mardi 6 mai 2025

Hérold : Concertos pour piano n°2,3,4. Neuberger, Niquet1 cd Mirare

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Une somme biographique décisive parue chez Symétrie (Hérold en Italie signé Alexandre Dratwicki lequel écrit l’excellent notice du présent disque) a préalablement circonscrit les contours excitants de l’oeuvre de Louis Ferdinand Hérold, entre France et Italie, Prix de Rome 1812 qui jusqu’en 1833 (date de sa mort) éclaire de ses feux lumineux et énergiques ce premier romantisme français si délectable.
Elève d’Adam, Kreutzer et Méhul (soutien décisif pour l’obtention de son Prix de Rome!), Hérold est d’abord un pianiste virtuose, puis au contact de l’Italie, se fait homme de théâtre passionné par la fièvre dramatique… tout cela le mènera au triomphe de Marie (1826), puis Zampa (1831) qui l’imposent au milieu parisien comme un nouvel acteur majeur de la scène lyrique, légère, efficace, raffinée.
L’apport de ce disque pionnier pour la réhabilitation du compositeur français suit l’oeuvre de recherche et de défrichement amorcé et poursuivi par le Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française: aux sources du romantisme (Jadin, Onslow…), à la place déterminante en ce sens de Cherubini, le Centre si actif pose les jalons de ce romantisme hexagonal, capable d’ouverture, d’éclectisme et pour synthèse finale, d’assimilation personnelle voire originale: c’est évidemment le cas de ces Concertos pour piano, dévoilés pour la première fois. Hérold comme les Jadin (Hyacinthe et Louis Emmanuel) produit les oeuvres premières pour constituer un répertoire romantique français encore balbutiant, quand depuis Haydn, Mozart, Beethoven… les Viennois ont abondamment nourri le genre du concerto piano et orchestre. Datés entre 1811 et 1813, soit contemporains de son séjour médicéen (à partir de janvier 1813), les 4 Concertos d’Hérold soulignent un fort tempérament versé dans l’audace, l’expérimentation voire les tâtonnements encore inaboutis (comme le Concerto n°1 dont les nombreux repentirs gênent une restitution cohérente)… Telle une première édition critique cherchant à démontrer dès ses premiers essais pianistiques, l’aplomb d’un vrai romantique, le présent album retient les 3 Concertos les plus convaincants.



Jeune pensionnaire à Rome, Hérold éblouit par son aisance et sa culture

Avant le séjour italien, le n°2 (1811) est composé à Paris: l’élève d’Adam « ose » une forme riche, ample voire ambitieuse dont le souffle dépasse les cercles strictement intimistes des salons (où Hérold a dû probablement naviguer comme récitaliste prodigieux ou accompagnateur de chanteurs). Il cite Dussek (héroïsme assumé de l’allegro introductif), et affirme une touche personnelle dans une cadence libre d’inspiration bellinienne ou chopinienne d’un parisianisme parfaitement assimilé et en prise avec le contexte d’une modernité troublante faite de finesse et de liberté; Jean-François Neuberger y excelle par son toucher fluide et précis, mais aussi une maîtrise dynamique qui souligne dans l’Andante, un climat rasséréné (après les nombreux tutti d’orchestre du premier mouvement), très haydnien, c’est à dire, d’une élégance et d’un maintien idéalement viennois. Même agitation nerveuse d’obédience viennoise, haydnienne et même mozartienne dans l’effet « alla caccia » du final très enlevé.
Plus nuancé encore et en liaison avec l’érudition musicale du jeune compositeur (âgé de 22 ans), le n°3, écrit à Rome en février 1813, s’éclaire d’une lueur schubertienne (allegro initial); expérimentalement juste, Hérold innove encore dans le second mouvement (andante) par son dialogue violon et piano dont le chant tendre et murmuré, coulant et élégiaque confirme sa pâte singulière: d’autant que les libertés chromatiques assumées dans le dernier mouvement a fait réagir les plus traditionalistes dont Gossec.
Le n°4 (août 1813) prolonge l’avancée des audaces d’un Hérold inventif. Neuberger éclaire tout ce que la tonalité mineure (mi mineur) apporte en lueurs fauves et crépusculaires, suggestives et immédiatement plus ambivalentes donc mystérieuses, entre un énoncé contrasté dramatique de type Sturm und drang et une intériorité plus intimiste, proche du sentiment romantique. En deux mouvements, la partition interroge la forme sonate, la réexposition obligée du thème principal entre l’orchestre et le soliste: Hérold évite toute convention, et regarde là encore du côté des Viennois… de Beethoven et de Schubert. Il connaît ses bases viennoises et sait habilement les faire évoluer… avec une finesse et une sûreté de vue, exemplaire. Jamais débordé par un feu juvénile voire une furia propre à son jeune tempérament, Hérold tempère, use avec beaucoup d’équilibre des formules de la Symphonie classique. Entre raison et expression, l’intelligence de la main se dévoile, en particulier grâce à l’entente chantante et complice du chef, de l’orchestre et du soliste; A Rome, Hérold devient compositeur et artiste. Il écarte définitivement de son activité, ses occupations brillantes (et artificielles voire creuses) de pianiste de salon. En Italie, comme avant lui Haendel, Hérold vit une reconversion fondamentale de ses aspirations: attiré par le théâtre (le succès napolitain de son opéra La Gioventu di Enrico Quinto confirme la justesse de sa décision), le compositeur se révèle pendant le séjour romain. Quand d’autres fustiges les vertus annoncées de la formation médicéenne et de tout le système académique, Hérold incarne avec éclat, le bénéfice de ce temps de réflexion et d’apprentissage. Gounod (quand Ingres était le directeur de la Villa Médicis) puis Gustave Charpentier sauront témoigner des apports romains auxquels ils resteront toujours redevables.
Le présent disque éclaire un pan oublié d’une carrière encore à redécouvrir: au début de sa carrière, Hérold, pianiste compositeur, se passionne ici pour les Viennois (il séjournera à Vienne en 1815 après son séjour italien, avant de regagner Paris): les 3 Concertos ne sont pas les plus intéressants d’une main visiblement mature; ils renseignent sur la métamorphose d’une sensibilité particulièrement attachante.

Louis Ferdinand Hérold (1791-1833): Concertos pour piano n°2,3,4 (1811-1813). Jean-Frédéric Neuberger, piano. Sinfonia Varsovia. Hervé Niquet, direction.

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