lundi 28 avril 2025

Gluck; Alceste, 1776. Bolton, Gens Aix en Provence, du 2 au 13 juillet 2010

A lire aussi
Gluck

Alceste
, 1776
version de Paris

Aix en Provence

Théâtre de l’Archevêché

Les 2, 6, 8, 10 et 13 juillet 2010

Ivor Bolton, direction
Christof Loy, mise en scène
Véronique Gens, Alceste

C’est l’événement du festival aixois 2010 et le grand retour enfin voire la consécration dans son pays, de la soprano Véronique Gens. Hier plus présente sur les scènes étrangères,
la cantatrice qui s’est récemment imposée au disque grâce à ses héroïnes classiques et françaises (Tragédiennes, deux volumes discographiques chez Virgin classics), chante Alceste: un rôle taillé pour ses capacités actuelles. Génie de l’articulation et grandeur tragique sont aujourd’hui les qualités de la diva nationale à laquelle Aix devrait apporter une juste reconnaissance estivale.
Le registre classique, fait de clarté et de terreur, lui va comme un gant: elle a récemment chanté les deux Iphigénies sur la scène de la Monnaie bruxelloise avec un tempérament évident.
Le lugubre et le sombre devrait inspirer à « La Gens » un nouvel accomplissement dans sa carrière. D’autant qu’il s’agit d’une partition forte voire violente, qui possède de véritables splendeurs scéniques et vocales. Alceste est d’abord une oeuvre viennoise, créée au Burgtheater le 26 décembre 1767, faisant allusion à la mort de l’empereur François Ier, décédé en août 1765. Les auteurs développent une longue dédicace à sa veuve, Marie-Thérèse, véritable manifeste d’une esthétique nouvelle.
20 ans plus tard, le compositeur « recycle » son opéra en France où il domine la scène à la demande de la nouvelle et jeune reine, Marie-Antoinette, la fille de Marie-Thérèse. La Cour de France semble donc vivre à l’heure viennoise. L’opéra, 2è manière et en français, est créé au Tuileries, le 23 avril 1776. Gluck révise son ouvrage pour Paris et Versailles: y intègre le personnage d’Hercule (comme dans l’opéra précédent de Lully); on y ajoutera un ballet final, tout aussi funèbre, composé par Gossec, pour mieux plaire aux oreilles parisiennes.
Pourtant le public boude l’opéra, alors qu’il avait applaudi Iphigénie en Aulide et Orphée. Gluck le premier s’en étonne, lui qui en est particulièrement satisfait. La « vérité des passions » n’a jamais été mieux exprimée, ni « l’accent » des sentiments ainsi dévoilés, mieux écrits.


Vérité du drame

Alceste est d’autant plus important qu’elle fixe à Vienne l’esthétique gluckiste, composée de tension et de vérité, d’économie et d’expressivité: tout (écriture du chant et partie d’orchestre) est inféodé à l’essor du drame et à sa sincérité. Plus de cadence, ornements, variations pour mettre en valeur l’ego des chanteurs, plus de concessions à la mode. Seulement l’expression de la nature et la vérité des passions humaines. L’ouverture offre aux spectateurs, « l’argument », une annonce de la coloration générale du drame à venir. Pour servir l’idéal défendu par Gluck, le poète et librettiste Ranieri de’Calzabigi, qui a écrit précédemment Orfeo (1762) poursuit son travail pour Alceste (1767). Cette quête d’unité, de clarté, de grandeur et surtout de vérité comme de naturel, Gluck l’apprit à Vienne, du Comte Durazzo, directeur du Hoftheater qui l’initie aux opéras comiques français: les chanteurs y doivent être des acteurs. Pour la 2è version française, Gluck demande à Roullet d’adapter le livret qui compte de nombreuses coupures vis à vis du texte originel italien, comme l’invocation à Vesta qui précédait à la fin du II, l’adieu de la mère à ses enfants.


Synopsis

Acte 1. En Thessalie, le roi Admète décline: sa fin approche. Son épouse Alceste implore les dieux, réclame leur clémence et invite à un sacrifice en l’honneur d’Apollon: l’imploration et la douleur sont les caractères d’Alceste qui choisit d’offrir sa propre vie quand la statue d’Apollon s’anime et déclare qu’Admète est perdu sauf si quelqu’un prend sa place.

Acte 2. Admète guérit. Alceste paraît et lui révèle sa décision qui suscite la colère de son époux: il ira lui-même se livrer aux Enfers. Trop tard, Alceste fait déjà ses adieux à la vie, à ses enfants et ses proches.

Acte 3. En Thessalie à Phère, Hercule se repose après la réalisation de ses travaux. Il apprend le sort d’Alceste et décide de la chercher aux Enfers pour l’en délivrer. Mais il y retrouve Alceste et Admète qui exhorte sa femme à se reprendre. Hercule parvient à sauver les deux souverains. Apollon touché par tant de loyauté et de courage, loue l’amour des deux héros, la vaillance d’Hercule. Apothéose collective et fêtes finales.

Berlioz en 1861 pour Pauline Viardot reprend l’opéra de Gluck et lui offre quelques aménagements qui souligne la grandeur de l’ouvrage. Les productions plus récentes de Serge Baudo (Munich, 1982 avec Jessye Norman, vraie grande tragédienne et Niccolai Gedda), puis celle de Gardiner au Châtelet avec Anne Sofie Von Otter en 1999, ont marqué le retour d’Alceste sur la scène, tout en défendant la cohérence de la version française.

Lire aussi l’excellent dossier spécial Alceste de Gluck (version de 1776) édité en juin 2010 par l’Avant Scène Opéra (n°256).

Illustrations: Gluck, Alceste par Pierre Peyron, 1785 (DR)

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