Frédéric Chopin: « La note bleue ». C’est l’exposition la plus intéressante à Paris pour le bicentenaire Chopin (jusqu’au 11 juillet 2010 au musée de la vie romantique Ary Scheffer, rue Chaptal). La scénographie et les objets exposés privilégient les documents visuels
(tableaux principalement et dessins), s’inscrivant de façon légitime
dans le lieu qui fut l’atelier du peintre romantique, Ary Scheffer,
élève de Guérin, professeur de Marie d’Orléans, fille de Louis Philippe,
artiste majeur du Paris des années 1830, donc contemporain du séjour du
Polonais dans la Capitale. L’exposition Chopin est même d’autant plus opportune dans les 2 ateliers
qui jouxtent la maison Scheffer, que Frédéric Chopin fut un ami et un
familier du peintre, Catalogue de l’exposition.

des contrastes et des métamorphoses, aux visions toujours
accessibles, Villa-Lobos s’affirme dans les recyclages
novateurs et fertiles comme ses Bachianas brasileiras en témoignent, où
c’est le génie de Bach et la vitalité des rythmes amazoniens qui
s’accordent sans équivalent alors. Biographie et
essai majeurs. L’auteur présente les périodes clés du
musicien au destin national: ses premières expériences urbaines
comme instrumentiste des rues (il joue de la guitare et du violoncelle)
au sein des chôros; sa rencontre houleuse puis chaleureuse avec Arthur
Rubinstein (1918); puis l’homme captivé par l’énergie artistique de
Paris qu’il rejoint dès 1923 (quitté en 1930): au Brésil, il écrit la
musique que ses compatriotes attendaient… Bleu Nuit éditeur
(1907-2007)
Née en 1927, elle nous a quitté à 80 ans le 5
juillet 2007, ambassadrice
du beau chant français, Régine Crespin est une passeuse d’absolu,
diseuse enchanteresse, en français comme en allemand… Sensuelle
Carmen, divine Maréchale… Voici en hommage à la diva française, un
livre récapitulatif (courte biographie, tableau bilan de tous ses rôles
par année, de 1949 à 1990…), qui se lit et surtout se contemple comme
un
album de photos, légendées, datées et classées en 7 parties: « enfance,
adolescence
et
débuts », de l’âge de … 5 ans à ses premiers rôles
aboutis au début des années 1950. Puis, focus sur la française née à
Marseille qui chanta Wagner en allemand avec une diction exemplaire (la
wagnérienne): Elsa (Lohengrin), Elisabeth (Tannhäuser à Paris au
début des années 1960), Senta (Le Vaisseau fantôme), Sieglinde à
Bayreuth, Brünnhilde à Salzbourg (en 1967 sous la direction de
Karajan), Kundry (Parsifal). C’est l’ambassadrice du chant français
qui incarne à l’Opéra de Paris, dans les années 1960 (les plus
miraculeuses): Iphigénie en Tauride, Didon des Troyens de Berlioz;
Carmen à New York avec Domingo (1975), … Ce beau-livre qui est aussi le catalogue de l’exposition parisienne à l’Opéra Garnier à Paris rend un hommage émouvant à l’une des plus grandes divas françaises du XXè siècle.
Sélection des livres d’été 2010 établie par Adrien De Vries et Alexandre Pham