La trajectoire du compositeur norvégien EDVARD GRIEG (originaire de Bergen, né le 15 juin 1843) relève de l’épopée romanesque à la mesure de celui qui fut son modèle et le révélateur de sa vocation auprès de ses parents, l’illustre violoniste Ole Bull surnommé « le Paganini du Nord » (lui aussi né à Bergen et de 30 ans son ainé) : c’est lui qui décelant le tempérament artistique du jeune Edvard, convainc le père (bon pianiste) d’encourager absolument ses dons pour la musique et la composition (1858). Sensibilisé aussi par sa mère (pianiste et chanteuse), le jeune Edvard ira donc apprendre le métier au Conservatoire de Leipzig… avant celui de Copenhague où il fréquente Niels Gade et J.P.E Hartmann…
Parmi les auteurs du romantisme tardif, entre sa Scandinavie natale et les auteurs germaniques vénérés, Grieg se démarque cependant de ses nombreux confrères, par son tempérament singulier, unique, puissant et personnel que l’auteur-biographe, Jérôme Bastianelli, sait préciser page après page.
Ce n’est pas un hasard si Maurice Ravel avoue que pas une partition qu’il a écrite, n’est étrangère à l’influence de … Grieg (les 2 hommes se rencontrèrent à Paris en 1894 quand le jeune compositeur français put recueillir de Grieg lui-même, de précieuses et justes appréciations pour jouer correctement l’une des Danses norvégiennes). Sublime hommage pour le contemporain de Brahms et de Tchaikovski (qu’il a cotoyé simultanément lors d’un souper demeuré fameux… à Leipzig le 1er janvier 1888) ; estime majeure et bienvenue aussi pour l’auteur de Peer Gynt (sa partition la plus célèbre, inspirée de la pièce d’Ibsen, achevée l’année de la création de Carmen, en 1875) dont bon nombre de français ont boudé la valeur, s’entêtant à diminuer le génie (il faut en effet lire ce qu’écrivent Pierre Lalo ou surtout Debussy, vachard et aigre, concernant les œuvres de Grieg lors d’un concert à Paris en 1903…), ainsi sur son style provincial, folklorique, « vulgaire » (!). Aucun français ou si peu (dont le pertinent Fauré, à l’image du jeune Ravel comme de Bartok aussi) comprirent l’originalité poétique de Grieg, mesurèrent comment sa musique magicienne effaça en réalité la nature satirique de la pièce d’Ibsen, grinçante voire caricaturale et si critique vis à vis des norvégiens (Peer Gynt est un antihéros et l’amour que lui porte Solveig demeure une énigme…).
Le biographe dont le lecteur assidu ou éclairé de la collection édité par Actes Sud a précédemment lu ses biographies dédiées à Tchaïkovski, Bizet, Mendelssohn et Federico Monpou, retrouve cet esprit de synthèse, pourtant riche en développements pertinents sur les partitions majeures.
En 13 chapitres, Grieg, fascinant et inclassable surgit ainsi dans la sincérité de son génie personnel : l’alchimiste qui décrypte les mouvements inspirants de la divine nature ; le barde et le poète qui à l’image du finlandais Sibelius en son refuge d’Ainola, s’établit au cœur du motif naturel, dans sa maison « Troldhaugen », non loin de Bergen (avec son épouse Nina) dont la construction s’acheva en 1885. Il est fait mention – épisode insoupçonnée, de ses écarts extraconjugaux (dont une idylle avec la jeune peintre « Leis », en 1882…) … L’œuvre est abordée en clarté et dans la chronologie, depuis ses premières partitions significatives (Pièces lyriques pour piano seul…) jusqu’aux Danses Symphoniques, si peu connues et pourtant d’un authentique souffle orchestrale hors normes, sans omettre, sa musique de chambre (dont les 2 Quatuors), le fameux et immédiatement célébré Concerto pour piano et orchestre (1868) qui lui apporte succès et estime à l’échelle européenne.
En fin de texte, sont à savourer les incontournables et indispensables « annexes », compléments toujours très utiles à la compréhension de l’homme, son œuvre, leur contexte : les repères chronologiques majeurs, les éclairages de la discographique intitulée modestement « éléments discographiques » (lesquels entre autres indiquent les interprètes les mieux inspirés tels Bernstein et Guillaume Tourniaire, aux côtés de Esa-Pekka Salonen (pour Peer Gynt) ; Leif Ove Andsnes et Mariss Jansons pour le Concerto pour piano ; Neeme Järvi et l’Orchestre symphoniques de Gothenburg pour l’intégrale des pièces symphoniques… Biographie synthétique et indispensable.
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CRITIQUE livre événement : Jérôme Bastianelli : Edvard GRIEG. Editions Actes Sud, «
Musiques ». 192 pages – ISBN : 978-2-330-20279-8. 2025. Plus d’infos sur le site de l’éditeur ACTES SUD : https://www.actes-sud.fr/edvard-grieg-0 – CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025
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