Film de Gérald Caillat
France 2
Lundi 24 septembre 2012, vers 00h45
1h30, France, 2011
La Spira pour spira mirabilis, ou la spirale miraculeuse, figure d’une harmonie parfaite et d’une cohérence unique… ainsi formulée le but désiré par le collectif de jeunes musiciens italiens jouant sur instruments d’époque relève d’une utopie ou d’un pari fou: retrouver s’il est possible, les conditions d’un travail à plusieurs fondé sur l’écoute, le débat démocratique quant aux choix des options interprétatives, le labeur de répétitions parfois éreintantes mais inévitables si l’on veut s’immerger au coeur de la partition pour en révéler le sens profond. C’est en tout cas ce qui se déroule pendant 1 mois à Formigine (Modène, Emilie-Romagne) où les instrumentistes se retrouvent pour jouer les oeuvres.
Dans un ton sobre qui laisse la place aux musiciens, les fait parler devant la caméra, un jeune orchestre d’instrumentistes passionnés explique sa démarche. Un travail et une approche des oeuvres qui s’inspirent des orchestres sur instruments anciens français: Orchestre des Champs Elysées, Chambre Philharmonique, Cercle de l’Harmonie, Les Siècles… à cette différence près cependant que l’ensemble joue sans chef (mais peut recueillir les conseils d’un professionnel extérieur…, tel Lorenzo Coppola dans quelques séquences du documentaire)…
vivre et jouer l’orchestre autrement
Voilà l’aventure de La Spira, nouvelle orchestre de solistes (la plupart sont déjà musiciens d’orchestre) dont la passion du jeu instrumental en nombre, le goût pour la musique symphonique et concertante s’imposent ici; ils ne veulent plus de la routine des grands orchestres dirigés par des chefs prestigieux où l’instrumentiste n’est qu’un exécutant qui n’a pas besoin d’en savoir plus sur la partition qu’il joue: le chef est là qui conduit et communique sa vision de l’oeuvre.
A mille lieues de cette mécanisation du métier, les instrumentistes de La Spira cherchent ensemble la version idéale, choisissent les types d’accentuation, les indications de phrasés, le bon tempo… La difficulté est inhérente à cet exercice où chacun est concentré et à l’écoute des autres: écouter et mesurer la sonorité d’ensemble comme une oreille extérieure au collectif; car ici pas de chef (sinon un leader, le premier violon) ; il faut donc souvent prendre physiquement le recul nécessaire, hors du collectif et donc se lever de son pupitre pour constater comment sonne la phalange, comment l’équilibre des instruments se réalise…
Tout cela est très bien démontré dans ce documentaire tourné en immersion complète; outre les longues séances de répétitions (autour principalement du 3è mouvement « compagnons de jeu » de la Symphonie » Le Printemps » de Schumann), le film montre les musiciens hors contexte du concert, dans la rue, proposant à un public qui n’en voulait pas, des joyaux orchestraux classiques… le choc est obligatoire et les prises de conscience aussi; ces jeunes sont prodigieux d’énergie, de courage, d’audace communicante. C’est évidemment tout le classique si cloisonné dans notre société et donc souvent inaccessible du plus grand nombre (gavé de musique boum boum) qui pourrait y gagner un nouveau futur.
Face aux élèves lycéens, devant le public averti et les piétons dans la ville, la Spira pose tous les problèmes inhérents à la musique classique: sa pratique, ses lieux d’écoute et de découverte, le sens surtout à retrouver dans chaque partition, les moyens pour y parvenir, le collégial réorganisé plutôt que la vision d’un seul… Car ils ne sont pas payés pour ce qu’ils font: c’est la sonorité retrouvée dans un jeu régénéré qui les récompense au delà de leurs efforts. Lumineuse aventure.
La Spira, film documentaire de Gérald Caillat. 1h30mn, France, 2011. France 2, le 24 septembre 2012 à 00h45. Le dvd de ce documentaire éclairant est annoncé au printemps 2013 sous étiquette Euroarts.
