Voici le grand projet 2011 de l’Abbaye de Fonfroide, pour lequel fut même organisée une académie musicale réunissant de jeunes chanteurs (27 au total) invités pour assurer chant collectif (quatuors, quintettes, chœurs) et parties solistes… La Messe en si version Savall touche immédiatement par sa profonde unité, sa cohérence lumineuse et sa simplicité aérienne (presque autant de vents que de cordes, sans omettre l’orgue, pilier de toute liturgie musicale de JS Bach) : l’équilibre entre les instruments et les voix y est idéal, d’une magistrale qualité expressive et d’une fluidité quasi lumineuse, s’il n’était quelques éléments moins assurés (lire ci-après).
Lumière et ferveur savalliennes
Quand Sigiswald Kuijken préfère 1 voix par pupitre ( nous l’avions encrore constaté à Ambronay en 2011), Savall favorise la communion collective avec un choeur de chanteurs dont la jeunesse des accents fervents recherche la saine articulation du verbe fait geste d’accomplissement religieux (éclatante avancée du Cum Sancto spiritu). Ici et là, aux pupitres des sopranos comme des ténors, on dénote certains décrochages, atténués par l’excellent brio des instrumentistes.
Au nombre des duos planants par cette fragilité et cette qualité de timbres, permises par la pratique informée, notons le laudamus te : Manfredo Kraemer et la soprano Yetzabel Arias Fernandez ; l’accord soprano et ténor sur le matelas aérien des flûtes : Céline Scheen et Makoto Sakurada du Domine Deus ; la noblesse impériale de la basse Stephan MacLeod en dialogue concertant avec le cor de chasse de Thomas Müller – ; tandis que le contreténor Pascal Bertin a de sérieux problème d’égalité et de tenue des lignes comme de hauteurs de sons, sans omettre le filet d’une voix détimbrée parfois… (Domine Deus Duetto ponctué de ports de voix guère propres). Dommage.
L’arche solennelle mais toujours transparente et d’une portée bondissante du Credo in unum Deum s’affirme aussi au crédit de cette lecture frappante par la hauteur naturelle et fluide de son inspiration… pour que s’accomplisse la formidable révélation collective du Patrem omnipotentem, fraternel et traversée par la joie. Pas de foudre divine ni de fracas majestueux, mais une vibrante et palpitante prière collective, d’une certitude partagée au sommet de laquelle s’accomplit elle aussi, tel le sommet du massif sacré, l’admirable et déjà mozartienne intensité du Crucifixus (superbe quatuor vocal, pas toujours très juste mais d’une sincérité à couper le souffle…) grâce surtout au geste d’une souple pudeur d’un Savall traversé par la grâce.
Voici la clé de voûte de la lecture, son offrande la plus bouleversante, un axe et un point d’accomplissement irrésistible à partir duquel ce qui suit, de l’Et in spiritum sanctum, Sanctus, à l’Agnus Dei exprime l’acte de foi inscrit en lettres d’or dans la partition du génial Bach. Le travail sur les différents caractères des choeurs: choeur favori (jusqu’à 10 solistes maximum) ou grand choeur de la chapelle (de 21 à 27 chanteurs) quand tout l’orchestre est requis, enrichit considérablement l’approche esthétiquement, si juste de la lecture.
Recueilli, introverti, d’une fluidité toute en pudeur grave et traversée par un sentiment sincère qui touche immédiatement, Jordi Savall maîtrise le monument sacré baroque du XVIIIè. S’il n’était les petites réserves vocales ou chorales perceptibles de part en part, nous touchions une nouvelle référence de la discographie.
Jean-Sébastien Bach: Messe en si, BWV 232
II
baryton-basse
Lluís Vilamajó
concertino
Enregistrement du concert réalisé le 19 juillet 2011, à l’Abbaye de
Fontfroide, Narbonne (France) dans le cadre du VIème édition du
Festival « Musique et Histoire pour un Dialogue Interculturel ». 2DVD DD
5.1 (zone 0) + 2SACD hybrid multichannel stereo