mardi 29 avril 2025

Festival Toulouse les orgues. Les facteurs en folie. Vendredi 12 octobre 2007.

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« Les facteurs en folie »

Heureuse idée que de confier aux facteurs et non plus aux organistes, le soin de faire entendre la puissance et l’éloquence des instruments. A ceux qui d’ordinaire soignent et restaurent les prodigieuses machines, revient le plaisir du jeu en partage. En ce vendredi 12 octobre, de 14h30 à 19h30, cinq facteurs nous font partager leur passion. Le programme offre une diversité de manières et aussi l’occasion pour le visiteur de parcourir la ville, à pied, associant désormais en une alliance rare qui suscite l’alliage des sens, l’ouie et le regard, la musique et l’architecture. Car chaque concert d’orgue est une opportunité pour éprouver aussi la musique dans/par le lieu et son espace. Parmi nos découvertes, relevons quelques instants passionnants.

Jean-Marie Tricoteaux
, dans la nef muséale des Augustins, est un facteur normand formé à Strasbourg dont le travail s’est concentré sur l’harmonisation des tuyaux. Le spectateur peut contempler l’instrument qui lui fait face, orgue de tribune, reposant sur deux colonnes doriques. De Sweelink à Buxtehude, l’instrument de facture moderne succédant à un instrument de Rabiny de 1766, est dans le style de l’Allemagne du Nord. Spectaculaire cabinet en bois et métal, son ampleur, unique en France, est adaptée à la vastitude de la nef. Sous les doigts de Jean-Marie Tricoteaux, l’instrument restitue la pompe et la grandeur du Praembulum de Schneidemann (1595-1663), le relief et l’agilité des flûtes de la Canzona de Tunder (1614-1667), plusieurs pièces de Buxtehude dont on n’entendra jamais assez la divine harmonie, en particulier en 2007 qui marque le tricentenaire de la mort du « Maître de Lubeck ». Les entrelacs dans la joie de la Fuga en ut (BuxWV 174) ont pleinement manifesté le génie contrapuntique de celui qui fut le maître du jeune Jean-Sébastien Bach.

A quelques pas des Jacobins, direction la Chapelle Sainte-Anne où Jean Daldosso, auquel nous devons d’avoir restauré l’orgue de la Cathédrale de Murcia en Espagne, nous offre un récital du romain Girolamo Frescobaldi (1583-1643), entre autres, dont l’expertise se mesure dans quelques extraits des Fiori Musicali. La configuration de la Chapelle nous place face à l’autel dédié à la Vierge, et donc dos à l’orgue. L’exercice est profitable à l’imaginaire: sans exposition frontale à l’instrument, l’esprit vagabonde. Il s’ouvre d’autant plus aux courbes de l’architecture sonore qui nous environne.

Nouvelle pérégrination pédestre: à quelques mètres depuis les portes de la Chapelle, nouvelle introduction dans l’immense espace intérieur de la Cathédrale Saint-Etienne. L’orgue sur lequel se prépare Pascal Quoiron, originaire d’Avignon, est d’une toute autre disposition: comme suspendu au-dessus de la foule, placé en nid d’hirondelle, comme perché à plusieurs mètres au-dessus des festivaliers. Là encore, la disposition d’écoute favorise l’imaginaire, d’autant mieux indiquée quand il est question, comme ici d’apprécier et de mesurer les qualités sonores de l’instruments au travers de ses multiples jeux, au cours de cet exercice libre en forme « d’improvisations« . Le facteur, micro en main, explique en mots simples et imagés les performances de son instrument, un monument musical dont il a fallu tout d’abord gravir les 80 marches le séparant du niveau terrestre. Pour porter et nourrir un son plein et fourni comme ici, il faut savoir prendre de la hauteur. Le musicien en fin connaisseur de sa bête, fait entendre la richesse des timbres, bourdons et cromornes particulièrement saillantes. L’orgue est emblématique de la facture française, soucieuse des timbres et des couleurs, des effets contrastés aussi. Pascal Quoiron nous fait écouter la vitalité stimulante des hautbois (plénitude et détaché), ce jeu typique aussi qui imite les tremblements de la voix (!), sans omettre la saillie percutante des trompettes… Superbe leçon de musique, accessible et vivante.

Festival Toulouse les orgues. Les facteurs en folie. Vendredi 12 octobre 2007.

Approfondir

Visitez le site du Festival Toulouse les orgues, en particulier, reportez-vous à la rubrique « Patrimoine » où toutes les qualités musicales et l’historique de chaque instrument sont longuement commentées.

Crédit photographique
L’orgue de la nef muséale des Augustins de Toulouse (DR). Grégoire Rabiny livra pour l’ancien couvent des Augustins un orgue vers 1766. Après la révolution, l’ensemble conventuel devient musée et l’orgue disparu est reconstruit grâce à l’initiative de Xavier Darasse, dans le style de l’Allemagne du Nord. Le nouvel instrument est fabriqué par le facteur Jürgen Ahrend.

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