mardi 6 mai 2025

Giacomo Puccini: Madame Butterfly, 1904 France Musique, en direct du Met. Samedi 7 mars 2009 à 19h

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Giacomo Puccini
Madama Butterfly
,

France Musique
Opéra en direct du Metropolitan Opera de New York
Samedi 7 mars 2009 à partir de 19h


Vague japoniste

Juillet 1853, les Etats-Unis pressant efficacement le gouvernement japonais, obtiennent d’établir à partir du port de Nagasaki, une présence accrue et un réseau de comptoirs commerciaux dans un pays jusque là fermé vers l’extérieur.
Pour l’Expo Universelle de 1862, les objet japonais deviennent sujets à une véritable mode, un engouement profond qui influence jusqu’aux courants artistiques les plus avant-gardistes, des impressionnistes à l’art subtil et réaliste de Degas. Monet, Manet, Van Gogh, Cézanne doivent beaucoup à l’art du cadrage japonais, aux couleurs des paravents, au sens particulier de la séquence temporelle comme de la narration…
Autant de symptômes témoignant d’une vive curiosité pour l’Extrême-Orient et à laquelle souscrit aussi l’article développé de John Luther Long, en 1898, intitulé « Madame Butterfly ». Le sujet s’inspire d’un anecdote véritable transmise par la soeur de l’auteur, Sarah Jane Correl qui séjourna en tant qu’épouse d’un missionnaire chrétien à Nagasaki: elle y assista à la trahison d’un officier américain faite à une jeune geisha, que l’occidental hypocrite avait achetée pour 40 dollars, et à laquelle, après l’avoir abusée, il promit de revenir… sans jamais exaucer sa promesse.
Est ce à dire allusivement que l’engouement des américains pour le Japon ne devait se développer qu’au bénéfice d’un seul parti? Celui des « conquérants commerciaux », au détriment de la population locale… Toute relation américano-japonaise ne devait-elle se solder par définition que dans la trahison faite à des êtres « conquis », séduits et trompés, trop naïfs? Dans la réalité, la jeune fille qui avait tenté de se suicider par dépit, est sauvée par sa servante Suzuki. Montée à Broadway en 1900, la figure de Butterfly est dramatisée: elle se tue à la fin, ne laissant aucune alternative à l’évolution de l’idylle dérisoire.

De Butterfly à Chrysanthème, de long à Loti
Il y a assurément une vision infantilisante dans le tableau. La finesse de Puccini, qui reprend la nouvelle de Long, sait écarter l’anecdote pour ne s’intéresser qu’au portrait de son héroïne, Cio-Cio-San, âgée à peine de 17 ans dont le romantisme juvénile fonde la nature tragique, cette facilité au sacrifice et au don total. A Londres, en juin 1900, alors qu’il supervise la première anglaise de Tosca, Puccini assiste à la représentation de Madame Butterfly au Duke of New York’s Theatre de St-Martin’s Lane. Le compositeur qui ne comprenait pas réellement l’anglais, fut saisi par le tableau de la veille de Cio-Cio-San, et la scène magique, du crépuscule à l’aube, magnifié visuellement par les effets permis par l’électricité, alors énergie nouvellement maîtrisée pour les arts de la scène.


Sada Yacco, première Butterfly

Les droits acquis (mars 1901), Puccini se met au travail avec son librettiste Illica. Les deux « inventent » tout un prologue (l’acte I), où la présentation des fiancés et le portrait de la société japonaise sont directement inspirées des descriptions fournies par Pierre Loti dans Madame Chrysanthème: les premiers tableaux, d’exposition », portent l’espérance et la vivacité du regard défricheur confronté à un nouveau monde, quand les deux actes suivants sont dans l’esprit de l’action sentimentale et tragique, plus « sucrés », d’un lyrisme en partie affecté voire maniéré.
Puccini et ses deux librettistes (Illica et son fidèle collaborateur, Giacosa) fouillent le portrait de Pimkerton, insiste sur ses remords et sa culpabilité finale, comme sur le rôle du baryton, bon garçon, Sharples, le consul américain, qui tente, en vain, d’éviter la catastrophe.
Pour enrichir la figure de Cio-Cio-San, Puccini voyage au Japon, mais surtout se souvient des performances scéniques de Sada Yacco (1871-1946), véritable geisha et actrice tragique expressionniste: chaque scène de Seppuku, (suicide), offre un coktail détonant de révulsion crue et de délicatesse hyperféminine, savamment orchestrées par l’actrice mémorable. Le compositeur utilise même la mélodie que l’actrice jouait en s’accompagnant au koto à 13 cordes, « le lion d’Echigo » quand Butterfly apparaît au I. Au final pas moins de 9 airs japonais de Sada Yacco furent ainsi intégrés dans la partition puccinienne.

La composition prend du temps. Puccini se remet d’une idylle vécue avec une étudiante de 20 ans sa cadette (!), découverte par son intraitable épouse… Il subit aussi un accident de voiture et conserve une jambe dans le plâtre… Commencée en février 1903, la partition ne sera achevée qu’en décembre 1903 (le 27). Le compositeur demande au dernier moment à ses librettistes de concentrer au maximum l’action, se souvenant certainement des spectacles fulgurants de l’actrice Yacco, capable d’emporter la tension d’un drame tragique en seulement 40 minutes. La première est prévue le 17 février 1904.
C’est l’un des plus grands fiascos de l’histoire de la Scala, orchestré par l’éditeur Sonzogno, rival de celui de Puccini, Riccordi.
Puccini reprend son ouvrage et lui ajoute l’air du ténor coupable (Addio, fiorito asil!), ce qui équilibre la galerie des portraits. Repris 3 mois plus tard à Brescia, Madame Butterfly est enfin applaudi à sa juste valeur, et portée en triomphe. Le public avait reconnu sous le prétexte oriental (finement ciselé à l’orchestre), l’aboutissement de la typologie des héroïnes pucciniennes: Cio-Cio-San offre un rôle subtil associant ivresse tendre et détermination tragique.
C’est une femme apparemment faible que le rituel du suicide inscrit d’emblée parmi les martyrs les plus bouleversants de la passion amoureuse.

Opera de New York. Patrick Summers, direction. Cristina Gallardo-Domas (Cio-Cio-San), Marcello Giordani (Pimkerton)

En direct du Metropolitan Opera de New York,
et en simultané avec l’Union européenne de radios
Giacomo Puccini
Madame Butterfly

Opéra en trois actes sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
Cristina Gallardo-Domas : Cio-Cio-San, Madame Butterfly
Maria Zifchak : Suzuki, sa femme de chambre
Marcello Giordani : F.B. Pinkerton, Lieutenant de l’US Navy
Dwayne Croft : Sharpless, Consul US à Nagasaki
Greg Fedderly : Goro, un courtier de mariage
David Won : Prince Yamadori
Dean Peterson : le Bonze, oncle de Cio-Cio-San
Stephen Paynter : Yakuside, oncle de Cio-Cio-San
Keith Miller : le Commissaire Impérial
Christian Jeong : l’officier d’état civil
Linda Mays : la mère de Cio-Cio-San
Jean Braham : la tante
Laura Fried : le cousin
Edyta Kulczak : Kate Pinkerton
Tom Lee : l’enfant de Cio-Cio-San
Metropolitan Opera Chorus,
dirigé par Donald Palumbo
Metropolitan Opera Orchestra
Direction : Patrick Summers

Illustrations: Giacom Puccini (DR, l’actrice Sada Yacco (gouache de 1901)

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