jeudi 28 mars 2024

Compte rendu, opéra. Strasbourg. Opéra Nat du Rhin, le 18 juin 2018. Tchaïkovski : Eugène Onéguine. Baciu, Morozova, / Letonja / Wake-Walker

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bONEGUINE_ONR-KlaraBeck_0371-Acte2-728x485Compte rendu, opéra. Strasbourg. Opéra National du Rhin, le 18 juin 2018. Tchaïkovski : Eugène Onéguine. Bogdan Baciu, Ekaterina Morozova, Marina Viotti, Liparit Avetisyan… Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Marko Letonja, direction. Frederic Wake-Walker, mise en scène. Fin de saison romantique à Strasbourg, avec la nouvelle production d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski à l’Opéra National du Rhin. Le chef Marko Letonja dirige un orchestre en bonne forme et une distribution plutôt jeune qui cautionne à elle seule le déplacement. Frederic Wake-Walker signe une mise en scène (sa première en France) réunissant en apparence, quelques nombreuses idées aspirant à quelque chose mais qui réussit à laisser le public indifférent, en contraste avec la musique passionnée et l’interprétation -musicale- du quatuor principal, passionnante.

 

 

 

Eugène Onéguine à l’Opéra Nat du Rhin

Rendez-vous manqué, ma non troppo

 

Véritable chef d’oeuvre lyrique de Tchaïkovski, sans doute son opéra le plus joué et le plus connu en dehors de la Russie, il est inspiré du roman éponyme en vers de Pouchkine. L’histoire est celle d’Onéguine l’excentrique citadin blasé qui rejette l’amour inconditionnel de la jeune provinciale Tatiana, pour ensuite le regretter 5 ans après, quand il la découvre alors Princesse mariée à l’un de ses amis, le Prince Grémine. Il revient sur ses choix et souhaite réactiver la déclaration d’amour professée par Tatiana (fameuse scène de la lettre), avec le but de la faire tout quitter pour lui, lui demandant maintenant ce qu’il n’a pas voulu donner auparavant. Si Tatiana finit par accepter la sincérité de leur amour, l’œuvre s’éloigne des conventions romantiques occidentales du XIXe siècle, dans le sens où elle a la force et la dignité d’être pleinement maîtresse de son esprit et non pas esclave de ses affects. Au moment de la confrontation fatidique et finale, elle pleure un peu, elle se bat et gagne, elle le remercie et le congédie. Elle repart avec son mari. De son côté, Onéguine, lui, finit dans le désespoir de la solitude.

Le silence refroidi de l’auditoire vis-à-vis de la mise en scène dont les souvenirs heureux sont de l’ordre technique (lumières parfois poétiques de Fabiana Piccioli, décors parfois ingénieux de Jamie Vartan), cède la place à l’émotion qu’arrivent plutôt à transmettre les chanteurs malgré la proposition théâtrale particulièrement mince, sans être abstraite ni ouvertement contemporaine. Si certains procédés réussissent à inspirer des sourires et soupirs faciles, éphémères, comme les enfants mimant des pas de danse avec des ballons en forme de coeur gonflés à l’hélium, l’émotion forte que nous gardons à l’esprit est une vague sensation … d’ennui.

Peut-être s’agissait-il d’une démarche voulue par le metteur en scène, un parti pris inspiré de l’attitude « so » blasée d’Onéguine le cynique… Curieusement il s’agît de l’opéra préféré de M. Wake-Walker. Une affection qui manque a contrario de chaleur comme de clarté… Félicitons néanmoins le courage de la direction de proposer la découverte de jeunes chanteurs, talents prometteurs à suivre indiscutablement.

Dans cette démarche, nous constatons heureusement un résultat merveilleux en ce qui concerne les jeunes chanteurs engagés pour le quatuor principal. Si le Lensky de Liparit Avetisyan déçoit lors de son air au premier acte, d’une grande beauté, mais à l’interprétation un peu faussée, il se rattrape au IIe acte et touche l’auditoire par son humanité. L’Olga de Marina Viotti est coquette et espiègle à souhait, avec une voix saine et bien maîtrisée. La Tatiana d’Ekaterina Morozova campe un air de la lettre au premier acte d’une grande beauté. Si son allure peut-être un peu trop digne pour le rôle -au premier acte-, son chant est toujours délicieusement nuancé et l’interprétation captivante, incarnée.

aONEGUINE_ONR-KlaraBeck_4136_acte1-362x543Le baryton roumain Bogdan Baciu faisant ses débuts en France dans le rôle-titre, est une découverte extraordinaire. La richesse de sa performance se trouve dans le chant, dans son interprétation presque trop chaleureuse parfois, émotive, tout en restant maître de son instrument qu’il sait bien projeter dans la salle également. Remarquons aussi Doris Lamprecht et Margarita Nekrasova dans les rôles de Madame Larina et Filipievna respectivement, excellentes dans tous les sens. Si les choeurs de l’Opéra préparés par Sandrine Abello et dirigés par Inna Petcheniouk sont en bonne forme vocalement, les contraintes ringardes et régulièrement incongrues de la mise en scène, semblent affecter malheureusement leur prestation. Reste l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg sous la baguette de Marko Letonja. Une direction sage sans être froide, donnant une exécution plutôt tempérée. Ceci peut bien s’accorder à la partition de Tchaïkovski qui réussit le pari de briller et de sentimentalisme et de clarté. Si l’équilibre n’est pas toujours là, parfois au détriment de l’œuvre musicale, ce même déséquilibre parvient parfois à distraire la vue pour s’adonner, heureusement, et en tout abandon, à l’ouïe. Félicitons ainsi les cuivres et les bois enivrants, et le groupe des cordes, impeccables. Encore à l’affiche à l’Opéra National du Rhin les 22, 24 et 26 juin (Strasbourg) ainsi que les 4 et 6 juillet à la Filature de Mulhouse. Illustrations : © Klara Beck

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