Les étoiles qui parsèment le plafond de la chapelle palatine des rois capétiens réflètent dans leur éclat les lueurs gothiques des vitraux du roi Louis IX. Le site formidable de la Sainte-Chapelle qui demeure silencieuse malgré les échos des musiques glorieuses de Marc-Antoine Chapentier, ancien maître de chapelle de ce bel écrin au coeur du Paris originel. C’est dans cette châsse de pierre et de verre que la soprano Fabienne Conrad a eu la belle idée de faire revenir la voix pour quelques week-ends le temps d’un festival. Cette grande fête vocale a accueilli des grands interprètes tels que Michael Spyres (nous y étions), Marina Viotti ou Jeanine de Bique (nous y étions aussi). Dans ce voyage vocal, la programmation de la deuxième édition du Paris Sainte-Chapelle Opera Festival, a largué ses amarres et nous a menés dans un cabotinage d’Est en Ouest dans deux vocalités complémentaires : le contre-ténor iranien Cameron Shahbazi et la soprano étasunienne Melanie Sierra.
Le samedi la promesse était très audacieuse d’un belle rencontre entre les orfèvreries baroques et les volutes des mélodies persanes. L’attente d’entendre Cameron Shahbazi, dont la carrière ne démérite pas, nous rendait impatients de découvrir son interprétation. Le contre-ténor iranien possède un très beau timbre ciselé, précis et aux couleurs mordorées, cependant, nous eussions souhaité l’entendre dans un programme où les contrastes nous auraient fait plus vibrer. Tout le programme proposé est d’une seule nuance, rien n’est décalé malgré des mélodies persanes à la beauté envoûtante. Le répertoire en rapport avec la Perse antique, qui a inspiré force opéras et cantates, aurait été un choix bien plus intéressant que Louis Armstrong et d’autres jazzmen. Le programme n’a aucune construction dramaturgique et tout tombe à plat, c’est un bouquet où aucune fleur n’est mise en valeur, et dont tout le parfum semble absent. Malgré le fabuleux Jeff Cohen au piano, Cameron Shahbazi n’a fait que proposer des choix confortables. Quel dommage pour un soliste qui pourrait prendre à bras le corps tout un répertoire qui gagnerait à être défendu par un tel talent.
Le lendemain, la nef musicale a fait escale au coeur de New-York sous les feux de la rampe du Broadway étincelant. Les habitués du Théâtre du Châtelet ont déjà découvert Melanie Sierra dans le rôle emblématique de Maria dans West-Side Story de Leonard Bernstein. En effet le nom de famille n’est pas anodin puisque Melanie Sierra est la soeur de Nadine – qui nous a émerveillé Dans La Traviata dans la récente reprise à l’Opéra national de Paris (et dont nous avons rendu compte dans ces colonnes). Melanie Sierra a concocté un programme aux couleurs aussi diverses que contrastées à l’image des fabuleux vitraux de la chapelle du pieux Louis XI. Revisitant des « standards » issus des comédies musicales telles que Funny Girl, The Phantom of the Opera ou My Fair Lady ou des airs plus rares tel l’émouvant « Everything I know » de In the Heights, Melanie Sierra interprète avec un timbre riche et sans égal ces songs souvent très exigeantes vocalement. Elle a réussi a rendre le concert vivant avec des anecdotes et des confidences, une ambiance chaleureuse en définitive. Outre ses qualités vocales, Miss Sierra est une interprète généreuse et sincère, elle nous livre à coeur ouvert les émotions et les nuances de chaque phrase. Melanie Sierra est un talent à suivre absolument et nous espérons avec impatience de la retrouver à Paris, la ville qui l’a adorée en Maria, et qui sans aucun doute continuera de célébrer son immense talent. Elle a été accompagnée par le fantastique pianiste Olivier Yvrard, génial dans l’improvisation, un vrai régal.
A l’époque de sa construction, la Sainte-Chapelle a été une source constante d’émerveillement. Témoignage de la ferveur mystique d’un des monarques les plus brillants de son époque, ce lieu désormais appartenant aux âges continue de vibrer grâce à Fabienne Conrad, son équipe et les merveilleux rêves musicaux qu’elle a convoqués au détour d’un mois d’avril aux lumières étincelantes dans la caresse des vitraux historiés.
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