Giacomo Puccini
Turandot, 1926

Franco Zeffirelli, mise en scène
partition inégale, d’autant qu’il laissa après sa mort (Bruxelles, 1924)
un ensemble de manuscrits autographes qui ne bénéficièrent d’aucune
révision finale de la part de leur auteur. On sait aussi avec quelle
autorité Toscanini maltraita le compositeur Franco Alfano désigné pour
compléter et terminer l’ouvrage.
Attraits d’une partition inachevée
L’idée d’un Puccini, faiseur de mélodies faciles et sirupeuses, dans la
lignée des véristes larmoyants, a vécu. C’est le fruit d’une lecture
superficielle.
Il faut au contraire le tenir comme un concepteur d’avant-garde,
soucieux certes d’airs clairement mémorisables mais aussi d’harmonies
innovantes. Son opéra Turandot ne le montre pas: il affirme l’ouverture et la sensibilité d’un auteur visionnaire dont l’avancée du style voisine avec Berg (Wozzek) et Prokofiev (l’amour des trois oranges).
D’autant que Turandot est le dernier ouvrage sur lequel le
compositeur s’obstine. Commencé en 1921, laissé inachevé –Puccini meurt à
Bruxelles en 1924-, l’épopée chinoise, sentimentale et héroïque, mêle
tous les genres d’une grande machine : sincérité émotionnelle (le
personnage de Liù), saillie comique (les trois ministres Ping, Pang,
Pong), fresque collective (chœurs omniprésents), trame tragico-amoureuse
(le couple des protagoniste Turandot/Calaf)…
L’œuvre est d’autant plus intéressante qu’elle est parvenue incomplète,
donnant d’ailleurs crédit aux critiques injustes qui aiment souligner
l’incapacité de l’auteur sur le plan de l’écriture, à vaincre une
partition et un sujet dont la « sublimité » dépasserait ses possibilités
musicales.
Le grand oeuvre
Gageons que, s’il avait disposé de plus de temps, l’auteur de Madame Butterfly, de La Bohême ou de Manon,
aurait su trouver la juste conclusion à la partition qu’on a déclaré
depuis, « impossible, infaisable, irréductible » à toute forme
conclusive…
Quoiqu’il en soit, Puccini souhaitait dans Turandot, mêler
féérie exotique et action héroïque, fantastique et onirisme. Il donnait
ainsi sa proposition du grand œuvre lyrique, à l’instar d’Aïda de Verdi, dont la découverte et l’écoute subjuguée, auraient décidé de sa vocation comme compositeur d’opéra.
Des avatars et divers arrangements avec la partition léguée par
Puccini, l’oreille avisée reconnaît in fine, l’assemblage maladroit. En
particulier, à partir de l’ajout d’Alfano, après la dernière portée
autographe du compositeur (la fin de l’air de Liù)… Tout cela s’entend
et se voit aujourd’hui dans les productions de Turandot. Il n’empêche
que la fresque exotique et ses superbes assauts orchestraux – d’une
audace et d’une modernité sous-évaluées à notre sens – confirment la
valeur d’une oeuvre à part. Inachevée mais puissante, plus moderniste
qu’on l’a écrit, son déséquilibre structurel, en particulier dans la
dernière partie, révèle une oeuvre à (re)connaître d’autant que sa
popularité ne s’est jamais démentie.
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Créé à Milan, Teatro alla Scala, le 25 avril 1926, drame lyrique en 3 actes, achevé par Franco Alfano
(1876-1954) sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni.

Avec Maria Guleghina, Luis Octavio Faria, Salvatore Licitra… Pour ses 88 ans, le festival lyrique des Arènes de Vérone qui est ce que sont les Chorégies d’Orange pour l’été en France, produit une nouvelle production du dernier opéra de Puccini, terminé par Franco Alfano sous la dictée éprouvante de Toscanini. Captation événement.