Parmi les principaux festivals d’été en Angleterre, aux côtés de l’incontournable Festival de Glyndebourne, il y a ceux de Garsington ou de Longborough (où nous irons plus tard en juillet…), mais aussi l’attachant Grange Park Festival, dans le vert Surrey, au sud ouest de Londres. Aux côtés de titres comme Aleko et Gianni Schicchi (les deux avec Sir Bryn Terfel !) ou encore La Fille du régiment, était proposé la poignante Katya Kabanova de Leos Janacek.
Le succès de cette soirée repose essentiellement sur la force et la beauté de la voix, des capacités dramatiques et de la conviction de la chanteuse qui interprète le rôle-titre, en l’occurrence la soprano gallo-ukrainienne Natalya Romaniw, qui possède une voix très puissante et envoûtante, mais également de grands talents de comédienne, riches en pathos. Romaniw donne ici une interprétation saisissante de la jeune femme frustrée et prisonnière qui s’échappe de sa geôle conjugale pour ensuite être rongée par la culpabilité. Elle finit par se suicider lorsqu’elle ne peut plus survivre dans une communauté austère, dominatrice et hypocrite.
Il s’agit d’une production typique de David Alden : une représentation relativement épurée dans laquelle les artistes évoluent sans être gênés par une quelconque intervention incongrue de la part du metteur en scène. Une grande partie de l’action se déroule ainsi sur une simple scène inclinée, conçue par Hannah Postlethwaite, et qui donne la sensation que les personnages sont tous sur le point de glisser vers l’abîme. La mise en scène considère peut-être que la rivière dans laquelle Katya se noie représente un vide à la fois symbolique et réel. Cela est également évident dans le reste de la scénographie, où le mot EXIT domine tout au long de la pièce. Le dénouement de l’opéra a lieu dans une église en ruine où se trouve un crucifix massif descendu jusqu’au sol, ainsi que des peintures allégoriques du Jugement dernier. C’est dans ce cadre que le chœur assiste à la chute de Katya, sous la forme d’une congrégation ricanante et satisfaite d’elle-même.
Sous la direction de Stephen Barlow, le Gascoigne Orchestra se montre en grande forme dans la musique de Janacek, faisant ressortir toute la beauté et les différentes humeurs et subtilités de la partition. Dans le petit auditorium intime de Grange Park, le rôle-titre et l’orchestre travaillent ensemble pour créer un équilibre parfait entre la scène et la fosse.
Dans le rôle de Boris, son séducteur, le ténor Thomas Atkins chante avec autorité et possède la voix et la présence physique nécessaires pour répondre de manière convaincante aux besoins émotionnels, et à l’évidence physique, de Kátya. Katie Bray incarne une Varvara charmante, lumineuse et enjouée, qui est l’antithèse de sa sombre sœur. Elle est une véritable découverte, chantant de manière éclatante et pleine de vie. Les personnages plus légers et plus brillants incluent son séduisant amant Kudrjas, chanté avec aisance par le jeune Ben Hulett. Clive Bailey, dans le rôle de Dikój, joue et chante merveilleusement bien, et Susan Bullock, dans le rôle de la mère glaciale, Kabanicha, fait preuve d’une présence vocale impressionnante. Elle est la mère froide et glaçante et on la voit prendre quelques verres en cachette. La dominatrice Kabanicha se transforme en dominatrice armée d’une canne lorsque les rideaux se ferment. Dans le rôle de Tichon, le mari pathétique de Katya, le ténor Adrian Thompson respire la faiblesse. Après la mort de Katya, l’opéra se termine par le retour de Tichon sous le contrôle total de sa mère triomphante…
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CRITIQUE, festival. HORSLEY (Angleterre), Grange Park Festival, le 27 juin 2024. JANACEK : Katya Kabanova. N. Romaniw, T. Atkins, S. Bullock, A. Thompson… David Alden / Stephen Barlow. Photos © Tristram Kenton.