mercredi 7 mai 2025

Gustav Mahler: 4ème Symphonie. Philippe Herreweghe1 cd Phi. Novembre 2010

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Mahler: Symphonie n°4
(Herreweghe, 2010)


En rien « gaie » ou « légère » comme on le lit ici et là, la 4è Symphonie de Mahler exige plus de subtilité émotionnelle: enchantement, innocence et en fin de développement suggestif, évocation du paradis… Rien que cela. Le chef gantois réussit: il poursuit ainsi son travail mahlérien avec une sensibilité superlative, permise par l’excellence des instrumentistes de l’Orchestre des Champs Elysées. Dans cet enregistrement qui marque la naissance de son propre label (« Phi »), Philippe Herreweghe confirme sa prééminence parmi les maestros, maîtres du timbre et des couleurs…

A sa création munichoise, le 29 novembre 2010, la Symphonie n°4 suscite réprobation et incompréhension: le retour à un cadre classique (Mahler analyse et adapte alors la IXè Symphonie de Beethoven) est perçu sans grande ampleur ni inspiration (Mahler avait créé en 1895 à Berlin sa cataclysmique et spectaculaire 2è Symphonie « Résurrection »); pire, le style paraît vulgaire et indigne du genre. Pour autant la 4è est un ouvrage complexe dont les climats poétiques réapparaissent dans la composition de la 9è Symphonie, comme aime à la préciser Mahler lui-même (dans sa correspondance à Bruno Walter).

Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs Elysées
font paraître chez leur nouveau label Phi, l’enregistrement de l’opus Mahlérien, d’autant plus opportun que tout en relisant la partition sur instruments d’époque et dans le souci du style le plus idoine, la nouvelle version célèbre aussi en 2010, les 150 ans de la naissance du compositeur… avant le centenaire de sa mort en… 2011.

Tempi, phrasé, articulation, vibrato
, choix des instruments sur boyau (organologie), portamenti, style interprétatif font aujourd’hui la marque de l’Orchestre des Champs Elysées, options qui ne visent qu’à exprimer au plus près de ses indications, le contenu spirituel de l’oeuvre pensée par Mahler.
La question philosophique et spirituelle est d’autant plus capitale que la 4ème ferme un premier volet symphonique, une première tétralogie symphonique qui passe par un orage de doutes (1ère), la révélation de l’immortalité (2è), la victoire de l’amour tout puissant (3è). Dans cette perspective, la 4è exprime une vision paradisiaque où la félicité céleste est accessible, comme un avant-goût destiné à l’élu (suspension lumineuse des cordes du 3è mouvement: Ruhevoll: l’horizon s’y étend sans limites).
Musique de jubilation et de vision transcendante, la 4è baigne dans les enchantements et tensions du Knaben Wunderhorn, très proche aussi de Jean-Paul, l’auteur que Mahler affectionne, comme Schumann. Entre sentimentalité et abstraction, clairvoyance et aspirations, Philippe Herreweghe trouve dans une clarté aérienne, le ton juste de la partition. Un témoignage à échelle humaine, une invitation destinée au croyant méritant que les délices servis à la table céleste (dernier mouvement) réconfortent et abreuvent sans limites.
Ce caractère de simplicité sans ironie, de naturel cependant expressif s’inspire des humoresques de tradition germanique: Mahler y explore une volonté nouvelle qui tire l’homme moderne, hors de la malédiction romantique, vers une conscience régénérée qui lui fait revivre cette âme de l’enfance – émerveillement et tendresse préservée- que tout homme devrait cultiver. En somme, l’enfance c’est le berceau de l’humanité, un idéal sans grimaces ni effroi que Mahler a toujours cherché à atteindre par son oeuvre musicale. Tout le climat du dernier mouvement de la 4è en témoigne. Tout prépare à ce balancement hypnotique final, gagné de haute lutte après un dessillement progressif dont rendent comptent les dernières secousses qui parcourent la seconde partie du 3è mouvement: le timbre recueilli au vibrato parfois trop prononcé et systématique de la soprano Rosemary Joshua exprime cette joie émerveillée qui s’inscrit dans les cieux, avec cette intensité et même une urgence qui appelle à jouir de la vision inespérée. Le ton est juste; sa voix se fait invitation et prière, jubilation et célébration. Derrière elle, l’orchestre fait entendre chaque nuance de ces délices descendus du Paradis. Magistral.

Gustav Mahler (1860-1911): Symphonie n°4. Rosemary Joshua, soprano. Orchestre des Champs-Elysées. Philippe Herreweghe, direction. 53 minutes. Enregistrement réalisé à Grenoble, mars 2010. 1 cd Phi: 5 400439 000018 Phi 001

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