D’un salon, l’autre…
Le salon du livre 2009 (clos le 18 mars 2009) vient de fermer ses portes, avec pour nous de belles découvertes (les éditions Delatour France), des retrouvailles toujours enthousiasmantes (Editions Symétrie dont nous attendons avec impatience la série des premières publications éditées en partenariat avec le nouveau Centre de musique romantique française à Venise)… Voici notre derniers coup de coeur aux rayons des livres en ce printemps 2009:
André Tubeuf: Ludwig van Beethoven
Encore une biographie sur le musicien, vous direz vous… sauf que ce texte, personnel, très engagé voire provocant (il n’hésite pas à brosser au portrait au vitriol de Beethoven, porteur d’une musique d’action… « qui n’est pas venue apporter la paix mais la guerre »), synthétise plusieurs visions sur l’homme, le créateur, l’amoureux, l’idéaliste… Dans Fidelio, l’auteur montre comment Beethoven, âme exigeante et radicale (mais combien visionnaire) force l’individuel pour atteindre à l’universel… un génie de l’écriture qui révèle aussi sa (dé)mesure « in stile concertante« ; du reste, le profil physique est a contrario de la grandeur poétique et fraternelle de son oeuvre, peu séducteur (Beethoven il est vrai n’aima pas plaire, bien au contraire…): « visage grêlé et bougon, cheveux en bataille,… ». Mais, le vrai sujet du livre reste l’écoute: comment se positionner vis à vis d’une oeuvre de Beethoven, comment aborder l’oeuvre, ses fureurs, son imagination, son énergie, sa vitalité rythmique parfois opiniâtre, toujours conquérante comme un (re)commencement du monde… L’apport non moins essentiel des nombreux commentaires sur le catalogue, demeure la faculté dévoilée de la musique beethovénienne d’accepter l’auditeur comme un héros: la musique nous place dans l’action en écoute active, au coeur du principe de transformation et de métamorphose.
Oeuvres pour piano, symphonies, musique de chambre (surtout de très pertinentes analyses des derniers Quatuors), le texte écoute donc,… scrute les facettes multiples d’un génie visionnaire dont les perspectives tracées donnent le vertige et jalonnent la modernité à venir…
Arrogant, Beethoven nul ne le conteste (ne pas se fier au portrait de couverture: l’un des plus aimables du -jeune- compositeur, portraituré par Willibrord Joseph Mähler en 1804), oui certes… mais porteur d’une telle musique. Hautain avec ses mécènes, ingrat mais engagé, suivant son idée fixe, coûte que coûte… l’évocation du musicien, souverain de la musique, c’est à dire prince au-dessus des princes se précise ici, porté par le lyrisme pointilleux d’une plume attentive qui a, sur la durée, écouté, compris, « vaincu », l’une des musiques les plus frappantes par sa martialité engageante. Musique de l’avenir, texte incontournable. En complément, repères discographiques. André Tubeuf: Ludwig van Beethoven (Editions Actes Sud, 220 pages)
Nicolas Derny: Erich Wolfgang Korngold
Voici l’itinéraire d’un enfant prodige, plus précoce et déjà reconnu que Mozart, au même âge. Estimé, admiré de …. Gustav Mahler à l’âge de 10 ans. Korngold (1897-1957), formé par Zemlinsky, illumine la vie musicale viennoise dans la premier tiers du XXème siècle, jusqu’à l’avènement de la monstruosité nazie: ses opéras sont joués en Europe et aux Etats-Unis (Die Tote Stadt), avec un succès retentissant… au moment de la création du festival de Salzbourg (1922).
Triste fils du non moins acide et douteux Julius Korngold qui aime égratigner les oeuvres de Schoenberg (et ses disciples), mais aussi le chef Félix Weingartner, ou le compositeur Ernest Krenek, Erich affirme cependant un talent réel et surtout une bonhommie sympathique qui contraste avec l’autorité savante et mordante du père…
Plusieurs encadrés, émaillant le texte principal, offrent des focus pertinents sur un choix d’oeuvres emblématiques à une période clé: le ballet pantomime réalisé avec son père en 1909, Der Schneemann; de nombreuses oeuvres de chambre (trios, sonates,…); surtout les opéras viennois: Der Ring des Polykrates (1914), Violanta (de 1916, composition à l’orchestration straussienne, flamboyante et foisonnante qui est avec Die Tote Stadt, -de 1920-, l’une des meilleures partitions du compositeur: inconnue du grand public, précautionneusement écartée des directeurs!),…
Rattrapé par l’histoire? Certainement. Korngold bien qu’immensément doué, père d’une oeuvre raffinée et exigeante, à redécouvrir totalement et à sa juste valeur, demeure un « petit maître », « viennois de second rang », derrière Mahler, et Strauss… Il se commit en composant des musiques de film (injure à l’entendement des critiques, mais ici le sujet d’un chapitre captivant), et ne se remit jamais, revenu à Vienne, de ne plus occuper le devant de la scène… Cassé par la guerre et l’exil, l’homme n’en est que plus émouvant. Son portrait narratif ne cache rien de la tragédie Korngold et le texte touche juste en soulignant combien l’auteur est un incompris qui ne demande qu’à être réécouté pour… ressusciter. Biographie opportune.
Fidèle à la ligne éditoriale de la collection « Mélophiles », la publication offre des compléments au texte principal (d’ailleurs très bien illustré de nombreuses photos du compositeur et de ses proches): catalogue de l’oeuvre (dont les musiques de films hollywoodiens…), tableau synoptique, discographie et bibliographie sélectives. Nicolas Derny: Erich Wolfgang Korngold (Editions Papillon, 160 pages)
à venir
Prochaine chronique sur nos découvertes au Salon Musicora 2009…