Ensemble Orchestral de Paris
Saison 2008 – 2009
Hector Berlioz
La mort de Cléopâtre, 1829
Mercredi 19 novembre 2008 à 20h
Paris, Théâtre des Champs Elysées
Cantate révolutionaire
Au XIX ème, en particulier prisée par les juges conservateurs de l’Académie, la cantate, héritage baroque, est devenue le passage obligé pour les jeunes compositeurs soucieux de remporter le Prix de Rome. Berlioz qui se présente à 4 reprises au Concours pour la Villa Medicis à Rome, amplifie parfois de façon considérable le strict cadre de la cantate. Ainsi, La mort d’Orphée (juillet 1827) est un « monologue et bacchanale » pour orchestre, ténor et double choeur de sopranos (!); ainsi Herminie (juillet 1828) pour soprano et orchestre; et surtout, Sardanapale qui composé en juillet 1830, pour ténor, orchestre et choeur masculin, permet au musicien de décrocher enfin le Prix. Auparavant, il y eut Cléopâtre, scène lyrique pour soprano et orchestre (juillet 1829)…
Audace harmonique, rugissement inédit de l’orchestre qui suit les ultimes convulsions de la reine d’Egypte suicidaire: tout Berlioz transparaît dans cette partition révélatrice de presque 25 minutes.
Est-ce parce que Berlioz, second Prix l’année précédente, se pensait déjà Premier Prix en 1829, qu’il ose ainsi bouleverser les règles classiques d’une cantate académique? Dans les faits, le jury oublie ce rituel des Concours qui voit le second prix devenir Premier, d’une année à l’autre, et écarte l’impertinent candidat. En vérité, en cet été 1829, il n’y aura pas de « Premier Prix ».
En exergue aux râles de l’amoureuse défaite, Berlioz cite les vers de Juliette dans Roméo et Juliette: How if, when I am laid into the tom… Et si une fois couchée dans le tombeau… : ainsi se précise la figure féminine vouée à l’anéantissement funèbre. Berlioz réinvente la déclamation lyrique, ponctuée par un orchestre qui palpite au diapason déréglé d’un coeur à l’agonie.
Aucune autre partition de cette période, qui se situe juste avant la fresque révolutionnaire de la Symphonie Fantastique (1830), ne reflète ce bouillonnement du sang, et cette furie musicale dont est capable le fougueux compositeur. En maître absolu des contrastes et de la projection fluide de la langue, Berlioz se révèle tel le meilleur champion de la cause romantique: l’égal de son aîné en peinture, Delacroix, génie de la couleurs et de la touche libérée, qui exprime avec franchise, les troubles profonds de la psyché. Avec eux, ni Sardanapale ni Cléopâtre ne conservent leur stature classique. Les nouveaux héros de la scène musicale ou picturale, se courbent et s’agitent sous l’oscillation d’une panique des sens.
Weber: Ouverture du Freischütz
Berlioz: La mort de Cléopâtre, cantate pour le prix de Rome, 1829
Schubert: Symphonie n°9 en ut majeur
« La Grande »
Anna Caterina Antonacci, soprano
Ensemble Orchestral de Paris
John Nelson, direction
Illustration: Anna Caterina Antonacci (DR)