jeudi 8 mai 2025

Genève. Grand Théâtre, le 13 mai 2011. Verdi : Les Vêpres Siciliennes. Malin Byström, Fernando Portari, Tassis Christoyannis… Yves Abel, direction. Christof Loy, mise en scène

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Evènement très attendu dans le monde lyrique européen, cette reprise genevoise des Vêpres Siciliennes de Verdi dans la langue de leur création (français) a déjà été présentée à Amsterdam en septembre 2010.
Créé à Paris le 13 juin 1855 à l’Opéra de Paris, l’œuvre montre la polyvalence du talent de Verdi. Les Vêpres sont composées dans le style du « grand opéra français » en vogue à cette époque, dans une continuité dramatique et musicale, avec quelques airs, mais peu séparables du reste de l’action, dans une densité architecturale, qui peut surprendre les aficionados des pièces antérieures du compositeur.

Le livret de Scribe, prolifique librettiste de cette période de l’opéra français, narre, au milieu de l’occupation sicilienne par les Français en 1282, l’histoire de la duchesse Hélène, sicilienne, qui cherche à venger son frère tué par les Français; de plus, elle est éprise du franco-sicilien Henri, qui se révèle être le fils du détesté Guy de Monfort, gouverneur français installé à Palerme. Hélène et les siens tentent d’assassiner Monfort, mais Henri les en empêche et la garde les arrête. Condamnés à être exécutés, ils sont graciés par Monfort, alors qu’Henri le reconnaît enfin comme son père. Quand le récit s’achève, les cloches du mariage d’Hélène et Henri, ont du mal à couvrir les bruit barbare du massacre des Français par les Siciliens.
Point culminant de la saison du Grand Théâtre de Genève, la production fait malheureusement les frais de la mise en scène glaciale de Christoph Loy. Déplaçant curieusement l’ouverture au début du second acte, volontairement sombre et dépouillée, éclairée par la lumière crue des néons, mêlant Français et Siciliens jusqu’à la confusion, sa scénographie, si elle ne soulève pas l’enthousiasme, dérange peu – la mort de Procida par injection létale à la fin du quatrième acte se révélant malgré tout bien inutile, surtout pour le voir revenir un acte plus loin en fantôme raté – jusqu’à un cinquième acte à l’atmosphère bourgeoise et kitsch insupportable, n’évitant ni le papier peint jauni et fleuri, ni le téléviseur années 50, pas plus que la grossesse d’Hélène durant son boléro, et encore moins le landau que pousse Henri durant sa romance…

A tel point que la destinée tragique des personnages … indiffère et ennuie. Une impression finale – plutôt mitigée-, qui se voit renforcée par une partie de la distribution.
Si les seconds rôles sont bien tenus, avec une mention spéciale pour Christophe Fel, toujours impeccable, le Procida de Belint Szabo se révèle étranger au style français, à l’émission lourde et engorgée, comme beaucoup de basses aujourd’hui, phrasant difficilement son air du premier acte.
Valeureux mais dépassé par la vaillance du rôle, Fernando Portari se débat comme un beau diable dans la tessiture difficile d’Henri, concentré qu’il est sur sa diction, qu’il soigne autant qu’il peut, et sur ses aigus, qu’il atteint toujours, mais au prix d’un violent serrage laryngé. Il surprend dans sa romance du cinquième acte, semblant alors sur un terrain vocal familier et flatteur, phrasant à loisir en voix mixte, couronnant même cet air d’un superbe contre-ré en falsettone. Sans doute son plein épanouissement se situe-t-il davantage dans un répertoire plus léger, demandant moins d’héroïsme et davantage de finesse.
Doté d’un superbe instrument, puissant, corsé et velouté, Malin Byström démontre de belles qualités dans le rôle d’Hélène, notamment au quatrième acte où, dans sa prière, elle déploie de superbes piani, un legato parfaitement maîtrisé et une faculté à triller qu’on ne lui soupçonnait pas, avec une netteté de diction qu’elle n’a pas toujours durant la représentation. En revanche, le boléro exige d’elle une longueur de voix qu’elle ne possède pas, notamment dans le grave, sourd et privé de résonance.
S’imposant dès ses premières notes, le Guy de Monfort de Tassis Christoyannis est le grand triomphateur de la soirée. Magnifique baryton lyrique, s’il ne possède pas exactement toute la largeur vocale exigée par la partition, il chante le rôle mieux que bien des barytons Verdi aujourd’hui. Puissante, percutante, parfaitement placée, superbement timbrée sur toute la tessiture, sa voix franchit sans effort l’orchestre et emplit la salle. De plus, il déploie tout son art du chant, notamment dans sa scène de l’acte 3, avec un legato de grande école, un sens rarissime des nuances, jusqu’à des messe di voce impressionnantes dans leur réalisation. Sa diction française, ciselée avec une précision absolue, est en outre un modèle du genre, la meilleure du plateau, allant jusqu’à donner une leçon à tous. On attend à présent avec impatience son futur Posa dans la version française, dans lequel il serait absolument idéal.
Saluons également des danseurs drôles et efficaces qui, dans une chorégraphie de Thomas Wilhelm, donnent vie au ballet « Les Saisons », passage obligé dans le « grand opéra », ici transformé en rêverie d’Henri revivant son enfance. Le Chœur du Grand Théâtre n’est pas en reste, impressionnant de puissance et de cohésion, mais à la diction parfois perfectible.
Comme souvent étouffé par la fosse, l’Orchestre de la Suisse Romande apparaît superbe de sonorité, mais sans arêtes, comme amorphe et se bornant à accompagner les chanteurs. A sa tête, Yves Abel semble faire de son mieux pour animer la soirée, qui pourtant comporte quelques longueurs.
Si le public a bruyamment manifesté son mécontentement à la fin du deuxième acte, le rideau final l’a trouvé plus enthousiaste, applaudissant les protagonistes de cette reprise certes en demi-teinte, mais néanmoins importante.

Genève. Grand Théâtre, 13 mai 2011. Giuseppe Verdi : Les Vêpres Siciliennes (version française). Livret d’Augustin Eugène Scribe et Charles Duveyrier. Avec Hélène : Malin Byström ; Henri : Fernando Portari ; Guy de Montfort : Tassis Christoyannis ; Jean Procida : Balint Szabo ; Le Sire de Béthune : Jérémie Brocard ; Le Comte de Vaudémont : Christophe Fel ; Ninetta : Clémence Tilquin ; Danieli : Fabrice Farina ; Thibault : Hubert Francis ; Robert Guillaume Antoine ; Manfroid : Vladimir Iliev. Chœur du Grand Théâtre de Genève. Orchestre de la Suisse Romande. Yves Abel, direction musicale. Mise en scène : Christof Loy ; Décors : Johannes Leicaker ; Costumes : Ursula Renzenbrink ; Lumières : Lumières : Bernd Purkrabek ; Chorégraphie : Thomas Wilhelm ; Vidéo : Evita Galanou et Thomas Wollenberger ; Direction des chœurs : Ching-Lien Wu

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