Il Pellegrino
Le voyage musical
de Pietro della Valle
(1586-1652)
Du 18 juillet au 22 septembre 2007
XVIII-21 le Baroque Nomade
Jean-Christophe Frisch, direction
A partir du journal de voyage d’un jeune romain fortuné, qui devenu pèlerin explorateur, rejoint l’Egypte, la Turquie ottomane, les bords du Jourdain, puis Bagdad, Ispahan jusqu’à l’Inde, entre 1614 à 1626, le directeur musical de l’Ensemble « XVIII-21 le Baroque Nomade », Jean-Christophe Frisch, a conçu un programme d’évocation, entre Occident et Orient. S’il ne reste presque plus rien de sa musique (l’oratorio Esther, ou le Dialogue Sophonisbe et Massinissa, sont perdus…), le compositeur mobile a laissé une abondante documentation, lettres et récits qui excitent l’imaginaire, l’évocation des rencontres, du voyages, de l’errance qui fait apprendre à l’homme, le prix de la vie. c’est aussi l’époque où l’Europe de la Contre-Réforme éprouve une fascination pour les confins orientaux, admirative et aussi méfiante vis à vis de la puissance turque qui menacera bientôt l’Empire des Habsbourg, qui se frotte déjà aux colonies méditerranéennes de Venise. La vie de Pietro della Valle tient du roman et du conte, un roman picaresque, mais aussi féerique, pourtant réellement vécue, offrant son lot de découvertes magiques et de terrible deuil…
Le programme musical s’appuie sur les descriptions du récit de Pietro: danseuses du Caire, musique à la Cour du Shah Persan Abbas Ier, première évocation de la vina, instrument de l’Inde du Sud, inconnu en Europe avant sa description… Jean-Christophe Frisch a aussi complété les témoignages de della Valle par les textes d’un polonais à la Cour Ottomane au début du XVII ème siècle, Ali Ufki.
« Je l’imagine de retour à Rome, après son long voyage en Orient. il vit reclus dans son palais fabuleux, un peu parce qu’il a des soucis avec la justice, mais surtout parce qu’il ne réussit pas à se réadapter à la vie européenne. Il en a trop vu. il a trop bien compris la vanité de la vie mondaine, du pouvoir papal, des querelles entre Medici et Barberini. Parti avec des serviteurs italiens, il est rentré avec des musiciens orientaux, persans ou indiens, et une seconde femme géorgienne, Maria Tinatin dite Mariuccia… » précise le directeur de XVIII-21. L’enregistrement du programme, réalisé en 2006, à Paris et à Damas, est publié chez Arion. La sélection des partitions interprétées comprend entre autres, les notations ottomanes rapportées par Ali Ufki ainsi qu’un fragment de l’oratorio de Pietro della Valle, Per la Festa della Santissima Purificazione (1640). Pendant l’été 2007 et jusqu’à l’automne, le programme d’Il Pellegrino est à l’affiche de nombreux festivals français.
Programme
Il Pellegrino (Pietro della Valle « Le Pélerin »)
Il viaggio di Pietro della Valle. Le voyage de Pietro della Valle
Taksim (Prélude improvisé)
Il Carro di Fedeltà d’Amore (Le Char de Fidélité de l’Amour / 1617)
Musique de Paolo Quagliati (1555-1628), sur un texte de Pietro Della Valle
(Amour – Apollon – Amour & Apollon – Amour – Apollon – Arion & Orphée – La Réputation – La Réputation + tous)
Taksim (dans le mode beyat)
Semaai (Hassab Skaf, Damas)
Romanesca, 1616 (Paolo Quagliati)
Pesrev, musique turque ottomane notée dans le manuscrit du musicien polonais Ali Ufki (né Wojciecj Bobowski, 1610-1675)
La Romanesca (improvisation)
Owj, du mode Esfahan (Radif persan)
Dialogo a due voci (Dialogue à deux voix / 1610) tiré de Sacrorum Concentuum (Giovanni Francesco Capello, ?-?)
(Dialogue entre l’âme « Animus » et la Vierge Marie « Maria Virgo »)
Taksim, mode Hejaz Kar
Mouwachah : Zarani-L-Mahboub (Anonyme)
Villancico à Saint-Michel (Manuscrit Santa Monica de Goa)
Samaja Vara Gamana, raga Hindolam (Inde du Sud)
Pietro della Valle « Il Pellegrino » (Le Pélerin) (1586-1652)
Per la Festa della Santissima Purificazione, oratorio de 1640
(Le Poète – Simeone – Maria e Gioseppe – La prophétesse Anna, Maria, Gioseppe – Simeone – Tous)
XVIII-21 Musique des Lumières: Cyrille Gerstenhaber & Johanne Cassar, sopranos – Christophe Laporte, alto (contre-ténor) – Vincent Lièvre-Picard & Sebastien Obrecht, ténors – Marco Horvat, basse, lirone & théorbe – Jean-Christophe Frisch, traverso – Emmanuelle Guigues, viole de gambe & kamanché – Rémi Cassaigne, théorbe, guitare, setar – Jean-Luc Ho, clavecin – Pierre Rigopoulos, percussions – Geetha Navale, veena. Twais (Direction Essam Rafea): Essam Rafea, oud – Moslem Rahal, nay – Firas Charistane, quanoun – Jamal Al Sakka, percussions – Chadi Abd Al Karim, chant). Direction musicale: Jean-Christophe Frisch
Agenda
18 juillet 2007, Festival de musique ancienne de Callas
20 juillet 2007, Festival Musique et Mémoire
7 août 2007, Les Heures musicales de l’Abbaye de Lessay
12 août 2007, Festival de musique sacrée de l’Abbaye de Sylvanès
17 août 2007, Les riches heures de la Rotonde, Simiane
19 août 2007, Festival de Cornouaille, Quimper
1er septembre 2007, Festival Sinfonia en Périgord
22 septembre 2007, Festival Classique au vert, Parc floral de Paris
Pietro della Valle, pèlerin au long cours
Jeune aristocrate romain fortuné, Pietro della Valle a 14 ans en 1700. Honneur, dignité, richesse, jeunesse: tout lui sourit. Le jeune homme reçoit une première formation musicale de son cousin, se passionne pour l’orgue, qu’il joue avec son maître Stefano Tavolacci, à l’église de la Madonna del Popolo. Il s’intéresse aussi au clavecin, au violon et à la viole de gambe. Il apprend l’art du contrepoint auprès d’un maître en la matière, Paolo Quagliati.
Curiosité virtuose
Pour se remettre d’une peine de coeur, l’adolescent voyage tout d’abord en Italie. Son journal commencé à cette époque, vers 1597, témoigne des paysages et des hommes rencontrés. A Naples, Della Valle se lie d’amitié avec Mario Schipano, médecin humaniste, qui lui révèle l’Orient. L’italie ne pouvant plus contenir sa « curiosité virtuose », le jeune homme échafaude l’idée d’un voyage au long cours dont le pèlerinage en Terre Sainte serait le couronnement. Il adressera à son ami Schipano, une série de lettres que son correspondant devra ensuite publier sous le titre éloquent de « Voyage d’un Gentilhomme romain dans l’empire ottoman ».
Le Voyage d’un gentilhomme Romain
Le 4 mars 1614, Pietro della Valle, âgé de 28 ans, revêt ses insignes de Pèlerin, rejoint Venise, puis Constantinople. Il y restera une année, découvrant les us et coutumes turcs à l’époque ottomane. Il est fasciné par la musique des janissaires et des derviches, apprend à déguster une boisson étrange bientôt indispensable, le café. En 1615, Pietro rejoint l’Egypte, achète deux momies qu’il adresse à Rome, remonte au Nord vers Jerusalem, les rives du Jourdain, enfin Hébron, afin d’accomplir son voeu de Pèlerin. Mais la quête d’évasion n’a pas faibli et depuis Alep, notre voyageur décide de retrouver le Shah de Perse, Abbas Ier afin de lui soumettre l’idée d’une alliance avec les cosaques contre les ottomans. De musicien découvreur, Della Valle s’est baptisé diplomate aventurier. En octobre 1616, il est à Bagdad et obtient non sans difficulté la main de la belle Maani. Au terme d’un long parcours en brillant cortège, les époux sont à Ispahan, le 22 février 1617. Lorsqu’en enfin Pietro réalise son entrevue avec Abbas Ier, vainqueur des turcs, son projet d’alliance est sans actualité.
Deuil et retour
En 1622, le couple se décide à rejoindre Rome par… l’Inde. Prochaines étapes: Ormuz, Goa, l’océan. La Caravane rejoint Persépolis, mais à Mina, dans le Golfe persique, tous les proches de Pietro contractent la malaria. Maani meurt avec l’enfant qu’elle porte. Le jeune mari inconsolable veille la dépouille de son aimée et l’embaume dans du camphre, pour être ensevelie à Rome. Enfin, le 16 janvier 1623, della Valle embarque à Ormuz sur un vaiseau anglais. Commence alors une longue errance qui le mène à Surat en Inde, puis à Calicut dans le sud indien. Le fringant explorateur des mondes orientaux est devenu « une ombre malheureuse » qui cependant, à Goa, se laisse bercer par les musiques, occidentales et orientales.
A Rome, Pietro correspond avec Doni
Le retour se précipite: Pietro quitte l’Inde en décembre 1724. Il arrive à Naples, le 17 février 1626. Endeuillé, l’homme de 40 ans fait porter en terre le corps de son épouse qui a été transporté pendant deux années. A Rome, della Valle reprend son identité de prince romain, retrouve sa passion pour la musique. Il écrit une vive défense pour l’opéra, contre l’ancienne polyphonie, entretient une correspondance avec le théoricien Gianbattista Doni, et construit de nombreux instruments expérimentaux ou « fantastiques »: « clavecin enharmonique », « viole penharmonique ». Il épouse la suivante de sa femme, Maria Tinatin qui lui donnera 14 enfants. Lors d’une cérémonie religieuse en avril 1636, le fougeux quinquagénaire blesse l’un des serviteurs de la maison Barberini. Pietro doit fuir dans une forteresse des Colonna. Finalement gracié par le Pape, il meurt le 21 avril 1652.
Illustration
Le Shah de Perse, Abbas Ier (Gravure de Dominicus Custos, Anvers)
Abbas Ier et son échanson