Jacques Offenbach
Le Roi Carotte, 1872
Opéra féerique et parodique
Dijon, grand théâtre
Du 14 au 31 décembre 2007
Dominique Trottein, direction musicale
Olivier Desbordes, mise en scène
Carotte, roi légume usurpateur
Le Roi Carotte est une oeuvre d’autant plus intéressante que, méconnue, elle précise la nouvelle inflexion sytlistique du compositeur, après les fastes et la légèreté impertinente des oeuvres qu’il composa à l’époque du Second Empire. De retour à Paris, après les événements tragiques de 1870, la chute du Second Empire puis la répression sanglante de la Commune, Jacques Offenbach qui fit les beaux soirs de la société impériale, tout en en parodiant les travers les plus honteux, revient dans la Capitale pour y donner son Roi Carotte, créé au théâtre de la Gaité, le 15 janvier 1872. Le livret de Victorien Sardou s’inspire de la nouvelle de E.T.A. Hoffmann, Le petit Zachée surnommé Cinabre, qui raconte l’épopée du ministre ministre Kleinzach surnommé en effet « Cinabre ». Pour le compositeur, il s’agit avant les Contes d’Hoffmann, de plonger musicalement et dramatiquement dans l’univers fantastique des contes de l’écrivain. De sorte que Le Roi Carotte peut être considéré comme un prélude magistral aux Contes d’Hoffmann, laissé inachevés par l’auteur et qui l’occuperont jusqu’à sa mort.
Rosée du soir offre son aide
Dans cette féerie fantastique, où l’imaginaire le dispute au délire, le Roi Carotte utilise les pouvoirs magiques de la fée Coloquinte pour renverser le Roi Fridolin XXIV et séduire Cunégonde, la fiancée du Souverain ainsi destitué. Heureusement, avec l’aide de celle qui l’aime réellement, Rosée du soir, Fridolin en réussissant à vaincre de nombreuses épreuves, reconquiert son trône, et renverse à son tour, le Roi Carotte, souverain des légumes, usurpateur tyrannique.
L’action est prétexte à maintes situations qui renvoie au contexte politique immédiatement passé et actuel.
Selon son habitude, Offenbach tout en faisant rire, dénonce, apostrophe, critique, invective avec force les dérives de son époque.
Sur le plan musical et poétique, il s’agit d’une surenchère de tableaux délirants où au cours de leur pérégrination, le roi destitué Fridolin et son aimée la douce et active Rosée du soir, pénètre dans le royaume des insectes chez les fourmis puis les abeilles… même grâce à une lanterne magique, Fridolin réveille et anime les ruines de Pompéi (tableaux 8 et 9) afin d’y obtenir l’anneau de Salomon, seul talisman capable de renverser l’infâme Carotte…
Mordante critique
Dans la carrière du compositeur, Le Roi Carotte souligne l’évolution d’une écriture qui, après les frasques des opérettes qui ont fait les délices du Second Empire et ceux de l’Exposition Universelle de 1867 (La Vie Parisienne puis La Grande Duchesse de Gerolstein), conduit vers le fantastique lyrique des Contes d’Hoffmann, la dernière oeuvre du compositeur mais aussi le couronnement du créateur, passionné par le théâtre.
Pour Olivier Desbordes, il s’agit de montrer comment, dans la confusion qui se produit au moment des événements de 1870, Offenbach règle en décalage (après les événements proprement dits), ses compte avec le pouvoir et l’autorité impériale. Ce « jeu de massacre » renoue avec le délire « des vieux films de Méliès ». Il convient de se laisser porter par la force des tableaux suggestifs. D’y retrouver cet esprit de liberté critique, d’insolence portée par la nostalgie et le rêve.
Tournée. La production, mi féerique mi parodique qui fait escale à Dijon, est en tournée jusqu’au 25 avril 2008: Odyssud, Blagnac (18 décembre), Ibos, le parvis (le 19 décembre), Millau (le 20 décembre), puis Longjumeau (le 21), Maisons-Alfort (le 22), Albi (le 22 janvier 2008), Colomiers (le 23 janvier), Auch (le 24 janvier), Paris, Théâtre Silvia Montfort (du 11 mars au 19 avril 2008), enfin Dreux, le 25 avril 2008.
Crédit photographique: Jacques Offenbach (DR). Production du Roi Carotte au Grand Théâtre de Dijon (DR)