Concert hommage
Roger Accart
CNSMD de Lyon, Salle Varèse
Vendredi 28 septembre 2007, 20h30
Au moment de la mort de Roger Accart, fin janvier 2007, classiquenews.com avait salué l’action persévérante de ce mélomane (1920-2007), artistiquement si engagé dans sa ville, où il avait notamment fondé et fait vivre « Musique du
Temps », un groupe qui se consacrait aux œuvres du XX ème siècle. Les amis de Roger Accart donnent au CNSMD, le 28 septembre, un concert-témoignage qui évoque l’importance de son œuvre pour le rayonnement de la musique contemporaine.
La chiquenaude initiale
Il est mort à 87 ans, éternellement jeune et enthousiaste, assistant jusqu’aux dernières semaines à des concerts que certes alors il n’organisait plus, mais sur lesquels l’esprit de son action soufflait. Roger Accart était
chimiste de formation et de métier et il « représentait » avec énergie et compétence des produits à propos desquels il élargissait l’horizon scientifique de ses interlocuteurs, quitte à « dériver » aussi sur la culture musicale et artistique. Et surtout il avait créé dans sa ville natale –qu’il aimait, mais dont il vilipendait toutes les frilosités de « Philistins endurcis » – une présence parfaitement originale de la musique du XX ème. Il se disait continuateur des efforts entrepris dans ce domaine par Jean Witkowski, chef d’orchestre et fils du compositeur Georges-Martin :
mais la Ville n’avait jamais eu une politique cohérente ou même attentive en musique, même sous le très long « règne » d’Edouard Herriot, grand lettré,biographe de Beethoven et…Grand Sourd en matière contemporaine. D’abord
conférencier et délégué des J.M.F., critique musical, le musicien de passion qu’avait toujours été Roger Accart – pianiste, chanteur – avait su prendre la dimension des immenses lacunes « modernes » de Lyon, et d’ailleurs de la
France pas seulement « provinciale ». Et surtout il avait agi, de façon symbolique et décisive à la fois : créant en 1960 « Musique du Temps », il avait donné, comme disent les philosophes, « la chiquenaude initiale » à
l’inscription des mélomanes, des interprètes et même d’un « public de base » dans le paysage visité du XXe. Association composée selon les formules classiques, Musique du Temps n’eut certes que 12 ans de vie et ne toucha
sans doute qu’un nombre limité d’auditeurs, mais « toute la culture musicale
contemporaine » à Lyon est sortie de son rayonnement. On y tenta aussi des formules de décentralisation régionale, comme à Roanne (Loire) où des concerts lyonnais furent « doublés ». En somme, pas de quoi susciter…une
indifférence française et spécialement parisienne, en un temps où le « mot hideux de province » était encore, à ce qu’on murmure, la règle édictée «d’en haut ».
De Stockhausen à Boucourechliev et Xenakis
Car c’est à un contact vivant et actif qu’incitaient les concerts composés par coups de cœur, générosité (financière aussi) du fondateur, obstination parfois furieuse contre la mollesse des « autorités » culturelles ou la
paresse du public prétendument cultivé. C’est ainsi qu’on put dans ces «sixties » non seulement écouter des œuvres majeures du XXe, mais rencontrer des compositeurs aussi divers et parfois effarouchants que Stockhausen, Luis
de Pablo, Dallapiccola, Jolivet et bien sûr Messiaen qui avait été son « révélateur et catalyseur » dès 1945. C’était sans soutien institutionnel de la Ville, et aussi risqué qu’une promenade sur les quais verglacés de la Saône. De grands interprètes venaient, sans souci de cachets à la hauteur de leur renom : les frères Kontarsky, le Quatuor Parrenin, Claude Helffer, les sœurs Loriod, Noël Lee, Diego Masson et Musique Vivante, les Percussions de Strasbourg, MW2 de Cracovie… On se débrouillait en dialoguant avec les « grands frères » du Théâtre de la Cité ( Roger Planchon pour le futur TNP) et de l’Opéra Nouveau, fondé en 1969 par Louis Erlo. Ou les individualités qui
menaient combat contre la routine : Rudolf Nunn au Goethe-Institut, et en connivence amicale avec les critiques d’art visuel, de théâtre et de musique, Albert Gravier, René Déroudille, Jean-Jacques Lerrant qui chacun à
sa manière « secouaient » l’inertie bourgeoise, ou Ennemond Trillat qui dirigeait le Conservatoire. L’éclectisme était d’ailleurs la règle de vie esthétique XXe de Roger Accart, un fervent de l’Ecole de Vienne et de Bartok, de Boulez auquel il vouait un culte ( mais le Maître, jugeant lesmoyens financiers et le public potentiel peu alléchants, ne se hasarda pas entre Rhône et Saône pour honorer les pressantes invitations de Musique du Temps). Roger Accart fut perpétuellement curieux de toute « nouveauté » d’écriture, même ancrée dans la tradition, et il associait Honegger, Monpou, Roussel ou Britten à des célébrations musicales plus « osées » comme celles de Cage, Kagel, Berio, Xenakis, Ligeti, Guézec, Eloy, Boucourechliev, Zimmermann, Bussotti ou des Polonais non alignés. Il y eut même en 1960 un disque-résumé du concert Dallapiccola , réalisation audacieuse et rarissime à l’époque… Intra muros, il aida le compositeur Jean-Guy Bailly, mais ne put réaliser en faveur de Hugues Dufourt – bientôt
parti dans la capitale et futur « grand de la musique d’aujourd’hui » – ce qu’il avait projeté. A partir de 1973, d’autres prirent le relais, mais d’une part Roger Accart continua en donnant toutes sortes d’impulsions –
écrites, orales, conseillères, mélomanes, toujours sans aucune concession – et d’engagements sans faille ( l’Association France-Hongrie) , d’autre part les actions, parfois pleines de succès qui se sont succédées en ordre
dispersé ont eu son appui militant et lui doivent beaucoup : venue de l’Intercontemporain à Villeurbanne, saisons de Musique Nouvelle à l’Auditorium, Ensemble Forum (Mark Foster), et bien sûr les activités
ouvertes au public du CNSMD.
Un concert d’amis, pas d’anciens combattants
Il est donc naturel qu’au-delà des amitiés personnelles, l’institution CNSMD (dont le patron précédent Gilbert Amy avait été joué deux fois dans le cadre de Musique du Temps) offre sa belle salle Varèse au concert d’hommage. Dans
ce concert on entendra les pianistes Wilhem Latchoumia, Hélène Jacquet, Jean-Pierre Morin, Marie-Annick Chamarande, les violonistes Marie-Annick Nicolas et Laurent Picard , le clarinettiste Jean-Louis Bergerard, la
soprano Aiketa Cela, la flûtiste Margareta Morin, le Trio Alma, le duo Buenos-Aires. Bien évidemment Messiaen et Boucourechliev (l’Archipel IV) seront visités, mais aussi les autres horizons qui sollicitaient le voyageur
impénitent (l’Argentine de Piazzolla , l’œuvre de Kodaly). Et sa passion pour les musiques d’ »avant » : Fauré, Bach, Liszt et son infiniment cher Schumann, autre culte de sa vie musicienne. Des textes de la poésie
qu’aimait tant Roger Accart seront lus. Bref, ce n’est pas une réunion d’anciens combattants pour ce que Louis Erlo avait joliment appelé « la clientèle du souvenir » – d’ailleurs les interprètes n’ont pas fait les
guerres culturelles de jadis et naguère ! -, mais un gage de fidélité à des idéaux, et le relais à prendre par des générations qui entrent et entreront dans la carrière – sans gloire immédiate – quand leurs aînés n’y seront
plus.
Vendredi 28 septembre, Salle Varèse, CNSMD de Lyon, 20h30. Œuvres de Bach, Schumann, Liszt, Fauré, Kodaly, Messiaen, Sosa, Aguirre, Piazzolla, Boucourechliev. Informations et réservations (entrée libre), Téléphone: 04 72 19 26 61 et&nbs
p; www.cnsmd-lyon.fr