(1795-1861)
Der Vampyr, Le Vampire
1828
Marschner, le chaînon manquant ?
France Musique diffuse ce soir, samedi 27 décembre 2008 à 19h, l’opéra de Marschner, Le Vampire…
un ouvrage qui malgré les promesses de son titre, pourrait bien ne pas
être le meilleur ouvrage d’un auteur qui fut estimé de Rossini et de
Wagner…
Chaînon manquant entre Weber et Wagner, l’allemand Heinrich August Marschner (1795-1861)
met en scène fantastique et surnaturel en choisissant une histoire de
vampire: Der Vampyr, créé en 1828. Lord Ruthwen, vampire maudit doit
sacrifier trois nouvelles jeunes femmes afin de poursuivre son séjour
terrestre. Ayant déjà tué les deux premières victimes, il s’apprête à
immôler sans scrupules, la fiancée de son unique ami, Malwina…
L’ouvrage fait figure de manifeste lyrique de première importance,
d’autant que Weber est mort depuis deux ans (1826). En 1830, Marschner
devient Kappellmeister de l’Opéra de Hanovre, poste qu’il occupe
jusqu’à sa mort en 1861. Il s’affirmera tel le champion de l’opéra
national en langue allemande avec la création en 1833 de son chef
d’oeuvre, Hans Heiling. D’après Eduard Devrient, Hans Heiling
convoque dans le sillon du Freischütz, horreur et réalité. Hans, fils
de la reine des esprits souterrains, est prêt à renoncer à son origine
surnaturelle pour épouser la petite villageoise Anna. Mais celle-ci
aime Konrad avec lequel elle se marie. Le jour des Noces, Heiling
paraît, désirant en découdre avec celle qui l’a trahi et humilié…
Mais la Reine l’en dissuade et Hans rejoint le monde des ténèbres,
renonçant à l’amour mortel. L’ouvrage qui satisfait alors le besoin de
fantastique et d’effroi de l’audience, impose indiscutablement
Marschner dans l’histoire de l’opéra romantique allemand…
Pourtant à écouter Der Vampyr, antérieur, de nombreuses
faiblesses semblent indignes du « successeur » de Weber… a contrario
de l’opéra italien romantique, et ses chutes tragiques et amères (voir
du côté de Bellini et de Donizetti par exemple), le compositeur
germanique imagine un lieto finale, heureuse résolution aux épreuves
vécues: Marschner envoie une foudre divine sur la créature monstrueuse
afin que Malwina puise enfin épouser l’homme qu’elle a choisi.
D’ascendance weberienne, mêlant danses populaires et chansons à boire,
mais sans le génie mélodique ni la dramaturgie fulgurante de Weber, Der Vampyr
révèle ses épisodes les plus convaincants au II. La musique n’a rien de
grave, lugubre ou épique. Elle est souvent légère voire aimable. Le
livret de Wohlbrück brode de façon bien classique une histoire qui
aurait pu être davantage captivante. Même dans la fosse de l’Opéra de
Bologne, Roberto Abbado peine à décoller. Ce Vampire prometteur, décrit
comme un « grand opéra romantique », d’un auteur méconnu assurant la
jointure entre Weber et Wagner, … serait-il un miroir aux alouettes?
Il faut plutôt compter avec l’ultime opéra du maître, Hiarne,
dont l’entreprise de le monter à Paris, entre autres avec l’appui de
Rossini, échoua: Marschner y réussit l’éclatement de la forme convenue
et classique, en une écriture nouvelle, quasiment durchkomponiert dont Wagner saura recycler les trouvailles. D’ailleurs, l’auteur de Tannhäuser connaissait parfaitement le théâtre musical de son prédécesseur pour avoir dirigé Der Vampyr et aussi l’ouvrage historique Kaiser Adolph von Nassau, à Dresde, dans les années 1840.
France Musique. Samedi 27 décembre 2008 à 19h. Heinrich Marschner: « Der Vampyr » (« Le Vampire »).
Detlef Roth (baryton, Lord Ruthven, Comte de Marsden, le vampire),
Roberto Tagliavini (basse, Sir John Berkley, propriétaire Domaine de
Berkley), Marianna Cappellani (soprano, Janthe, sa fille), Harry
Peeters (basse, Sir Humphrey Davenaut, propr. Domaine de Davenaut).
Teatro Comunale, Bologne, enregistré le 15 novembre 2008. Chœur et
Orchestre du Teatro Comunale, dir. Roberto Abbado.