dimanche 27 avril 2025

Hommage à György Ligeti (1923-2006)

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György Ligeti

(1923-2006)

« Je m’imagine la musique comme quelque chose de très loin dans l’espace, qui existe depuis toujours, et qui existera toujours, et dont nous n’entendons qu’un petit fragment… « 


Ligeti a connu la folie des despotismes
, l’hydre nazi qui a exterminé son père et son frère cadet, comme la dictature communiste. Est ce là, la raison pour laquelle il rejette tout sentiment d’encadrement et de structure fixe dans son ouvre ?
Lui-même a connu les glissements identitaires, reniant la dignité des êtres. S’il est né en 1923 en Transylvanie, à Tîrnaveni, il sera sous les caprices de l’Histoire inhumaine et cynique, tour à tour, roumain et hongrois. Finalement, autrichien.
En tant que juif, il s’est vu écarté de l’université en raison des lois antisémites. N’importe, il sera musicien.

En plein régime soviétique, il est en 1945 à Budapest. A l’Académie Franz Liszt, Ligeti apprend en bon élève « hongrois », les rudiments classiques et assimile l’héritage de Bartok. Mais en 1950, se dessine définitivement une autre voie, celle sans limite ni cadre préétabli, une musique d’autant plus aérienne et libre qu’il a parfaitement mesuré les horizons musicaux qu’on lui proposait : « le folklore constituait un abri contre la pression politique. »
Au moment de l’insurrection de Budapest, le 23 octobre 1956, il fuit dans la nuit, un régime détesté, pour Vienne. A 33 ans, le musicien n’entend pas en rester là.

C’est Stockhausen qui sera un mentor
, un guide dans les contrées sérielles, celles de Webern précisément. Ligeti apprend la musique de l’Ouest. Il ingère les nouveaux courants, les nouvelles esthétiques. Il analyse, décompose les oeuvres de Boulez aussi. Très vite, sa pensée se précise. Il devient enseignant à l’université de Stockholm (1961-1971), puis à l’Ecole supérieure de musique de Hambourg (1973-1989). En 1967, à 44 ans, il obtient la nationalité autrichienne.

L’homme a farouchement défendu son intégrité : ni groupe, ni cercle, ni parti. D’ailleurs, il s’est davantage exprimé sur son travail, par analogie avec les peintres et les dessinateurs qu’avec ses pairs musiciens, à l’exception peut-être de Pierre Boulez dont il admirait l’oeuvre du compositeur. Ligeti aimait citer Cézanne dont les couleurs structurent l’espace sans le dominer, mais aussi Piranèse où le sentiment de l’enfermement et des constructions carcérales, est explicite.

La musique de Ligeti exprime une lente désaliénation de tout pays, tout territoire, qu’il fut stylistique ou géographique ; il aspire à une pensée ouverte et universelle. Son lieu, ses racines, sont dans sa musique.
C’est sous cette influence que Stanley Kubrik cite Ligeti dans 2001, l’Odyssée de l’espace, film culte dans lequel la cinéaste utilise le Requiem (1963-1965) et Lux Aeterna (1966) ; puis, dans Eyes wide Shot auquel les lancinants accords de la Musica Ricercata, confèrent son étrangeté onirique.

Dans Le Grand Macabre de 1975-1977, il imagine une accumulation difforme (Brughel côtoie le Pop Art, Mozart est cité avec Schumann ou Couperin.) qui serait la fin de la civilisation pour que renaisse une autre, régénérée et neuve, débarrassée de ses fantômes obsessionnels, de ses images référentielles.

La maladie l’a frappé en pleine inspiration, alorsqu’il était sur le métier des études pour piano, commencées en 1985.
L’écriture y balance entre intériorité et sophistication, souvenir et brio.
Pour s’en convaincre, l’enregistrement publié chez Sony, fixe le jeu du pianiste Pierre-Laurent Aimard qui enregistra sous l’oeil critique et approbateur du compositeur, les études pour piano, aboutissement d’un travail de huit ans, pendant lesquels l’interprète fut en prise directe avec l’auteur. Arte diffuse un programme inédit le 25 juin sur la démarche de l’auteur et de son interprète, en dialogue. Lire ci-après.

Le compositeur autrichien s’est éteint à l’âge de 83 ans, lundi 12 juin 2006, à Vienne.

arte
rend hommage à György Ligeti

La chaîne culturelle franco-allemande bouleverse son antenne en diffusant deux documentaires (dont un inédit) consacrés au compositeur récemment décédé.


1. Samedi 24 juin à 22h35
,

Gyorgy Ligeti – Portrait

Documentaire de Michel Follin
Avec : Élisabeth Chojnacka, Kallo Màrton, Pierre-Laurent Aimard et Florent Boffard. Coproduction : ARTE France, Artline Films, Les Productions du Sablier, RTBF, MT, Centre Georges-Pompidou (1993-60mn)

Grand Prix Pratt & Whitney / FIFA Montréal 1994 – Prix Sacem du film de musique 1994

(Rediffusion du 14 mai 2003)

En 1992, György Ligeti voyage : dans la voiture du train qui l’emmène, les tableaux et les paysages défilent comme reviennent à sa mémoire, images, souvenirs, expériences vécues à demi oubliées. Ligeti est né en Transylvanie, région qui est le coeur historique du peuple magyar et qui a été rattachée à la Roumanie à la fin du premier conflit mondial. Il y subit l’humiliation des lois ségrégationnistes contre les juifs. Installé à Budapest, il connaît la brutalité du régime stalinien de Ràkosi et la répression soviétique du soulèvement de 1956 l’amène à fuir en Occident.
Son oeuvre est marquée par ce parcours où la folie et le fanatisme totalitaire a ruiné la civilisation.

2. Dimanche 25 juin à 10h30
(TNT, câble et satellite)

Piano du XXème siècle : Ligeti, étude pour piano
Avec : Pierre-Laurent Aimard (pianiste)
Coproduction : ARTE France, Abacaris Films (2001-30mn)

Programme inédit.

Ligeti composa en 1985 un premier livre d’Etudes pour piano qui en comprenait six (il en compte désormais quinze). Ce film s’attache plus précisément aux Etudes n°1, n°3 et n°6 qui caractérisent particulièrement les préoccupations du compositeur. Ligeti revient lui-même sur les circonstances de la création de la pièce. Le pianistefrançais, Pierre-Laurent Aimard qui compte parmi les plus grands interprètes du compositeur autrichien, joue et analyse cette ouvre, sous le regard critique du créateur.

crédits photographiques
Ligeti en 2000 (dr)
Ligeti en 2003 © Alexander Ruesche

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