Claude Debussy
Pelléas et Mélisande, 1902
Opéra de Nice
Les 15, 17 et 19 janvier 2013
Philippe Auguin, direction
René Koering, mise en scène
La nouvelle production de Pelléas à Nice promet d’être intéressante, entre autres grâce à la Mélisande de Sandrine Piau dont on sait le souci du verbe, articulation et intonation auxquels la chanteuse française ajoute aussi les allusions poétiques – si importantes pour le personnage-. Celle qui vit dans le mensonge, semble sortir d’un rêve, être ailleurs toujours, pourrait trouver une incarnation concrète des plus convaincantes sur les planches de l’Opéra de Nice.
Le théâtre niçois avait déjà ouvert ses portes à l’ouvrage de Debussy en
2006 (sous la direction du directeur musical d’alors, Marco Guidarini). A l’époque, le symphonisme ardent et subtil des musiciens maison, sous l’excellente direction du maestro italien, nous avait frappé… Qu’en sera-t-il en 2013 ?
Pourquoi ne pas manquer la nouvelle production de Pelléas à Nice ?
Sandrine Piau incarne le rôle de Mélisande, princesse d’un royaume très lointain. Que cela soit en opéra, oratorio ou récital, la soprano française a toujours à coeur de mettre en service son incroyable talent. Le drame symboliste de Maeterlinck donne des possibilités infinies d’interprétation ; l’interprète devrait éclairer les multiples symboles de son personnage. Le jeune ténor Sébastien Gueze interprète Pelléas, sa voix au beau timbre et sa déclamation pleine de charme, ainsi que sa beauté plastique d’un air juvénile, feront de lui un Pelléas tout aussi attirant. Franck Ferrari incarne Golaud, le véritable chanteur protagoniste de l’opéra, personnage noble et tourmenté. Le baryton français connait bien ce rôle ; il a déjà montré la puissance de son instrument dans les Contes d’Hoffmann, entre autres. Nous sommes certains qu’il transmettra les passions pathologiques de son personnage avec sentiment et mystère. L’Orchestre Philharmonique de Nice, sous la direction de Philippe Augin devrait indiquer en quoi Debussy permet à l’orchestre d’exprimer le sens caché de la prose de Maeterlinck. Ce sont les instruments qui sont ici les personnages les plus virtuoses et riches d’un opéra tout-à-fait envoûtant.
La mise en scène est signé René Koering (ainsi que les costumes), figure importante pour le repertoire lyrique français. L’Opéra de Nice marque ce début d’année avec conviction: Pelléas demeure un bijoux lyrique rempli de mystère et de séduction; la nouvelle production réunit une distribution de choc à surtout ne pas rater. A voir le jeudi 17 à 20h et le samedi 19 à l’Opéra de Nice. Sabino Pena Arcia.
Pelléas et Mélisande de Claude Debussy à l’Opéra de Nice
Nouvelle production
Drame lyrique en 5 actes et 12 tableaux
Livret tiré de la pièce de Maurice Maeterlinck
Créé à l’Opéra-Comique à Paris, le 30 avril 1902
Direction musicale : Philippe Auguin
Mise en scène et costumes : René Koering
Décors : Virgil Koering
Lumières : Patrick Méeüs
Orchestre Philharmonique de Nice
Choeur de l’Opéra de Nice, direction : Giulio Magnanini
Mélisande : Sandrine Piau
Pelléas : Sébastien Gueze
Golaud : Franck Ferrari
Arkel : Willard White
Yniold : Khatouna Gadelia
Le médecin, Le berger : Thomas Dear
Geneviève : Elodie Méchain
Le théâtre de Maeterlinck : mystère du style, faillite du mot
Le théâtre de Maeterlinck : mystère du style, faillite du mot
Je ne comprends pas non plus tout ce que je dis, voyez-vous…
Je ne sais pas ce que je dis… Je ne sais pas ce que je sais…
Je ne dis plus ce que je veux… » (Mélisande, Acte V)
Pour Maeterlinck, Pelléas et Mélisande (écrit en 1892) exprime le désir d’un renouvellement et d’une rupture : « Pour
le moment je travaille à un drame simplement et banalement passionnel,
afin de me tranquilliser, et peut-être parviendrai-je à détruire ainsi
cette étiquette de poète de l’horreur qu’on me colle sur le dos. » A
défaut d’horreur, le dramaturge a définitivement clos la porte du
réalisme. S’il se passionne étudiant à Paris, pour Mallarmé et Villiers
de l’Isle-Adam, Maeterlinck ne tarde pas à trouver sa voie propre : une
vision esthétique particulièrement marquée par le tragique et le
sentiment de l’inéluctable catastrophe. C’est peut-être pour cette
raison que son théâtre convient parfaitement à l’opéra. Un sentiment
tragique qui ne s’incarne pas véritablement dans l’action mais imprègne
les êtres et les situations comme un climat d’imperceptible inquiétude.
Le non-dit, l’implicite, l’allusif distillent leur vénéneuse action.
Pour lui, l’art exprime plus qu’il ne dévoile. Pas de héros antiques et
de dieux opposés, souvent la simplicité des gens de peu mais dont
l’épaisseur psychologique laisse deviner de profondes souffrances. Il
était logique que la musique capable de dire sans parler, porte
idéalement cette quête du mystère, cette écoute particulière aux
mouvements de la psyché, ce théâtre de l’âme.
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