Hector Berlioz
La mort de Cléopâtre, 1829
Dimanche 9 février 2008 à 20h
Bruxelles, Bozar
Béatrice Uria-Monzon, mezzo
Orchestre Symphonique de La Monnaie
Kazushi Ono, direction
Hector Berlioz: La Mort de Cléopâtre, 1829. La Symphonie Fantastique, 1830.
Alfred Schnittke: Concerto pour hautbois, harpe et orchstre à cordes, 1971.
Cantate, devoir académique
Tradition formelle héritée de l’âge baroque, la cantate est comme la mélodie présente dans l’oeuvre de Berlioz. Mais, il s’agit souvent d’une obligation nécessaire à la reconnaissance voire à la carrière musicale. Le Prix de Rome si important dans la vie d’un compositeur soucieux de vivre de son art, oblige les jeunes auteurs à s’y conformer. Berlioz ambitieux autant que révolté, s’y soustrait bon an mal an. Il se présente même à quatre reprises au Concours, avant de l’emporter finalement en 1830 (l’année de la composition de la Symphonie Fantastique). Berlioz comme tous ses confrères candidats s’isole au terme des premières épreuves (dont l’une éprouvante sur l’écriture d’une fugue dont il sera recalé en 1826!), pendant 20 jours afin de composer l’oeuvre finale et décisive, dont la réduction voix/piano est déterminante pour l’obtention du Prix: la Cantate. D’abord La mort d’Orphée, en juillet 1827, montre d’emblée le tempérament insoumis du compositeur: la partition est déclarée injouable surtout irréductible dans une forme voix piano! Berlioz est recalé. Herminie en 1828, est d’une forme plus docile mais aux idées brûlantes, d’un romantisme impétueux. L’auteur n’obtient que le second Prix… Enfin vient La Mort de Cléopâtre, composée durant les épreuves académiques de juillet 1829: Scène lyrique pour soprano et orchestre, la partition de circa 23 minutes, néanmoins convulsive suscite l’effroi des juges (voir en cela les effets chromatiques à l’évocation des esprits des Pharaons), Berlioz, deuxième Prix 1928 est certain de l’emporter en 1829. Il sera méchamment disqualifié!
Enfin, c’est Sardanapale, juillet 1830, avec lequel, le champion du romantisme musical fait à l’identique de Delacroix sur le même sujet au Salon de 1824, un brûlot expressionniste, auquel il ajoute une scène d’incendie finale (justifiée par le sujet). Fort peu convaincu par son oeuvre, Berlioz détruisit probablement la cantate après l’avoir dirigée en 1830, 1833 puis 1834. Il est probable que le musicien ait repris plusieurs thèmes et idées musicales de Sardanapale pour ses oeuvres postérieures, dont certaines tardives, comme Les Troyens. Quoiqu’il en soit voilà bien, dans le cas de La mort de Cléopâtre, l’une des oeuvres les plus anti académiques de Berlioz, doué du génie des évocations tragiques.
Articulation berliozienne, puissance wagnérienne
A Bruxelles, c’est Béatrice Uria-Monzon qui incarnera la reine égyptienne. De son propre aveu, Berlioz convient mieux à sa voix car elle lui permet de mettre en avant sa facilité dans les aigus (contrairement à Carmen, qui est un rôle surtout scénique, moins vocal…). Quand Berlioz peint la Souveraine d’Egypte, il invoque une puissance dramatique et tragique proche de Wagner. Tout passe dans la voix ce qui impose chez l’interprète, un contrôle total. Aux derniers battements du coeur de l’héroïne, exprimés par les contrebasses en fin de session, Berlioz ajoute surtout l’articulation déclamée du chant français: une autre épreuve à laquelle se frottent sans heurts les chanteurs les plus chevronnés. L’artiste qui vient de chanter Vénus dans Tannhäuser sur les planches parisiennes (Opéra Bastille, décembre 2007), prépare Amnéris et Adalgisa… Mais concernant Berlioz, Béatrice Uria-Monzon avoue qu’aucun autre compositeur que lui ne convoque à ce degré de perfection et la précision de la langue et l’expressionnisme musical. Rendez-vous est pris pour en jueger, au Palais des Beaux-Arts (Bozar), le 9 février 2008 à 20h.
Illustration: Hector Berlioz (DR) Béatrice Uria-Monzon (DR)