Festival Les Pianissimes
Neuville sur Saône (69). Du 29 juin au 6 juillet 2008
17 concerts du 29 juin au 6 juillet 2008. Autour de la musique française, piano(s), musique de chambre, musique symphonique.¨Pour sa 3e édition, le festival des Pianissimes (nord de Lyon, bords de Saône) consacre sa semaine, en 17 concerts, conférences, expositions et animations, à la musique française. De Rameau à Messiaen et Beffa, et surtout dans le cercle enchanté de la Triade Debussy-Fauré-Ravel, bien sûr en piano, mais aussi en musique de chambre et même symphonique.
Un néologisme superlatif
Pianissimes : néologisme bâti sur piano, et superlativé au pluriel. Le terme veut-il dire qu’on ne s’occupe là que de claviers ? A l’origine, peut-être, mais cela se perd dans la (très relative, d’accord, trois ans ! ) nuit des temps, ou se joue telle une Ondine dans les flots de Saône… Les Ultra-piano (pour les dénommer autrement) ne se contentent donc pas d’explorer le clavier, mais aussi bien dans leur dimension de programmes tout au long de la saison que dans l’ouverture estivale, offrent un éventail de musique de chambre – autres instruments, et voix accompagnée -, voire de « symphonie » au sens large du terme. En tout cas, sous l’égide de l’association Dièse, et selon le plan programmatique de la fondatrice Catherine Alexandre, voici au nord du Grand-Lyon, en bordure des Monts d’Or, de la Saône et du Beaujolais méridional, une implantation musicale qui comble une certaine vacance dans ce territoire aux paysages naturels fort séduisants. Le Festival, lui, à la charnière de juin et de juillet, affiche – avec la modestie lucide qui sied aux anti-bateleurs-d’estrade – des objectifs et des thématiques sans facilités raccrocheuses mais agréablement reliés au goût des publics épris de renouvellement et de curiosité.
M’aimez-vous assez, demande la musique française ?
En 2008, et bien sûr sans nulle agressivité à connotation nationaliste et chauvine, le pianisme-pianissime sera français, du XVIIIe au XXIe, avec accentuation sur un âge d’or sinon paradis perdu d’élégante et sublime (post ?) modernité, la fin du XIXe et le début du XXe. Comme l’explique le nouveau « parrain » ( ah ! ce terme « incontournable » et d’ailleurs équivoque selon la langue de bois culturelle, mais passons, il faut bien sacrifier aux idoles, c’est d’ailleurs moins kitsch que les féminisées « marraines » de guerre au temps de Debussy), le pianiste Nicolas Stavy : « La musique française est souvent mal aimée et oubliée du grand public, notre répertoire a besoin de véritables soutiens. » Nicolas Stavy , « pionnier » et très engagé dans le festival, rappelle ainsi qu’il a participé en 2006, en compagnie de son collègue Bruno Robilliard, et selon les travaux de recherche accomplis par Jérôme Dorival, à « la résurrection d’une compositrice déterminante », Hélène de Montgeroult, dont les œuvres et la sensibilité font lien entre Révolution et Romantisme. 2008 va ainsi mettre l’action sur les « Deux Sœurs » Boulanger : Nadia, dont l’activité inlassable a marqué la musique française et internationale du XXe, mais surtout Lili, compositrice discrète (encore qu’elle fut en 1913 « la première Prix de Rome » en France !) et foudroyée par le destin à l’âge de 24 ans. De Lili, on écoutera en toute attention fervente, grâce au Trio Estampe (Claudine Simon, pianiste ; Mathilde Borsarello, violon ; Maya Bogdanovic, violoncelle) deux trios quasi-inédits aux titres de nostalgie et de vie (« D’un soir triste », « D’un matin de printemps »), en même temps que des pièces pour piano seul. Ce sera d’autant plus révélation que Lili Boulanger, si elle n’est plus « la belle inconnue », le doit surtout à ses œuvres religieuses. Alexandra Laederich, la grande spécialiste des « Deux Sœurs » (voir son récent livre aux éditions lyonnaises Symétrie), présentera la question en avant-propos du concert.
Alpha et Omega de la Triade et des autres
Au chapitre des gosses-prodiges devenus adultes sans que la vie les rétrécisse – au contraire ! -, on entendra le pianiste-compositeur Karol Beffa,. Ce Polonais-Français digne d’une filiation spirituelle avec l’Italien Pic de la Mirandole, affiche (sans affectation) ses résidences en Normale Sup, Agrégation, multi-étages de CNSM (où il est revenu « faire prof »), Polytechnique et sûrement j’en oublie, et fut aussi « l’enfant Mozart » chez Marcel Bluwal (aux temps proto-historiques où la Télé ne passait pas encore toute son énergie à « vendre des temps de cerveau humain » via la pub). D’ailleurs, on projettera le film de Bluwal, avant que Karol Beffa ne soit entendu en compositeur pour ses 3 Etudes (par Dana Ciocarlie, qui joue aussi Franck, Debussy, Ravel et Messiaen), puis en auto-interprète de son « Sur le nom de Mozart », pièce en création commandée par les Pianissimes (avec Jonathan Gilad, partenaire),et en improvisateur. « M’aimez-vous bien ? » (encore), comme demandait avidement l’enfant Wolfgang…Philippe Cassard est fort discret sur ses enfances, mais il est un adulte-prodige, et ô combien aimé des publics de concerts et d’émissions (France-Musique : on s’autorisera la pub, en craignant qu’un jour-là-bas ne s’impose sournoisement le robinet-à-sons- et-coupe-salami-d’œuvres), fascinés par ses talents de pianiste et sa culture partagée en toute simplicité chaleureuse. Ici, ce ne sera donc pas son cher Schubert (lire chez Actes-Sud…et regarder les videos de Classiquenews !), mais la France de Rameau, au soleil de l’esprit (la Gavotte et ses doubles) et celle de la Triade Prodigieuse : le Ravel cristallin de la Sonatine, le Debussy peintre du monde sensible dans le 1er Livre des Préludes, et le Fauré de l’ombre bleue et mauve (2e, 4e et 6e Nocturnes). Tiens, en pré et post-écho, Hervé Billaut explore l’alpha et l’omega des mêmes Nocturnes (1 et 13), « couperinise » près du Tombeau dressé par Ravel et nous emmène faire nos dévotions à l’Enfant Jésus de Messiaen. Encore Fauré, cœur battant d’un vieil homme entré en sérénité (le Trio ultime, par le Trio Ceres), et Ravel aussi (son Trio de 1914, par Estampe), et le 4e (fantôme) de la Triade prodigieuse,Ernest Chausson avec son op.3, et en son Poème pour violon (M.Annick Nicolas) et piano (François Daudet, également interprètes de la Sonate de Franck). Des visions maritimes (vent et vagues) chez Couperin, Ibert, Debussy, Chopin et Ravel, cherchez un peu les titres possibles, par le duo pianistique Romain Hervé-Vera Tsybakov. De « l’Auvergne britannique » XIXe parviendront les chants trop longtemps négligés de George Onslow, compositeur passionnant, grâce à l’un de ses spécialistes et interprètes hautement autorisé, le pianiste Laurent Martin, puis par le Trio de musiciens Dièse (Thémélina Krikorian, A.Khatcheressian, et le clarinettiste Jérôme Dorival, à la ville musicologue, compositeur, enseignant et même Président de …Dièse). Le duo A.Bielow (violon)-Ilia Rachkovski(piano) va de Bach en Ravel et Poulenc.
Questions, ascensions et navigations
Mais aussi de l’orchestre : celui des Russes de Belgorod (dir.Andrej Galanov), très plébiscités par les Pianissimes, où Nicolas Stavy joue « le 1er de Chopin » (avec Bizet et Gounod), celui de la Camerata du Rhône qui entoure Pierre-Laurent Boucharlat dans le pétulant « 2e de Camille » (Saint-Saëns). On pourra se surinstruire aux conférences. Daniel Gaudet débat sur le côté de chez Claude -Achille Debussy( où penche-t-il ? impressionniste symboliste ? illustrations musicales par Natacha Gaudet). Isabelle Bretaudeau parcourt Ernest Chausson « de A jusqu’à Z ». Dominique Dubreuil interroge Marcel (Proust) sur son musicien imaginaire (pas tant que ça ?) Vinteuil, alias Franck Gabriel Claude Saint-Saëns. Peintres (Guetty Long, N’Guyen Van Toi, Souad Natech) et sculpteur (Marc Da Costa) proposent leurs œuvres, les Boréades relient en Friesz-Fiction les œuvres de ce peintre fauviste et les portraits de Rameau. Le jeune public des écoles musicales et primaires est impliqué dans le Festival, les personnes en difficulté (physique et/ou sociale) sont guidées vers les manifestations (répétitions d’accès libre) et pour les plus à l’aise dans la vie, on peut prendre de la hauteur en montgolfière, aller à l’embarcadère-aux-cygnes-wagnériens de Neuville pour croisières musicales/gastronomiques. En tout cas on rallie les charmes du château d’Ombreval grâce à un bus lyonnais gratuit.
Pianissimes, 17 concerts (entre 11h30 et 21h), du dimanche 29 juin au dimanche 6 juillet ; conférences, animations, répétitions publiques, expositions. Neuville-sur-Saône (69), Esplanade du château d’Ombreval, Espace Jean Vilar, Cinéma Rex. Renseignements et réservations : 04 78 91 25 40 ou www.lespianissimes.com