Sources françaises de l’opéra italien
Italien, l’opéra comme modèle européen, puise à différents sources littéraires pour renouveler les sujets et la dramaturgie de ses épisodes. Les auteurs français constituent une réserve et un filon particulier qui ont inspiré nombre d’auteurs pour l’opéra italien, de sa naissance à l’aube du XXème siècle. Comment la richesse poétique d’une oeuvre à l’origine française se retrouve-t-elle adaptée aux codes de l’opéra italien, genre européen par excellence?
En interrogeant les sources et la forme des opus produits sur les scènes européennes, l’ensemble des contributions ici réunies examine les multiples questions auxquelles étaient confrontés traducteurs, librettistes et compositeurs dans leurs réécritures d’oeuvres françaises pour la scène italienne.
Les presque 40 pages formant l’introduction, rédigé par Damien Colas, en préambule à la diversité des contributions suivantes, dressent de passionnantes « perspectives » à la problématique posée.
La place des opéras italiens d’après des pièces théâtrales françaises n’a jamais été aussi analysée, étudiée, mesurée (si on la compare aux examens des ouvrages lyriques de la même période d’après des sources anglaises ou germaniques). Il est ainsi passionnant de questionner la dramaturgie comparée franco-italienne, de mesurer combien les ressources expressives et poétiques diffèrent selon que l’on se place à la source théâtrale française ou dans l’ouvrage lyrique italien: des esthétiques, des enjeux scéniques et dramaturgiques se distinguent. Les textes dévoilent la très grandes diversité d’écriture et de propositions des réalisation en transfert, des sources françaises à leur avatar en opus lyrique italien, du Grand Siècle (XVIIème) à l’aube du XXè (jusqu’à Malipiero, Wolf Ferrari, Dallapiccola). Au travers de la transposition des genres (théâtre/opéra), se détache spécifiquement deux esthétiques dynamiques liées aux identité culturelles fortes et souvent rivales, le style italien et le style français.
En complément d’étude, l’éditeur publie les sources françaises des opéras de Haendel, Vivaldi, Mozart, Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi, Puccini. Les questions de dramaturgie comparée précisent des perceptions différentes sur le patrimoine des auteurs français: peu de pièces de Molière chez les Italiens, mais surtout Racine, Corneille, Voltaire et au XIXè, Victor Hugo (surtout chez Rossini, Verdi, Donizetti, Bellini)… L’approche singulière du « Portrait de face: monologue/air » est particulièrement captivante, d’autant plus qu’elle renvoie à des développements argumentés dans les chapitres suivants, comme l’est également, la distinction « portraits de profil: dialogue/duo« … Quoiqu’il en soit aussi difficile et délicat que soit le transfert du drame théâtral français assujetti et porteur des connotations et enjeux esthétiques qu’il présuppose, vers l’opéra italien, force est de reconnaître comme le souligne l’auteur, la réussite stupéfiante des réalisations produites. Grâce à leur transpositions lyriques, par exemple, les pièces du théâtre de Voltaire (Alzire, Tancrède, Sémiramis, Zaïre) se sont inscrites dans la postérité, alors qu’elle continuent d’être absentes tristement des planches actuelles… Le transfert n’est donc pas détérioration et dénaturation mais d’une façon sublimation et transformation…
Parmi les textes en français, nous avons particulièrement apprécié l’article concernant un opéra toujours écarté de Donizetti, d’après La Nonne sanglante, devenue chez le compositeur italien, « Maria de Rudenz » (janvier 1838);
L’ouvrage réunit les actes du colloque (H)Ernani, quatre siècles d’opéras italiens inspirés par la littérature française (Université François Rabelais de Tours, 14-18 février 2007. Compléments aux interventions (dont 6 seulement en français sur les 28 contributions): Table des sources françaises des opéras.
D’une scène à l’autre. L’opéra italien en Europe. Volume 2: La musique à l’épreuve du théâtre. Editions Mardaga, collection « Musique Musicologie ». 536 pages, cahier couleurs de 8 pages hors texte, broché. N° ISBN: 9782870099933.
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Notre critique du volume 1. D’une scène à l’autre. L’opéra italien en Europe. Les pérégrinations d’un genre
Illustration: Représentation de l’opéra Lucio Papirio dittatore d’Ignazio Balbi (circa 1752) au Teatro regio de Turin, par Giovanni Michele Graneri (1708-1762)