lundi 5 mai 2025

Georges Bizet, Carmen (1875)Mezzo, du 5 au 25 mai 2007

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Georges Bizet
Carmen
, 1875

Le 5 mai 2007 à 20h45
Le 6 mai 2007 à 13h45
Le 15 mai 2007 à 15h35
Le 18 mai 2007 à 4h19
Le 25 mai 2007 à 15h40

Q’une partition froidement accueillie au moment de sa création parisienne en mars 1875, connaisse après la mort de son auteur, un succès fulgurant, donne toujours à réfléchir. Il faut donc un délai entre la première d’une oeuvre et sa juste compréhension auprès des publics. « Carmen est un chef-d’oeuvre dans toute l’acceptation du mot, c’est à dire une des rares créations qui traduisent les efforts de toute une époque musicale »… affirme Tchaïkovski, admirateur visionnaire en 1876, qui voyait donc dans Carmen, l’image sublimée et synthétique de la France d’après la défaite de 1870 contre l’Allemagne; une époque où composer à la Wagner n’était pas bien vu, où Nietzsche, après Tchaïkovski, reconnaît logiquement dans la partition de Bizet, cette alternative salvatrice, non wagnérienne, qui offrait (enfin), un nouveau modèle, latin voire « africain », une solution incontestable pour les arts de la scène…

La gitane n’est pas qu’une fumeuse de tabac et une mangeuse d’hommes: elle incarne la revanche sur la scène de l’orgueil français dont l’esprit et la vitalité sont demeurés intacts. Le jour de la première, le 3 mars 1875, Bizet reçoit la légion d’honneur. Pourtant le public de l’Opéra-Comique restera hors d’enthousiasme. Contradictions d’une époque, celle de la III ème République, qui cherche encore ses modèles culturels. Le personnage de Micaëla, pure invention des librettistes de Bizet, Meilhac et Halévy, illustre l’art des flonflons décoratifs et de la morale puritaine de la II ème République qui aimait les icônes pures et vierges… La blonde navarraise contraste avec le teint halé et mat de la ténébreuse gitane andalouse. Cette opposition est aussi, aux côtés du couple Carmen/Don José, un aspect non négligeable de la fable psychologique. Elle offre deux visages de femmes amoureuses, deux attitudes philosophiques vis à vis du destin qui fondent aussi la portée universelle de l’ouvrage: d’un côté, le respect de l’ordre; de l’autre, le désir violent de le transgresser pour accomplir son propre destin. Individu/Société: vaste question, si souvent abordée à l’opéra, sans trouver jamais de juste résolution.

La production berlinoise. Barenboim, maître à bord, en son opéra Unter den Linden (sous les tilleuls), dirige avec fougue et passion, pas toujours subtilité. A défaut de transparence et de poésie, sanguinité latine et expressivité canalisent une action dure et violente qui dans la mise en scène de Martin Kusej est transposée dans une ancienne république communiste corrompue. L’idée du bunker qui tourne sur lui-même, permettant le passage des scènes collectives aux confrontations plus intimes (Micaëla/Don José, Carmen/Don José), finit par lasser… Beaucoup d’idées (dont une conclusion qui cite Goya et son tableau « Tres de Mayo ») mais comme souvent pas vraiment de lignes de forces, d’autant que souvent, dans les scènes de foules, la confusion règne et les choristes sont loin de « posséder » l’abattage du français. En dépit de ces quelques réserves, les solistes phares, Marina Domashenko dans le rôle-titre, surtout Rolando Villazon dans celui de Don José hissent la production à son meilleur: plastique fantasmatique, voix opulente et sombre pour la première; implication envenimée et radicale pour le second: ces deux là permettent assurément à la lecture de ne pas s’enliser dans la lourdeur ni la caricature. A voir évidemment pour l’incarnation dramatique des deux protagonistes qui ont pour eux, la juvénilité et l’intensité scénique…

Berlin, Staatsoper Unter den Linden. Marina Domashenko (Carmen), Rolando Villazon (Don José), Norah Amsellem (Micaëla)… Choeur de l’Opéra de Berlin, Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim, direction. Mise en scène: Martin Kusej. Réalisation: Don Kent. 2006.

Illustration
Le Caravage, la diseuse de bonne aventure (DR)

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