Porté par Euromusic, le Festival Miroirs – Opera Lyric and Co achève sa troisième édition en sublimant, une fois encore, la richesse et la diversité de la musique classique. Ce 1ᵉʳ mai, sous les voûtes irradiantes de la Sainte-Chapelle, c’est dans cet esprit de transmission et d’audace que la soprano Fabienne Conrad a offert un concert final envoûtant, « Des siècles en un souffle ». Un programme reflétant l’ambition de Miroirs : créer des ponts entre les époques, les styles et les générations, à l’image des partenariats prestigieux qui l’animent – qu’il s’agisse de l’Académie de l’Opéra national de Paris ou du Concours Voix des Outre-mer, vitrine de talents venus de tous les horizons.
Avec une aisance souveraine, la soprano a traversé quatre siècles de musique, des lamenti enflammés de Monteverdi aux murmures sensuels de L’Hymne à l’Amour de Piaf. Son timbre à la fois puissant et fragile, magnifié par l’acoustique sacrée des lieux, a révélé l’unité secrète entre un air baroque et une mélodie de Puccini : la même quête d’absolu, la même humanité vibrante. Le programme s’est ouvert par un triptyque baroque d’une intensité dramatique rare, avec l’aria “Pur ti miro” (de Monteverdi), avec la complicité du violon solo de David Braccini (qui lui répondait en lieu et place du contre-ténor), tandis que le non moins sublime air “Tristes apprêts” (de Rameau) fut délivré avec une sobriété poignante, chaque ornement devenant larme musicale – à l’instar du bouleversant « Lascia ch’io pianga » de Haendel qui suivit ! Par la suite, le public retint son souffle devant deux sommets du répertoire : « Casta Diva » (de Bellini) servi par un legato d’ambre liquide, les aigus semblant flotter naturellement vers les vitraux, et le non moins célèbre « Vissi d’arte » (de Puccini), où chaque syllabe fut chargée d’un tragique pudique, loin de tout effet vériste facile. Les 5 instrumentistes du Classik Ensemble qui l’accompagnaient ont su se faire écrin pour la voix, notamment dans les pianissimo suspendus qui ont ému l’audience. En clôture de concert, la surprise fut de découvrir une interprétation subtile d’un des classiques de la chanson française, L’Hymne à l’Amour d’Édith Piaf, transfiguré par des arrangements épurés et une vocalité toute « belcantiste ». Ce choix audacieux a illustré la thèse du festival : la musique, qu’elle soit savante ou populaire, parle un même langage… celui de l’âme !
Ce concert final a résumé l’esprit d’Opera Lyric and Co : un refus des frontières, une invitation à écouter Monteverdi et Piaf avec la même oreille curieuse. Fabienne Conrad, en archère sensible, a tissé ces liens invisibles avec une autorité artistique rare, confirmant son statut de passeuse entre les mondes. Le rendez-vous est déjà pris pour la 4ᵉ édition – à moins de se précipiter sur les prochaines dates de la soprano -, dont la voix, décidément, ne cesse d’envoûter…
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CRITIQUE, récital lyrique. PARIS, 3ème Festival Opéra Lyric & CO, (Sainte Chapelle), le 1er mai 2025. Classik Ensemble, Fabienne Conrad (soprano). Crédit photographique (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Fabienne Conrad interprète « Casta Diva » de Bellini au Théâtre Antique d’Orange