Le 5ᵉ Festival dos Capuchos a inauguré sa programmation éclectique le 30 mai 2025 à Almada (Portugal), sous le thème « Entre les mondes« , explorant des dialogues interculturels et temporels à travers la musique. Pour cette inauguration, l’orchestre suédois Musica Vitae, dirigé par le célèbre violoniste autrichien Benjamin Schmid, a proposé un programme audacieux mêlant Mozart et Tchaïkovski. Le concert a eu lieu dans l’un des lieux emblématiques du festival (aux côtés du Convento dos Capuchos), le Teatro Municipal Joaquim Benite.
En première partie, Benjamin Schmid, dans son double rôle de soliste et chef d’orchestre, a ouvert le concert avec le Concerto pour violon n°5 en la majeur, K 219 « Turc » de Mozart. Son interprétation a allié précision technique et sensibilité poétique. Dans l’Allegro aperto initial, Schmid a déployé un jeu aérien, dialoguant avec les cordes de Musica Vitae dans un équilibre parfait entre légèreté et dynamisme. L’Adagio fut un moment de pure introspection, où le violon solo a tissé des phrases lyriques, presque chantantes, soulignées par les nuances délicates de l’orchestre, tandis que dans le Finale « Turc », l’énergie contagieuse des rythmes ottomans a enflammé la salle. Les contrastes entre passages gracieux et accents percussifs (typiques des janissaires) ont brillamment illustré le thème interculturel du festival. Notons que Benjamin Schmid a insufflé une touche contemporaine aux ornements classiques, rappelant son projet « Jazz Violin Concertos » (présenté le lendemain au même endroit avec la même formation), sans trahir pour autant l’esprit mozartien.
La seconde partie a vu l’orchestre interpréter le Souvenir de Florence, Op. 70 de Tchaïkovski, écrit à l’origine pour sextuor à cordes mais ici élargi à un orchestre à cordes. L’interprétation a transformé cette œuvre en un voyage émotionnel. Dans l’Allegro con spirito, les violons ont lancé des motifs enivrants, restituant la vitalité des rues florentines, tandis que les altos et violoncelles apportaient une profondeur mélancolique. L’Adagio cantabile fut un chant d’amour déchirant porté par les cordes graves, où chaque section semblait respirer à l’unisson, créant une tension dramatique palpable. Le Finale a servi d’apothéose dansante, mêlant folklore russe et élégance italienne, révélant l’alchimie parfaite de Musica Vitae, avec une cohésion rythmique et une chaleur sonore rares. Cette œuvre, composée en Italie mais imprégnée d’âme slave, a littéralement incarné le dialogue « entre les mondes » si cher au festival.
Le public, conquis, a applaudi (debout) avec plusieurs rappels, soulignant l’émotion partagée dans la salle. Ce concert s’inscrivait dans la lignée des « grands moments » annoncés par la maire d’Almada, Mme Inês de Medeiros, et le directeur artistique de la manifestation portugaise Filipe Pinto-Ribeiro, renforçant le festival comme une « référence incontournable » de la scène musicale au Portugal. Cette soirée marque le début d’un mois de festivités prometteur – du jazz arménien du Nagash Ensemble à l’opéra pour enfants Bastien und Bastienne de Mozart – confirmant le Festival dos Capuchos comme un phare culturel « entre les mondes« .
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CRITIQUE, concert. ALMADA (Portugal), 5éme Festival de Musica dos Capuchos (Théâtre Joaquim Benite), le 30 mai 2025. MOZART / TCHAÏKOVSKY. Musica Vitae, Benjamin Schmid (direction). Crédit photo (c) Andrea Carvalho