Jules Massenet
Le Jongleur de Notre-Dame, 1902
Miracle en trois actes
Opéra de Metz
Du 26 au 30 janvier 2007
Direction : Jacques Mercier
Mise en scène : Jean-Louis Pichon
Le sujet
Devant l’abbaye de Cluny, au XIV ème, Jean, jongleur famélique succombe aux perspectives de la vie religieuse, en particulier à la possibilité du salut de son âme, que lui offre le Prieur. Menacé par les flammes de l’enfer, le pauvre pêcheur découvre la vie monastique et contemplative. Doutant de lui, humble et repentant, Jean connaîtra ce que chacun espère, sans l’atteindre ou l’éprouver, l’illumination : il voit s’animer la statue de la Vierge compatissante, confirmation de sa quête spirituelle. Comme un vitrail gothique ou à la façon d’un livre de prières, le miracle en trois actes de Massenet, brosse le portrait d’un manant devenu saint. « Heureux les simples car ils verront Dieu« , conclut le Prieur.
Genèse et réception
Massenet se passionne pour une pièce de théâtre que lui avait adressé directement l’auteur, Maurice Léna. Curieusement, lui qui a illustré avec quel génie, la passion féminine, préférant exprimer jusque là, la dignité des héroïnes composant un éventail de figures de femmes comme peu de compositeurs avant lui, de Manon, Esclarmonde, à Thaïs et Hérodiade…, le musicien s’intéresse au Jongleur qui ne met en scène que des personnages masculins. Dès juillet 1900, le compositeur a toute la structure mélodique de l’oeuvre dans la tête. La partition est mise au net en 1901. La vision offerte des moines bénédictins est presque licencieuse : bons vivants et trop sensuels (à l’acte II, la dispute entre les moines peintre, poète, musicien et sculpteur, chacun se prévalant de représenter l’art majeur qui supplante les autres, est à ce titre emblématique). Jean, laïque, intense dans sa foi, incarne l’état de sincérité sainte opposée à l’état de décadence des bénédictins au XIV ème siècle. L’image quelque peu critique à l’égard du milieu monacal s’entend dans le contexte que vit Jules Massenet : en 1905, sera instaurée la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Selon les mots du musicien, le Jongleur est son chef-d’oeuvre, à la fois, légende, pièce, conte en musique…
Musicalement, Massenet « médiévalise » son style, emprunte des mélodies anciennes, utilise la viole d’amour, instrument mis à l’honneur dans l’orchestre du XIXème depuis que Meyerbeer sur la proposition de l’altiste Chrétien Urhan, l’utilisa dans ses Huguenots (1836).
Créé à l’opéra de Monte-Carlo, le 18 février 1902, le Jongleur suscita un triomphe, y compris auprès des critiques qui depuis quelques années avaient souligné l’indigence musicale des oeuvres de Massenet, s’étant trouvés déconcertés par l’évolution de son écriture. Le musicien allait y puiser un regain d’inspiration pour ses oeuvres ultérieures, toutes composées pour les planches monégasques, à l’époque du Prince Albert Ier : Don Quichotte, Roma, Cléopâtre… L’oeuvre fut reprise ensuite en création à Paris, sur la scène de l’Opéra-Comique, en 1904, connaissant dès 1908, sa 100ème. Etonnant avatar, validé cependant par l’auteur, Mary Garden, la créatrice de Mélisande dans le Pelléas de Debussy, quelques années auparavant (1902), créa le rôle de Jean, au Metropolitan de New-York (novembre 1908) : l’opéra des hommes devait bientôt intégrer une présence féminine. Quoi de plus naturel de la part d’un musicien qui se plut à brosser le portrait musical de tant d’héroïnes? Mais, comme pour se racheter, Massenet accepta de même, d’adapter le rôle de Jean, initialement écrit pour un ténor, pour le baryton Jean Périer. Quoiqu’il en soit, l’évolution psychologique du personnage qui dépeint une conversion sincère et exaucée, demeure une expérience exceptionnellement aboutie pour tout interprète : il lui est donné d’offrir toute la palette de son talent, vocal et dramatique.
La production de Metz reprend en partie le spectacle créé lors du 8 ème festival Massenet, en novembre 2005, à l’Esplanade de Saint-Etienne : Jean-Louis Pichon en avait déjà signé la mise-en-scène.
Illustration
Affiche du Jongleur de Notre-Dame, lors de la reprise de l’oeuvre en 1904 (DR).