samedi 17 mai 2025

CRITIQUE, concert. BORDEAUX, Auditorium, le 15 mai 2025. FAURE : Requiem (+ Extraits de « Hamlet » d’A. Thomas et de « Tristia » de H. Berlioz). S. Devieilhe (soprano), S. Degout (baryton), Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Sous la direction superlative de Raphaël Pichon, l’Ensemble Pygmalion a offert une soirée d’une rare intensité à l’Auditorium de Bordeaux, tissant un fil narratif autour de la Mort, tantôt tragique, tantôt apaisée. Le choix de lier des œuvres diverses (Extraits de Hamlet de Thomas et de Tristia de Berlioz, aux côtés du Requiem de Fauré), données sans interruption (ni applaudissements) a renforcé l’immersion, transformant le concert en une expérience quasi liturgique.

 

La soirée s’est ouvert avec la Méditation religieuse de Berlioz (Tristia), où le chœur, d’une précision cristalline, psalmodiait des versets empreints de résignation : « Ce monde entier n’est qu’une ombre fugitive ». L’orchestre, sobre et intimiste, a souligné l’aspect funèbre du texte, préparant le terrain pour les extraits d’Hamlet d’Ambroise Thomas. Stéphane Degout, en Hamlet tourmenté, a captivé par son engagement dramatique. Dans « Ô séjour du néant ! », son baryton à la fois puissant et fragile a incarné la folie et le doute, tandis que Sabine Devieilhe, en Ophélie éthérée, a ébloui par sa virtuosité et sa palette émotionnelle. Sa scène de la folie (« À vos jeux, mes amis… »), ponctuée de rires glaçants et de vocalises en suspension, fut un moment d’une intensité bouleversante. Le chœur, tantôt narrateur, tantôt personnage, a magnifié l’atmosphère shakespearienne, notamment dans la Marche funèbre (extraite de Tristia) de Berlioz qui a suivi, où les « ah » sans paroles évoquaient une plainte collective.

La transition vers le Requiem de Fauré s’est opéré naturellement, comme une réponse spirituelle aux tourments terrestres. L’orchestre sur instruments d’époque a révélé des couleurs inédites : les cordes dépouillées du Sanctus, les harmonies éthérées de l’Agnus Dei, et le dialogue entre le soprano de Devieilhe (« Pie Jesu ») et l’harmonium ont créé une atmosphère de sérénité lumineuse. Stéphane Degout, dans le Libera me, a apporté une gravité poignante, tandis que le chœur, d’une transparence remarquable, a achevé l’œuvre dans un In Paradisum enveloppant, comme une promesse d’éternité.

Raphaël Pichon a magistralement uni les partitions par des silences éloquents et des enchaînements subtils, exploitant la acoustique de l’Auditorium pour des effets spatiaux (chœur disposé en arc, échanges entre solistes et instruments). Sa direction, à la fois rigoureuse et intuitive, a souligné les contrastes entre la noirceur d’Hamlet et la lumière du Requiem, tout en respectant l’intimité propre à Fauré. Un concert qui a été bien plus qu’une succession d’œuvres : une méditation sur la Mort, où la musique s’est révélée à la fois miroir de nos angoisses et vecteur de consolation.

 

 

 

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CRITIQUE, concert. BORDEAUX, Auditorium, le 15 mai 2025. FAURE : Requiem (+ Extraits de « Hamlet » d’A. Thomas et de « Tristia » de H. Berlioz). S. Devieilhe, S. Degout, Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction). Crédit photographique (c) Emmanuel Andrieu

 

 

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