Tarentaise Baroque (73)
Entre 25 juillet et 10 août 2007
Un festival « itinérant », dont les lieux de concerts – le plus souvent chapelles et églises – sont liés au baroque. Une montagne où hautes et moyennes vallées s’articulent autour du fleuve Isère à ses débuts (Tarentaise). Un art venu d’Italie. Une programmation évidemment à dominante baroque, mais qui rejoint aussi le médiéval et le classicisme….
Baroquissime en montagne
Doctrine esthétique du Concile de Trente (« post-tridentine », pour employer le vocabulaire d’Eglise), sanctuaires-halles, plan centré avec dôme, adaptation des chevets au fond plat pour y loger un rétable : les spécialistes ont leurs termes, leurs questions, leurs débats…mais leurs admirations, plus discrètement exprimées que celles du « troupeau des fidèles » (devenu aussi et majoritairement le troupeau des touristes), ne peuvent que prendre en compte le caractère spécifique d’un art baroque de Tarentaise, aux XVIIe et XVIIIe. Ce qui étonne parfois le visiteur de ces églises et chapelles de la haute Vallée d’Isère et de ses embranchements d’altitude, c’est l’aspect baroquissime des architectures intérieures et de leur décoration –rétables, peintures et stucs de voûte, statuaire… « Hyper-italien ! ». Eh oui, puisqu’une partie des artistes venait de l’autre côté des crêtes, du Piémont et plus généralement de cette Italie dont la Savoie n’était que le versant occidental, avec une monarchie établie à Turin : petits et plus grands maîtres, tous avec une composante d’artisans inspirés. Longtemps après, les « chemins du baroque savoyard » (et tarin, le terme adjectival d’une Tarentaise qui ne se célèbre pas seulement par sa superbe race de bovidés agiles et montagnards !) emmènent donc fort logiquement dans ces décors généreux, parfois ruisselants d’or comme en Italie, dans la péninsule ibérique ou même les colonies d’Amérique centrale ou méridionale, mais qui souvent gardent un accent comme rural, voire naïf, qui colore leur charme.
Voir-entendre
Ainsi le festival « musique et art baroque » de Tarentaise a-t-il depuis le début souligné ses liens avec un patrimoine lui-même lié à l’art sacré, et voulu faire de son enracinement un argument qui au-delà d’une démarche touristique (trop ?) attendue incite à la découverte en synthèse des paysages visuels et sonores. D’autant que la formule du « redoublement » prédomine en Tarentaise – 2 fois le même programme de concert, en des lieux différents mais de même tonalité -, et de cette façon active le spectateur a aussi l’occasion de « visiter » de l’œil le décor, en va-et-vient oculaire et auditif. N’est-ce pas dans l’idéal baroque, cette collaboration parfois extasiée des deux sens majeurs, vue et ouïe ? L’été 2007, au gré des implantations de concerts, on « verra-entendra » plus particulièrement Saint Sigismond d’Aime (fin XVIIe), avec des voûtes dans la tradition baroque poursuivie au début du XIXe (les frères Artari) et un retable de même datation tardive (Delponte), stalles et chaire à prêcher, elles, du XVIIIe. A Saint Bon triomphe le retable des Ames du Purgatoire (1756 : tiens, le petit Mozart naissait à Salzbourg), une œuvre majeure qui brille de ses ors, de ses flammes rouges et de la messe audacieusement représentée en perspective diagonale. Ou encore, à Tignes, l’église Saint-Jacques, qui fut moyée par la construction du barrage en 1952, et qu’on a reconstruite « hors d’eau » à l’identique, avec son retable de Béranger (1768), un élève de Charles Van Loo. Et puis, c’est la règle – sans obligation, ni sanction, bien sûr – , le patrimoine baroque, l’art de vie en montagne et même la gastronomie font partie de circuits-concerts quoi complètent la programmation : là encore, visites archéologiques, sculpteurs et peintres en leurs différents points d’ancrage, trésors de la table traditionnelle à Pralognan, culte marial autour de trois joyaux de l’art baroque….
Amoureux tourment, Médée furieuse et tarentelles
Le champ d’action chronologique s’étend désormais du médiéval jusqu’aux confins classicisme-romantisme. Si on ne néglige pas les grands noms des invités baroques, l’accent est également mis sur la présence des jeunes ensembles issus des études supérieures musicales, par exemple le CNSM de Lyon. Le Trio « Ca d’Oro » (Marie Rouquié, Nils de Dinechin, Clémence Hoyrup) est ainsi « chargé » d’aller aux confins du classicisme, et d’explorer avec ses instruments anciens (violon et violoncelle, pianoforte) la sonorité spécifique de Haydn, Mozart et Beethoven. Les clavecinistes Caroline Huynh-Van-Xuan et Diego Fernandez Rodriguez forment un duo – formule qui n’est pas si fréquente – et cherchent en Europe du nord baroque, avant de faire cap résolu et virtuose sur l’Amérique Latine, en transcrivant les tangos d’Astor Piazzolla.
De toute façon, Tarentaise baroque veut être digne du « merveilleux patrimoine baroque » et se déclare ennemi de toutes les facilités : « cet été, point de Quatre Saisons ou autres musiques maintes fois ressassées. Profitons des vacances pour découvrir des œuvres rares et magnifiques ! » Et c‘est encore en confiant à un jeune ensemble rhône-alpin que Tarentaise inscrit une redécouverte de la période ultime du Moyen-Age : Musica Nova (8 chanteurs a cappella) prend dans l’œuvre d’Okheghem (1410-1497) une « Missa Cuiusvis tonis » dont le titre latin demande décryptage et mode d’emploi ; les points d’interrogation remplacent les clés, « tour de force qui permet d’exécuter dans tous les tons d’église, à charge pour les chanteurs d’effectuer »…le bon choix. Il ressort de ces différentes lectures des émotions diverses et une grande profondeur mystique ou au contraire un éclat de haute brillance. Le Trio de Marc Mauillon(voix), Viva Biancaluna(vièle) et Pierre Hamon (la flûte dans tous ses états) va encore plus « haut » en Moyen-Age ; en « Amoureus tourment » s’interroge à partir du XIVe –Guillaume de Machaut, le poète-musicien- sur le voyage des troubadours et harpeurs qui parcouraient l’Europe pour dire le plaisir et le bonheur – ou presque malheur – d’aimer.
Feu, cendres et vengeance terrible
Miroir aussi du paysage d’amour, passionné jusqu’à la vengeance inhumaine celui-là : c’est l’histoire « furieuse de Médée », contée à travers les cantates baroques françaises (Lully, De la Barre, Clérambault) par la voix de Stéphanie d’Oustrac et l’ensemble Amarillis. On se replacera en un univers moins profondément troublé, en une harmonie souveraine mais où l’imaginaire guide toute rigueur : ce seront les sonates et partitas du violon solissime (et bien sûr ancien) d’une des grandes spécialistes actuelles, Hélène Schmitt. Fuoco e Cenere, de Jay Bernfeld –feu et cendres, quel beau titre d’embrasement baroque ! – s’inscrit dans un « triangle magique » originel allemand (Eisenach, Halle, Magdebourg) : Bach (J.S.), et aussi Telemann – l’Européen, Haendel, l’Italien puis l’Anglais témoignent du voyage intérieur par leurs petits ou immenses itinéraires. Voyage ardent d’admiration, celui que fit le jeune J.S.Bach pour rencontrer à Lübeck son grand aîné Buxtehude : le contre-ténor Robert Expert et ses compagnons instrumentaux invitent à célébrer le 300e anniversaire de la mort de Buxtehude. Enfin, sortez du couvert des dômes baroques, et en plein air nocturne, réjouissez-vous avec l’ensemble italien Neapolis, dont Maria Marone est l’éloquente porte-chant, entre tarentelles et vilannelles.
Mercredi 25 et jeudi 26 juillet à Aime ; vendredi 27 à Conflans (Albertville); lundi 30 à Tignes ; mardi 31 à Méribel ; mercredi 1er août à Val d’Isère ; jeudi 2 à Moûtiers ; vendredi 3 à Tessens ; lundi 6 à Villette ; mardi 7 à Villaroger ; mercredi 8 à Queige ; jeudi 9 2007 à Saint-Bon ; vendredi 10 à Conflans.
Informations et réservations : Tél.: 04 79 38 83 12