Dans cette production du Barbier de Séville de Gioachino Rossini, reprise à l’Opéra Bastille, le metteur en scène italien Damiano Michieletto a la bougeotte. Il ne tient pas en place, et même ne s’accorde pas une seconde de répit. Tout s’agite, tout bouge. On voit sans cesse des chanteurs monter et descendre des escaliers, traverser des appartements, rentrer et sortir, revenir sur leurs pas, remonter les escaliers, les redescendre, les remonter encore. Leurs mollets sont autant sollicités que leur voix. Le décor tourne. Il présente d’un côté la façade d’un immeuble aux murs lépreux et aux balcons conviviaux et de l’autre l’intérieur des appartements, ouverts sur leur indiscrète intimité. Ce décor tourne de face et de dos. Est-ce cela qu’on appelle le tournedos Rossini ?
Tout cela engendre la bonne humeur et convient à la gaieté rossinienne. On en a besoin par les temps qui courent. Et l’humeur est d’autant meilleure que la distribution vocale est bonne. Elle est dominée par le Figaro de Mattia Olivieri. Une belle puissance vocale, de la présence, de l’abattage. Avec, ce Figaro, on est à la noce ! La Rosine d’Isabel Leonard a une voix corsée comme un fruit d’été, gorgée de saveur et d’éclats. Dans « Una voce poco fa », qu’elle chante dans sa cuisine et non sur son balcon — romantisme domestique ! — elle retient les tempos, alanguit ses ornements, torsade les rythmes… et cela a belle allure. De son côté, le ténor sud-africain Levy Sekgapane est un vrai ténor rossinien. Le timbre est coloré, agréable, son phrasé élégant. Sa voix s’enroule avec la souplesse d’un lierre grimpant. Son chant a cependant tendance à se raidir lorsqu’il force les nuances. Dans le mezzo forte, il est idéal. Grâce à Carlo Lepore, le docteur Bartolo se porte bien, merci ! Et même très bien. Il donne à son personnage de vieux tuteur râleur un aspect plus sympa que méchant. Très bon également, le Basile de Luca Pisaroni, même si son air de la calomnie, pris à un tempo plutôt lent, traîne un peu les pieds. La Berta de Margarita Polonskaya a eu, à juste titre, sa part de succès. Ainsi qu’Andres Cascante, dans ses courtes mais belles interventions de Fiorello.
Le Chœur de l’Opéra national de Paris est très bon, comme à son habitude. Quant à l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, il excelle sous la direction souple et vive de Diego Matheuz. Pour commencer, il nous donne une leçon : l’Ouverture étant donnée rideau fermé, on s’aperçoit qu’on n’a pas besoin de décor, tournant ou pas, pour se laisser envoûter par la musique de Rossini. Dans ses propres tours, détours, retours et dans ses fameux crescendi, elle suffit à elle seule à nous entraîner dans le plus beau des vertiges.
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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 10 juin 2025. ROSSINI : Le Barbier de Séville. L. Sekgapane, I. Leonard, M. Olivieri, L. Pisaroni… Damiano Michieletto / Diego Matheuz. Crédit photographique © Sébastien Mathé