Joseph Haydn
L’Infedelta Delusa, 1773
Mezzo
Le 13 septembre 2008 à 20h30
Le 26 septembre 2008 à 17h
Devons-nous réhabiliter les opéras de Haydn, quand ses autres ouvrages en particulier lyriques, cantates et oratorios dont La Création, sont portés au pinacle de la considération musicologique et publique ? Le contemporain de Mozart, qui partage avec lui, un authentique génie aujourd’hui indiscutable et demain, en 2009, célébré partout en Europe, anniversaire oblige, doit en effet être réétudié et son théâtre lyrique, réexaminé avec grand soin. Harnoncourt a commencé, en ouvrant la brèche, mais il a semblé abandonner l’œuvre commencée. Qu’en est-il pour cette infidélité déjouée défendue par Le Cercle de l’Harmonie dans le cadre de l’Académie Européenne de musique du festival aixois ? Certes Haydn n’est pas Mozart … et plus qu’ailleurs, ses opéras font paraître une constante légèreté dans l’exigence dramatique : situations diluées, coup de théâtre sans surprise, absence de réelle invention scénique,… Visiblement, la cour du prince Esterhazy (c’est pour sa veuve que le musicien composa ce « caprice musical »), n’a guère le souci de l’invention scénique… La comparaison avec Mozart s’impose, en particulier avec Cosi. Ici, en 1773, dans cette comédie bouffonne dont le rythme (spécialité haydnienne) entend ressusciter l’activité mordante de la commedia dell’arte et ses rebondissements pas toujours des plus élégants, Haydn met en scène, déjà, une servante travestie qui tire les ficelles et sauve l’honneur (avant Despina dans Cosi) : Vespina (incarnée par la soprano née à Malte, Claire Debono, assez savoureuse qui fut en son temps, l’une des révélations du Jardin des Voix de Christie). Si les décors ne suivent pas les délices d’un marivaudage de grand style (jeu dirigé par le scénographe Richard Brunel), la finesse des caractères et les doubles lectures des confrontations approchent le plus souvent la fluidité d’une pièce de Goldoni (surtout dans l’acte II), son cynisme allusif sur les rapports entre les sexes, ses subtiles critiques sur le genre humain en général.
Aux commandes de cette délectable lecture musicale, un chef qui monte et qui après avoir marqué les soirées de Beaune, fait son entrée en Alexandre, au Festival d’Aix : Jérémie Rhorer auquel fut remis en fin de spectacle le prix Gabriel Dussurget. C’est que sa juvénile fraîcheur, revivifiant par les accents ouvragés d’une direction proche du cœur et de la palpitation émotionnelle, entre vertige et vérité, a souvent ressuscité les premières heures du Festival Aixois qui fêtait en 2008, ses 60 ans. Ces moments pionniers devenus légendaires quand dans la cour de l’Archevêché, Dussurget le fondateur, « osait » programmer un Cosi mozartien chanté en italien, comme une perle lyrique oubliée, soulignant la modernité tragique et profonde sous l’apparente séduction d’une partition classique. A l’Hôtel Maynier d’Oppède, en 2008, Haydn, sous la direction de la jeunesse et du talent, a semblé briller de mille feux. Production musicale mémorable par sa tenue d’ensemble.
Joseph Haydn : L’Infedeltà Delusa, 1773. Le Cercle de l’Harmonie. Jérémie Rhorer, direction. Opéra enregistré dans le cadre du Festival d’Aix en Provence 2008.