FRANCE MUSIQUE, lun 26 août 2019, 20h. VERDI : Requiem. Messe funèbre dramatique, opéra sacré, cantate de célébration, de mémoire et de compassion…Le Requiem de Giuseppe Verdi est tout cela à la fois, donné ici lors du Festival de Salzbourg en août 2019. L’orchestre (somptueusement coloré, nuancé, fluide) du Philharmonique de Vienne, le chef nerveux, aux contours acérés et grand spécialiste des effectifs en nombre, devraient peser dans la réussite générale de ce concert. Que donneront en revanche les solistes, en général authentiques personnalités verdiennes, plus habitués des opéras du compositeur, que de son unique Requiem ? 3 sur 4 promettent de belles performances, à la fois puissantes et intérieures (Krassimira Stoyanova, soprano / Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano / Francesco Meli, ténor). Le cas de la basse « verdienne » Ildar Abdrazakov nous laisse plus réservé. Son récent récital Verdi chez DG / Deutsche Grammophon (critiqué sur Classiquenews en août 2019) est loin de convaincre tant la voix certes noble et colorée, plafonne et se limite souvent à une palette expressive réduite… A suivre.
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FRANCE MUSIQUE, lun 26 août 2019, 20h. VERDI : Requiem – Concert donné le 15 août 2019 en la Grosses Festspielhaus à Salzbourg / dans le cadre du Festival de Salzbourg 2019
Giuseppe Verdi
Messa da Requiem
1. Requiem
2. Dies irae
3. Offertorio
4. Sanctus
5. Agnus Dei
6. Lux aeterna
7. Libera me
Krassimira Stoyanova, soprano
Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano
Francesco Meli, ténor
Ildar Abdrazakov, basse
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Orchestre Philharmonique de Vienne
Riccardo Muti, direction
Approfondir
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LIRE notre critique du cd CD. Compte rendu critique. Verdi : Requiem (Lorin Maazel,février 2014, 1 cd Sony classical) – testament musical et spirituel de Lorin Maazel avant sa mort au printemps 2015
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-verdi-requiem-lorin-maazelfevrier-2014-1-cd-sony-classical/
L’œuvre : REQUIEM OPERATIQUE ET HUMANISTE
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A l’origine, Verdi compose son Requiem pour la mort du poète italien Alessandro Manzoni (l’auteur adulé, admiré d’ i Promessi sposi) en 1873. La partition est plus qu’un opéra sacré : c’est l’acte d’humilité d’une humanité atteinte et saisie face à l’effrayante mort ; l’idée du salut n’y est pas tant centrale que le sentiment d’épreuve à la fois collective (avec le formidable chœur de fervents / croyants), et individuelle, comme l’énonce le quatuor des solistes (prière du Domine Jesu Christe). Le Sanctus semble affirmer à grand fracas la certitude face à la mort et à l’irrépressible anéantissement (fanfare et choeurs) : mais la proclamation n’écarte pas le sentiment d’angoisse face au gouffre immense.
D’abord entonné en duo (soprano et alto), l’Agnus dei témoigne du sacrifice de Jésus, prière à deux vois que reprend comme l’équivalent profane/collectif du choral luthérien, toute la foule rassemblée, saisie par le sentiment de compassion. Enfin en un drame opératique contrasté, Verdi enchaîne la lumière du Lux Aeterna, et la passion d’abord tonitruante du Libera me (vagues colossales des croyants rassemblés en armée), qui s’achève en un murmure pour soprano (solo jaillissant du choeur rasséréné : Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua lucaet eis / Donne-leur, Seigneur, le repos éternel, et que la lumière brille à jamais sur eux) : ainsi humble et implorant, l’homme se prépare à la mort, frère pour les autres, égaux et mortels, à la fois vaincus et victorieux de l’expérience de tous les mourants qui ont précédés en d’identiques souffrances.
Il faut absolument écouter la version de Karajan (Vienne, 1984) avec la soprano Anna Tomowa Sintow et le contralto d’Agnès Baltsa pour mesurer ce réalisme individuel, – emblème de l’expérience plutôt que du rituel, pour comprendre la puissance et la justesse de Verdi. Acte de contrition (Tremens factus sum ego -1-) chanté par la contralto d’une déchirante intensité, prière en humilité, le chant ainsi conçu frappe immédiatement l’esprit de tous ceux qui l’écoute ; au soprano revient le dernier chant, celui d’une exhortation qui n’écarte pas l’amertume ni la profonde peine ; entonnant avec le chœur rassemblé, concentré, ému, les dernières paroles du Libera me, la soprano exprime le témoignage de la souffrance qui nous rend égaux et frères ; en elle, retentit l’expérience ultime ; son air s’accompagne d’une espérance plus tendre, emblème de la compassion pour les défunts, tous les défunts.
Croyant ou non, l’auditeur ne peut être que frappé par la haute spiritualité de ce Requiem élaboré à l’échelle du colossal et de l’intime, où les gouffres et les blessures nés du deuil et de la perte expriment de furieuses plaintes contre l’injustice criante, puis s’apaise dans l’acceptation, conquise non sans un combat primitif et viscéral. Dans le format réussi de cette fresque qui unit le collectif et l’intime, Verdi nous parle d’humanisme ; l’homme qui doute et désespère parfois, n’oublie jamais la mort, notre destin à tous : cette conscience en humilité façonne les meilleurs d’entre nous.