Entretien avec Stéphanie Révidat, soprano.
Nous vous avons entendu dans Stradella puis Cavalli récemment. Quels ont été les “grands rôles” qui ont marqué votre carrière, depuis ces 5 dernières années?
Les rôles que j’ai interpréter récemment sont Erisbe dans « l’Ormindo » de Cavalli et Pénélope dans « Ulysse » de Rebel. Dans le 1er, je me suis beaucoup amusée jouant un rôle à la fois plein d’humour, de malice mais aussi de tendresse, de naïveté, de sincérité et enfin d’amour.
Pénélope était plus tourmentée, mais pas moins intéressante, au bord du suicide et vivant dans l’attente. L’espoir de Céphalie (sa suivante) et son désespoir se côtoyaient ainsi jusqu’au 5ème acte, qui se termine heureusement bien.
Au Théâtre d’Anger-Nantes Opéra, j’ai chanté le rôle d’Anna dans « Die lustigen Weiber von Windsor » de Nicolaï dont j’ai adoré la musique. Là encore, Anna, très jeune est à la fois un peu candide mais aussi manipulatrice. Chanter ce répertoire m’a fait beaucoup de bien et m’a donné envie de continuer sur cette voie.
Enfin, Orsola, dans « Il martirio di Sant’Orsola » de Scarlatti, m’a bouleversée. Son courage, sa dévotion heureuse et son sacrifice serein m’ont beaucoup inspirée et touchée. La musique est d’une grande beauté, surprenante et inattendue.
Quelles seraient les héroïnes ou les oeuvres que vous aimeriez chantées, et pourquoi?
Je pense immédiatement à Blanche de la Force dans « Le dialogue des Carmélites » de Poulenc. C’est un rêve de longue date, tant cet opéra me trouble par sa force spirituelle et musicale et son aboutissement inévitablement fatal. Là aussi, dévotion, amour et sacrifice sont de mise.
La Mélisande de Debussy, dont l’univers musical me semble fluide, impalpable, fragile et intime, moins concret que celui de Poulenc, mais pas moins passionnant, me plairait aussi beaucoup.
Je n’oublie pas les rôles des opéras d’Offenbach ou autres opérettes. M’amuser sur scène devient une priorité car je fais beaucoup de concerts en oratorio dans lesquels nous sommes en général trop sérieux. Bref, ce répertoire drôle, mais pas moins difficile qu’un autre me réjouirait.
Enfin, j’aime l’univers mystérieux et inquiétant des œuvres de Britten, et voudrais aussi chanter Ann Trulove dans « the Rake’s progress » de Stravinsky, Monica dans « the Medium » de Menotti…
Dans le répertoire baroque, je voudrais avoir l’opportunité de chanter tous les « grands classiques » comme les Passions de Bach, les opéras de Haendel ou Rameau, j’en oublie! Ce ne sont pas les envies qui manquent.
Quels sont vos grands projets d’ici 2008/2009? Au concert comme au disque?
Il est question d’un grand projet d’enregistrement, de mise en scène et de concerts des Passions selon St Jean et St Matthieu de Bach avec Benoît Haller et la Chapelle Rhénane en juillet 2008, mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Septembre 2008 me verra chanter dans « Les Indes Galantes » de Rameau sous la direction de Franz Brüggen.Une production à l’Opéra du Rhin en novembre 2008 est à l’étude.
Avez vous remarqué une évolution dans l’approche baroqueuse en France depuis ces 5 dernières années?
La musique baroque est devenue un produit comme un autre et la démarche recherchant le plus possible l’authenticité n’est plus toujours de mise. Les musiciens « modernes » et « baroques » (instrumentistes et chanteurs) sont moins spécialisés, plus nombreux mais aussi plus polyvalents.
Grâce à cela, la musique baroque s’est démocratisée et nous pouvons aujourd’hui trouver des concerts de bonne qualité aussi bien dans les grandes villes que dans les petits villages perdus.
Aux côtés du répertoire sacré ou lyrique baroque, quelles sont les autres champs musicaux que vous aimez aborder?
Tous les autres champs musicaux! L’opéra du XIXème et du XXème, comme je l’ai déjà évoqué. Le récital de mélodies ou de lieder, bien sur, même s’il reste très difficile de pouvoir se produire ainsi. Chaque pièce est un univers en soi qu’il faut parvenir à faire découvrir et ressentir au public simplement avec un piano, une voix et quelques minutes. Il faut une grande complicité avec le pianiste pour un travail plus intérieur, plus détaillé et plus recherché qu’en opéra, où l’on peut se cacher derrière le rôle. La musique de chambre classique, romantique et contemporaine, où les conversations sonores en comité restreint entre musiciens et sans chef sont très enrichissantes, et imposent une écoute plus éveillée et omniprésente.
Quels sont les chefs ou les chanteurs avec lesquels vous aimez vous produire?
C’est une question délicate et je ne souhaite me fâcher ni avec mes collègues chanteurs, ni avec mes employeurs.
Aussi, je répondrai plutôt en parlant des gens avec lesquels j’aimerais travailler.
Mon rêve serait de chanter avec Nicolaus Harnoncourt dont j’admire la musicalité, toute à la fois intelligente, sensible et animale. J’aimerais être guidée par lui une fois dans ma vie et apprendre encore. J’aimerais aussi beaucoup chanter avec Magdalena Kozena, Mireille Delunsch ou bien Ludovic Tézier ou chanter à nouveau avec Anna Maria Panzarella ou Karine Deshayes entre autres…., j’en oublie évidement.