André-Ernest-Modeste Grétry (1741–1813) illustre l’essor de l’opéra français monarchique, avant la Révolution ; après [Anacréon chez Polycrate, 1797] et jusqu’au début du premier XIXe. La longévité et la primauté de GRÉTRY [qui continue d’occuper des fonctions officielles sous le régime républicain comme Gossec et Méhul] affirment la plénitude d’un art élégant, gracieux, volontiers déférent aux souverains et symboles de l’ancien régime, comme une même révérence faite à la propagande républicaine propre aux années 1790 / 1800. Napoléon, admirateur de Zémir et Azor, lui restitue ses pensions royales. Bel exemple de continuité malgré la succession des régimes et les vicissitudes de l’Histoire..;
Né à Liège, Grétry découvre encore enfant Galuppi et Pergolèse ; étudie à Rome, rencontre Voltaire à Genève. A Paris, il triomphe à l’Opéra-Comique (Le Huron, Lucile, Le Tableau parlant, Silvain], en rival et confrère de Philidor et Monsigny. Il se rapproche des Encyclopédistes, travaille avec son librettiste familier Marmontel, et découvrant les classiques Racine, Corneille, Moliere, se passionne pour le théâtre et les arts de la scène.
Devenant le compositeur de Marie-Antoinette. GRÉTRY tente de reformer l’Opéra en abordant la tragédie lyrique, mais il doit renoncer face à la concurrence des autres protégés de la reine, Piccinni et surtout Gluck. La création malheureuse de Céphale et Procris à Versailles [1773], son destin sur scène, ses nombreux remaniements produits avec le même (vaniteux) Marmontel [bientôt fervent piccinniste contre Gluck] souligne l’effort créatif d’un compositeur talentueux, vite dépassé face au souffle gluckiste. Même destin chaotique pour sa tragédie lyrique Andromaque, composée en 1778, créée en 1780 au coeur de la tempête qui oppose gluckistes et piccinnistes : Grétry en fera les frais et y sera épinglé selon les partisans d’alors : trop gluckiste et bruyant ici ; pas assez italien et charmeur là. Au texte médiocre, ennuyeux, signé Pitra [et non Marmontel].
Reconnu [il touche une pension du roi Louis XV dès le début des années 1770], célèbre, inspecteur du Conservatoire et officier de la Légion d’Honneur, Grétry cumule les honneurs, incarne l’essence du bon goût dans les années 1770 et 1780. Tous, comme la peintresse Vigée-Lebrun, se souviennent de « l’aimable Grétry » ; sa finesse, sa modestie, son allure pâle et fragile renforcent sa séduction.
Ses ouvrages majeurs : Zémir et Azor [1771], La fausse magie [1775], La Caravane du Caire [immense succès de 1784, qui fit la fortune de son auteur], l’Amant jaloux [1778], Aucassin et Nicolette [écrit avec Sedaine, 1779 – heureuse collaboration renouvelée avec Richard Cœur de lion en 1784]… autant d’ouvrages qui demeurent des références lyriques.
L’auteure renforce la stature d’un Gretry, génie de l’opéra qui dans ses dernières années, salué et entouré, qui obtient même son buste par le sculpteur Stouf sous le péristyle de l’Opéra Comique [1805], meurt plus qu’estimé, dans l’Ermitage qu’habita Rousseau à Montmorency. Si Grétry ne s’intéressa ni à la musique symphonique ni à la musique de chambre, son prestige rejoint celui de son contemporain à Vienne, Haydn.
Ce nouveau volume de la collection Horizons [n°105] propose la réédition révisée et augmentée d’une étude de référence [publiée en 1884], très documentée, désormais illustrée et enrichie de nombreuses annexes inédites.
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CRITIQUE LIVRE. André-Ernest-Modeste GRÉTRY par Marie Bobillier (Bleu Nuit éditeur) – C’est sous le pseudonyme de Michel Brenet que la musicologue Marie Bobillier (1858–1918) signa de nombreuses études, notammentsur Ockeghem, Goudimel, Sébastien de Brossard, Haendel, Haydn, Grétry ou Berlioz. Après ses Notes sur l’histoire du luth, son ouvrage également très documenté sur Palestrina a déjà été réédité dans la collection horizons (n°57).
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