jeudi 8 mai 2025

Georges Bizet: Djamileh, 1872 (Compiègne, 2005) TF1, mercredi 17 février 2010 à 3h30

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Georges Bizet
Djamileh
, 1872


TF1
Mercredi 17 février 2010 à 3h30

Compiègne, octobre 2005)

Evénement lyrique sur TF1: l’opéra méconnu et pourtant splendide de Georges Bizet, Djamileh, composé comme l’Arlésienne en 1872, joué ici dans la mise en scène de Pierre Jourdan et enregistré à Compiègne en octobre 2005. La passion amoureuse qui embrase le coeurs des trois protagonistes permet de regrouper une distribution vocale défendue par 3 jeunes chanteurs: Marie Gautrot dans le rôle-titre(Djamileh), Sébastien Guèze (le Prince Haroun) et le baryton si talentueux au timbre suave et à la diction parfaite, Armando Noguera (Splendiano).

Djamileh est l’une des dernières œuvres lyriques du compositeur Georges Bizet (1838-1875) avant la célèbre Carmen, partition ultime et scandaleuse créée en 1875. Inspiré de Namouna, l’un des premiers poèmes d’Alfred de Musset, cet opéra en un acte aborde l’orientalisme à la mode (comme Bizet l’avait précédemment fait dans Les Pêcheurs de Perles): il réalise les fantasmes du XIXè en suscitant l’action comme un rêve d’Orient. L’histoire de l’esclave Djamileh éprise de son maître égyptien Haroun permet au compositeur de colorer davantage, avant Carmen et sa nature « africaine » (d’après Nietzsche), une écriture à la fois claire et suggestive où l’orchestre, miroir des pulsions souterraines, est aussi important que le chant des acteurs. Bizet donne de la profondeur à ses personnages… préludant l’épaisseur énigmatique des caractères de Debussy dans Pelléas.

Djamileh, 1872
Opéra-comique en un acte de Georges Bizet
Poème de Louis Gallet

Direction artistique et mise en scène Pierre Jourdan
Orchestre français Albéric Magnard
Sous la direction de Miguel Ortega
Chef de chant : Frédéric Rouillon
Chœur Fiat Cantus dirigé par Samuel Jean

Lumières : Thierry Alexandre
Scénographie et Costumes : Jean-Pierre Capeyron
Chorégraphie : Jean-Hugues Tanto
Réalisateur : Pierre Jourdan

Djamileh, Marie Gautrot
Prince Haroun, Sébastien Guèze
Splendiano, Armando Noguera


Saluons TF1 de nous offrir ce beau moment musical, même à une heure aussi tardive (ou aussi matinale). La chaîne commerciale aurait-elle pris le pari du spectacle vivant de qualité, exigent et défricheur, où l’opéra est mis en avant? On ne peut que s’en réjouir… Le 23 décembre 2009, la diffusion de l’opéra La Dame de Pique sur TF1 avait réussi à fidéliser près de 350 000 téléspectateurs soit 20.9% de part d’audience, de surcroît à 2h15. (Source Médiamétrie : 4 ans et plus). Pari de programmation à suivre dans nos colonnes.

Envoûtante Djamileh

Après Noé (1869), L’Arlésienne (1872), Djamileh écrit en 1872, précède Carmen (1875). L’esclave envoûtante préfigure déjà la saveur vénéneuse et radicale de la Cigarière.
Djamileh marque en 1872, un sommet dans l’inspiration de Bizet… qui écrit à la même période l’admirable musique de scène d’après Daudet, pour l’Arlésienne (dont le chambrisme ciselé faisait l’admiration de Massenet). Trop en avance sur son temps, audacieux et original par son orchestre et les raffinements de sa texture, Djamileh comme Carmen sont des fours retentissants qui souligne le décalage entre la modernité du compositeur et les attentes du public. Bizet ne s’en remettra pas et meurt quelques semaines après la création désastreuse de Carmen en 1875.

Créée le 22 mai 1872, Djamileh bouscule les habitudes des abonnés de l’Opéra-Comique: la partition est immédiatement taxée de laideurs, d’étrangetés… de sonorités déconcertantes (les critiques dénoncent le malaise que suscitent les stridences harmoniques, « les miaulements chromatiques »). La simplicité « primaire » de l’action détone face aux livrets aux actions accumulées/simultanées de Scribe.
Bizet se concentre sur l’intensité de l’action psychologique: la force du sentiment amoureux qu’éprouve le prince Haroun pour Djamileh.
L’écriture approfondit la riche texture diaprée dont le raffinement exprime cet orientalisme rêvé par le compositeur comme source d’enchantement et de désir. Au désir de possession, il mêle aussi d’autres sentiments qui renforce la vérité des personnages, leur profondeur énigmatique: solitude, inquiétude, doute, désarroi. Autant de vertiges qui sont désormais le lot des âmes éprises ou « possédées » par leurs obsessions en tour irrésistible (ce que réalisera davantage encore Debussy dans Pelléas). Opéra majeur.

Lire notre avis sur Djamileh de Bizet au Théâtre impérial de Compiègne

Illustrations: Djamileh © Compiègne 2005

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