samedi 26 avril 2025

Frédéric Chopin: Les Nocturnes. Tribune des critiques de disques. France Musique, dimanche 16 mai 2010 à 10h

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Frédéric Chopin


Nocturnes

Quant on lit une partition manuscrite de Frédéric Chopin, le regard est frappé par le nombre d’annotations concernant la pédale, les dynamiques, le tempo, le caractère. Chopin était un perfectionniste qui avait une idée très concrète de la sonorité idéale; il savait exactement quel jeu pouvait y mener… On sait que arrivé à Paris en 1831, il ne devait plus quitter la capitale française… quand Londres devait être le point final de son exil hors de Pologne. A Paris, Chopin découvre et convainc un public: il croise le chemin des plus grands compositeurs de son temps. A Paris, il rencontre par l’intermédiaire de Kalkbrenner, virtuose du clavier, le facteur d’instrument Camille Pleyel: Chopin ne fait pas que jouer sur les instruments qui lui sont prêtés: il élabore son esthétique sonore à partir des possibilités de la mécanique Pleyel (enfoncement, timbre et puissance des notes par registre…).

Quand il s’éloigne de Paris, -où il préfère donner des leçons de piano, depuis son pianino, son élève étant sur le piano-, Chopin rejoint sa maîtresse George Sand à Nohant pour y discuter avec… le peintre Delacroix d’esthétique, de résonance, de texture diffuse, d’atmosphère flottante et indistincte que seul permet le mélange des couleurs… Chopin aimerait atteindre en musique cet idéal sonore et poétique, d’où cette exigence dans le jeu choisi, d’où ce raffinement de plus en plus complexe et riche dans la construction et l’essor harmonique.

Les Nocturnes offrent un cadre rêvé pour cette recherche spécifique de la couleur, prélude au monde de Debussy. La musique de Chopin naît d’une nécessité intérieure, introspective, ténue, allusive et crépusculaire. Quand la main gauche veille à la régularité inflexible de la pulsation rythmique, la main droite peut s’autoriser le rubato, avec une liberté mesurée… ni alanguissement, ni exagération. De la sincérité et de l’équilibre. Le compositeur-pianiste n’a cessé de développer une relation affective et intime avec l’instrument. « Grâce capricieuse », « finesse », « originalité », « hardiesse harmonique » et « suavité mélodique » écrit Berlioz subjugué… Mode du murmure et de la confession (ce qui ne signifie pas absence de violence ou d’ardeur), où le silence a autant de force que la note… Le contraire de la musique tapageuse et démonstrative du roi des salles de concerts, Liszt, son contemporain et néanmoins ami.

France musique

La tribune des critiques de disques


Dimanche 16 mai 2010 à 10h

Illustration: Chopin : portrait par Gallait vers 1846 (DR)

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