Jos Van Immerseel,
Chef d’orchestre
Radio Classique
Samedi 17 mai 2008 à 20h
Concert en direct de la Cité de la musique à Paris
Lundi 19 mai 2008 à 20h
Bruxelles, Flagey
Franz Liszt: Méphisto Valse n°1
Edouard Grieg: Concerto pour piano et orchestre
Hector Berlioz: Symphonie Fantastique
Rian de Waal, piano (Erard). Anima Aeterna. Jos Van Immerseel, direction
Beethoven réinventé
Voilà que depuis quelques années, Jos Van Immerseel offre avec son ensemble Anima Aeterna,
plusieurs lectures décapantes et dépoussiérées des oeuvres romantiques.
Aux côtés des Gardiner ou Herreweghe, le souci d’exactitude
instrumentale, de style et de conception du volume orchestral
bouleverse notre habitude et notre connaissance des oeuvres, héritée du
XIXème et de la première moitié du XXème siècle. On doit quelques
versions à présent légendaires au brillant espiègle défricheur comme ce
Concerto pour deux pianos de Mozart (2006), mais aussi, plus proche de nous dans le calendrier musical, un Ravel renouvelé, (Boléro, 2005)
loin d’être asseptisé et squelettique: la ciselure instrumentale, le
sens du timbre, la transparence et l’équilibre des pupitre, s’imposent.
Nous nous souvenons de concerts symphoniques proposés Salle Pleyel en
décembre 2007, déjà dédiés à l’orchestre beethovénien (entre autres,
Symphonie n°5 et Concerto pour piano n°1). L’admirable pianiste et
claveciniste, qui a fondé depuis plus de 20 ans déjà (1987) son propre
ensemble relit avec un tempérament indiscutable nombre d’oeuvres parmi
les plus jouées, comme les Symphonies de Beethoven. Au coeur de son
travail musical et interprétatif, le soin apporté à la facture
instrumentale. En avril 2008, paraissent Symphonies et ouvertures en un
coffret discographique exhaustif de l’écriture Beethovénienne soumise
au prisme Immerseel (6 cd Zig Zag Territoires). Occasion pour nous de
réaliser un bilan sur une telle approche interprétative, de première
importance.
En plus de l’intégrale des 9 Symphonies, Jos Van Immerseel, dévoile
aussi plusieurs oeuvres complémentaires du génie beethovénien: en
particulier les Ouvertures : Les Créatures de Prométhée, Coriolan, Egmont, Les Ruines d’Athènes, La Consécration de la maison.
Réécouter Beethoven comme à son époque et après, du vivant de Berlioz
par exemple (Paris, 1828) qui s’enthousiasme à la Société des concerts
du Conservatoire, n’est pas une mince affaire. Retrouver la couleur
orchestrale comme les sonorités de l’époque Beethovénienne et
romantique n’est qu’un prétexte qui certes est déjà honorable. Mais ici
les moyens servent une autre fin, poétique, esthétique, philosophique:
retrouver dans sa texture d’origine, la violence de la musique, le
souffle originel de sa portée révolutionnaire. Outre le choix des
instruments, ce sont les données stratégiques du style: tempos, nuances
dynamiques, diapason (440 hz)… comme également le nombre de musiciens
(historiquement entre 40 et 50, sauf pour la IXème, plus ambitieuse)
… déduit par la connaissance exacte des salles viennoises (jusqu’à
3.000 places) dans laquelle et pour lesquelles Beethoven a composé ses
symphonies…
Violence du son romantique
En matière de tempi, les indications d’Immerseel (suiveur de Gardiner
et de Norrington à ce sujet) sont nettes: il convient de cesser de
jouer les partitions de façon aussi lente. De tels tempos ralentis,
« boursoufflés », porteurs de cette ampleur et de ce pathos romantisants,
sont inconcevables pour les instruments de l’époque de Beethoven
(cordes aux gestes courts). Même les chanteurs souffrent dans la IXème
Symphonie de ce point de vue.
Au
coeur de la démarche du chef, il y a le choix des instruments requis.
« On sait que Beethoven s’informait très précisément auprès des
musiciens des capacités techniques de leurs instruments. C’est donc en
toute connaissance de cause qu’il pousse chaque instrument à l’extrême
de ses possibilités. C’est en partie pourquoi cette musique est si
révolutionnaire : par sa grande difficulté technique, mais aussi par le
caractère dramatique que cela confère à la musique (et cette
dramatisation est également accentuée si l’on respecte le diapason de
l’époque qui était haut : au moins 440, si ce n’est plus). C’est
pourquoi il est si important de jouer cette musique sur instruments
d’époque. Les instruments modernes rendent cette musique plus facile…
(…); ils ne sonnent évidemment pas comme il faut, avec leurs cordes
métalliques. » précise Jos Van Immerseel.
Fagott (basson) viennois, contrebasse avec frettes, timbales
en peau naturelle, avec baguettes dures, cuivres « naturels », en
technique bouchée pour les cors; cordes sans vibrato, selon la
technique inspirée de la Méthode de violon de Spohr (Vienne, 1832), « réinventent » ainsi mais dans le respect originel des oeuvres, la Symphonie n°9 par exemple…
En plus de l’obtention d’une couleur sonore désormais spécifique,
Anima Aeterna ressuscite l’effort et la tension qu’éprouve chaque
instrumentiste, ainsi poussé dans ses extrêmes, si proche de la quête
extrêmiste d’un Beethoven, expérimentateur et toujours audacieux…
Aucun doute qu’en abordant aujourd’hui Berlioz et sa Fantastique,
autre manifeste révolutionnaire qui exige des instruments autant qu’à
l’époque de Beethoven, Jos van Immerseel et Anima Aeterna ne dévoilent
de nouvelles pépites dans les sillons de leurs champs fraîchement
labourés. Concert événement.
CD
L’intégrale des Symphonies de Beethoven,
par Anima Aeterna sous la baguette de Jos van Immerseel, complétée par
quelques ouvertures, est publiée par Zig Zag
Territoires en un coffret événement (6 cd) qui sort en mai 2008.